L’évacuation de Daraya, vendredi 26 août 2016. | Uncredited / AP

Les traits tirés, le visage fermé, parfois en larmes, des centaines d’adultes et d’enfants de Daraya ont quitté, vendredi 26 août, cette ville de la banlieue de Damas, l’un des berceaux de la révolte contre le régime de Bachar Al-Assad, dont l’évacuation a commencé.

Après avoir, pendant quatre ans, imposé un siège implacable à Daraya, où seul un convoi de nourriture de l’ONU est entré durant cette période, les autorités ont obtenu ce qu’elles attendaient : la reddition des rebelles, à la suite d’un accord avec une équipe de la ville chargée de négocier. Celui-ci prévoit que le fief rebelle soit entièrement vidé des combattants et des habitants. La perte de Daraya, lieu symbolique et l’une des places fortes de l’insurrection dans les environs de la capitale, est une défaite pour la rébellion.

« Nous continuerons notre engagement. Daraya, ce n’est pas seulement un lieu, c’est un esprit »

« Dans la guerre, on gagne et on perd des batailles. Nous avons perdu cette bataille », constate Hussam Ayash, un activiste du conseil local de Daraya joint au téléphone. « Mais nous continuerons notre engagement. Daraya, ce n’est pas seulement un lieu, c’est un esprit », dit-il en référence à la résistance civile qui s’était organisée dans la ville, dont plusieurs figures emblématiques de la révolte de 2011 étaient originaires. « Les gens sont tristes, épuisés, ils quittent leur terre. Nous avons vécu avec la mort pendant quatre ans », ajoute le militant. Selon le conseil local, l’évacuation devait prendre fin samedi.

« Idlib sera leur tombeau »

C’est à l’entrée d’une ville en ruines, détruite à près de 90 % et déjà vidée de l’essentiel des civils à cause des bombardements de l’armée et des combats entre militaires et rebelles, que se sont rassemblés vendredi les premiers habitants à partir, avec leurs maigres effets. Près des bus, des volontaires du Croissant-Rouge syrien, seule organisation humanitaire impliquée dans l’évacuation, étaient présents, ainsi que des soldats. Des images retransmises par des télévisions prorégime présentes sur place ont montré les militaires brandir leur kalachnikov en signe de défi, alors que l’un des bus quittait Daraya.

Selon les termes de l’accord, les centaines de rebelles et leurs proches vont rejoindre la région d’Idlib. Ce fief de l’opposition est tenu par la coalition Jaïch Al-Fatah (« Armée de la conquête »), dominée par des groupes radicaux et djihadistes.

Les insurgés de Daraya sont pour leur part principalement issus des brigades des Martyrs de l’islam et d’Ajnad Al-Cham, alliance de groupes islamistes. « Idlib sera leur tombeau », a affirmé à l’agence Associated Press un soldat présent à Daraya. C’est également vers cette province du nord-ouest de la Syrie qu’avaient été acheminés les combattants de Zabadani, une localité proche du Liban, évacuée cet hiver.

Les autres familles de la ville, où restaient entre 4 000 et 8 000 civils, ont commencé à être transférées vers des abris collectifs, dans une zone agricole au sud de Damas sous contrôle gouvernemental. Selon une source humanitaire, les modalités de leur réinstallation sont encore floues.

La détérioration des conditions de vie, dans la ville assiégée depuis novembre 2012, semble avoir été l’un des facteurs décisifs poussant rebelles et activistes à chercher un accord avec les autorités. Selon une opposante syrienne exilée en Turquie, Noura Al-Jizaoui, un ultimatum a également été donné par le régime aux rebelles de Daraya : « Se rendre ou être tué. » Cette militante a souligné que l’évacuation forcée intervenait quatre ans presque jour pour jour après un effroyable massacre dans la ville, commis, selon des témoins et des ONG, par des miliciens pro-Assad.

Des rebelles syriens et leurs familles dans les bus à leur arrivée dans le village de Kalaat al-Madik, dans la province de Hama, samedi 27 août, après l’évacuation de Daraya. | OMAR HAJ KADOUR / AFP

« Le monde regarde »

Pour le pouvoir, la chute de Daraya, à la position stratégique – proche de Damas et de l’aéroport militaire de Mazzé, où se trouve le siège des services de renseignement de l’armée de l’air – s’ajoute aux gains enregistrés par l’armée dans les environs de la capitale au cours des derniers mois. La reconquête des zones insurgées dans cette région apparaît comme une priorité des autorités. Le carré insurgé doit, dans l’immédiat, être transformé en zone militaire.

Vendredi, l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan De Mistura, a affirmé que son bureau n’avait pas été consulté au sujet de l’accord sur l’évacuation des habitants de Daraya. Il a jugé la situation à Daraya « extrêmement grave ». « C’est tragique que les appels répétés à lever le siège de Daraya, en place depuis novembre 2012, et à l’arrêt des combats n’aient jamais été entendus. » « Le monde regarde », a-t-il ajouté.

« C’est une honte pour la communauté internationale »

Des propos qui risquent peu de conforter la population de Daraya. Pour ses militants, le départ auquel les habitants sont forcés marque un nouvel échec de la communauté internationale dans le conflit syrien. « C’est une honte pour elle », dit Hussam Ayash. Comme les autres activistes civils craignant d’être arrêtés s’ils rejoignent une zone sous contrôle gouvernemental, il devait, samedi, partir pour Idlib.