Tafta : la France réclame l’arrêt des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique
Tafta : la France réclame l’arrêt des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique
LE MONDE ECONOMIE
Paris dénonce des discussions trop déséquilibrées entre les Etats-Unis et l’Europe.
Lors d’une manifestations en Allemagne, le 26 mars 2016. | RALPH ORLOWSKI / REUTERS
Après des mois de tergiversations, la France a décidé d’en finir avec les négociations concernant le traité de libre-échange transatlantique (appelé TTIP ou Tafta), censé doper les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Union européenne. « A la fin du mois de septembre, lorsque les ministres du commerce extérieur se réuniront à Bratislava pour avoir un échange sur ce sujet comme sur d’autres, je demanderai, au nom de la France, l’arrêt des négociations sur le Tafta », a annoncé Matthias Fekl, mardi 30 août, sur RMC.
« Ce que demande la France, c’est l’arrêt pur, simple et définitif de ces négociations, a précisé le secrétaire d’Etat français au commerce. Pourquoi ? Parce qu’elles ont été engagées dans l’opacité. Il faut un coup d’arrêt net, clair et définitif pour ensuite pouvoir reprendre des discussions sur de bonnes bases. »
Lors de la Conférence des ambassadeurs, le président de la République a également assuré que les discussions ne pourraient aboutir en l’état :
« La négociation s’est enlisée, les positions n’ont pas été respectées, le déséquilibre est évident. (...) Alors le mieux c’est que nous en fassions lucidement le constat et plutôt que de prolonger une discussion qui sur ces bases ne peut pas aboutir. »
Selon Paris, les négociations menées par la Commission européenne au nom des 28 Etats-membres de l’Union, souffrent d’un trop grand déséquilibre au profit de Washington. « Les américains ne donnent rien ou alors des miettes (…), ce n’est pas comme ça qu’entre alliés on doit négocier », a précisé M. Fekl, ajoutant que « les relations ne sont pas à la hauteur entre l’Europe et les USA ».
Un 15ème « round » en octobre
Cette décision intervient alors que les discussions, entamées en juillet 2013, s’enlisent entre Européens et Américains. Alors que 14 « rounds » de négociations ont déjà eu lieu, aucun accord n’a encore pu être trouvé sur les 27 chapitres en discussion. Un 15ème « round » est d’ores et déjà prévu aux Etats-Unis, durant la première semaine d’octobre.
Selon différentes sources, les positions entre les deux camps sont encore très éloignées. Les Européens réclament notamment un meilleur accès aux marchés publics outre-Atlantique, protégés par différents dispositifs législatifs, comme le « Small business Act », qui réserve certaines commandes publiques aux PME locales. De leur côté, les Américains lorgnent les marchés agricoles européens, que Bruxelles refuse de fragiliser en les ouvrant davantage à la concurrence.
Le débat sur l’arrêt des discussions n’agite pas que la France. Dimanche, le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel a estimé que les négociations entre Européens et Américains « ont pratiquement échoué, même si personne ne l’admet vraiment ». Interrogé par la chaîne de télévision ZDF, le ministre (SPD) de l’économie a estimé que « nous, Européens, ne devons (…) pas céder » aux exigences de Washington. A l’inverse, Angela Merkel, la chancelière allemande, a toujours apporté son soutien aux discussions, malgré une opposition de plus en plus virulente de l’opinion publique sur ce sujet outre-Rhin. La victoire du Brexit au référendum du 23 juin sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE a aussi porté un rude coup aux partisans du TTIP.
Scepticisme américain
Aux Etats-Unis, de nombreux observateurs expriment également leur scepticisme quant à la capacité de l’administration américaine à conclure les discussions sur le Tafta avant la fin du second mandat du président américain, même si Barack Obama répète vouloir trouver un accord d’ici à janvier. Pourtant favorable au libre-échange, Hillary Clinton n’a pas fait de ce dossier un des axes de sa campagne. Son adversaire républicain, Donald Trump, y est clairement hostile, préférant miser sur le thème du protectionnisme pour séduire les électeurs américains.
Dans un entretien paru mardi 30 août dans l’hebdomadaire allemand Spiegel, le négociateur américain Michael Forman a néanmoins affirmé que « les négociations progressent ». De même, on reste persuadé à Bruxelles que « le Tafta n’est pas mort », selon une source européenne, même si l’on ne sous-estime pas les obstacles qui s’accumulent. Les négociateurs européens misent notamment sur une reprise des discussions en cas de victoire de Hillary Clinton dans la course à la Maison Blanche.
Interrogé sur un possible arrêt des négociations, Arnaud Montebourg, ex-ministre de l’économie et candidat à la prochaine élection présidentielle, a indiqué, mardi matin sur RTL, que « c’est une bonne chose ». « Si c’est vrai, c’est une grande victoire », a également réagit Jean-Luc Mélenchon, autre candidat à l’Elysée, sur l’antenne de RMC.