François Hollande et l’université : une action manquée
François Hollande et l’université : une action manquée
Par Camille Stromboni (Service France)
A l’heure du bilan, le président de la « priorité jeunesse » concentre les déceptions à l’université, faute de lignes claires dans les réformes.
La ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, lors de la conférence de presse organisée à l’occasion de la rentrée universitaire 2015, à Paris, le 16 septembre 2015. | BERTRAND GUAY / AFP
Thierry Mandon, le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, fait la dernière rentrée du quinquennat de François Hollande. Chez beaucoup d’universitaires, la déception domine face à un nombre d’étudiants toujours plus important – 32 000 étudiants de plus cette année, 40 000 en 2015 – sans les moyens pour les accueillir. « L’Etat veut mener une classe d’âge toujours plus grande à un diplôme. C’est très bien, mais la question du modèle économique de l’université n’a pas été traitée depuis quatre ans », pointe Manuel Tunon de Lara, président de l’université de Bordeaux.
Passées à l’autonomie financière sous le mandat de Nicolas Sarkozy, les universités ont vu, à partir de 2012, se multiplier les déficits. Avec le cas extrême de l’université de Versailles, proche de la cessation de paiement en décembre 2013, que l’Etat a dû renflouer en urgence.
« S’il y a de moins en moins de déficits, ce n’est pas lié à un meilleur financement, mais juste à une meilleure gestion de la pénurie », prévient Jean-Loup Salzmann, à la tête de la Conférence des présidents d’université (CPU). « Les ambitions du président de la “priorité jeunesse” se sont heurtées au mur de l’austérité », juge même William Martinet, qui va quitter, le 23 septembre, la présidence du syndicat étudiant UNEF.
L’enseignement supérieur a pourtant fait partie des budgets « sanctuarisés », c’est-à-dire stables quand les restrictions budgétaires touchaient la plupart des ministères. Sans compter un investissement inédit à destination des étudiants : 553 millions d’euros pour les bourses depuis 2012 et près de 500 millions d’euros promis à un « plan jeunesse » obtenu à l’issue de la mobilisation des jeunes contre la loi travail au printemps.
Absence de ligne claire
Mais l’augmentation mécanique des charges des établissements et des effectifs a rendu le geste insuffisant. Avec des pas de côté contradictoires, lorsque l’Etat a prélevé 100 millions d’euros sur les fonds de roulement des universités, ou que les députés, avec le soutien du gouvernement, ont coupé 70 millions au budget des facultés, rétablis ensuite par François Hollande. Les 850 millions supplémentaires promis à l’enseignement supérieur et à la recherche en 2017 arrivent tard. « Ce n’est que le début d’un effort qui doit se poursuivre, argue Thierry Mandon. Il ne faut pas oublier que nous sommes arrivés, en 2012, dans un système secoué par une autonomie réalisée dans la précipitation et non financée. »
Il n’y a pas que ce point noir budgétaire… L’absence de ligne claire dans les réformes touchant à l’université pèse tout autant sur le bilan du quinquennat. Le ministère a souvent préféré louvoyer, au risque de mécontenter tout le monde. Les ajustements à la marge du processus Admission post-bac (APB), face à la montée des difficultés d’inscription et du tirage au sort dans les filières universitaires en tension, ont occulté un véritable débat sur les conditions d’entrée dans l’enseignement supérieur.
C’est le cas à l’université, où le taux d’échec en première année demeure très élevé, sans qu’aucune amélioration ait été apportée durant le quinquennat. Le système n’a pas été remis à plat, alors même qu’il commence à s’effriter, compte tenu de la fragilité juridique sur laquelle il repose.
« une question de courage politique »
La question de la sélection en master s’est imposée sur le devant de la scène, en raison de la multiplication des procès d’étudiants contestant un refus d’admission en master 2. La réforme est promise par Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’éducation nationale, pour novembre. Mais, depuis plus de deux ans, le gouvernement y est allé à reculons.
Sommé de réguler l’entrée en master, après l’avis du Conseil d’Etat jugeant toute sélection illégale en deuxième cycle, il a pris un décret listant 40 % des masters existants autorisés désormais à sélectionner à l’entrée du master 2. Mais de nouvelles décisions des tribunaux administratifs l’ont déjà écorné cet été. « C’est une question de courage politique », tance Laurent Daudet, chargé de l’enseignement supérieur au sein du think tank de gauche, Terra Nova. « A force de ne pas prendre de véritable décision, on ouvre en plus un boulevard à la droite pour faire de la sélection bête et méchante », dit-il.
Autonomie bridée
Un autre dossier polémique a lui été tout simplement enterré : la mise en place d’une expérimentation d’un contrôle continu intégral en licence en supprimant les rattrapages dans cinq établissements. On a assisté à des allers-retours du ministère contraint par Matignon d’abandonner le projet. « Ce n’est pas possible d’avoir toujours la main qui tremble », dénonce Alexandre Leroy, président du syndicat étudiant la FAGE.
Du côté des présidents, le sentiment d’une autonomie bridée domine. « On veut toujours ménager la chèvre et le chou. Résultat, les universités restent menottées par un grand nombre de dispositifs réglementaires les empêchant d’avancer », résume Manuel Tunon de Lara. « Nous n’avons pas eu peur de nous attaquer à des sujets qui fâchent, se défend Thierry Mandon. Nous avons simplement différé une micro-expérimentation sur le contrôle continu pour donner plus de chances à la réforme du master d’aboutir. »
Les prochains mois montreront si cette tactique valait le coup. Elle laisse songeur quant à la conviction portée par l’Etat sur l’enseignement supérieur, portefeuille rétrogradé de ministère en simple secrétariat d’Etat durant le mandat de François Hollande.