Pakistan : que sait-on de l’attaque contre une école de police ?
Pakistan : que sait-on de l’attaque contre une école de police ?
Par Julien Bouissou (New Delhi, correspondance)
Trois kamikazes ont tiré dans les dortoirs pendant près de quatre heures, faisant au moins 58 morts. L’organisation Etat islamique a revendiqué l’attaque. Les militaires pakistanais l’attribuent au groupe sunnite Lashkar-e-Jhangvi.
Attentat au Pakistan : l'Organisation Etat islamique responsable ?
Durée : 04:07
Près de trois mois après l’attentat qui a fait 73 morts, le 8 août, dans un hôpital de Quetta, une ville du sud-ouest du Pakistan proche de la frontière avec l’Afghanistan, des terroristes ont attaqué une école de police située à 19 kilomètres de la ville, faisant au moins 58 morts et 118 blessés, selon un bilan provisoire.
- Que s’est-il passé ?
Trois kamikazes armés de kalachnikovs se sont introduits dans le collège peu avant minuit dans la nuit de lundi à mardi et ont tiré dans les dortoirs sur les jeunes recrues âgées de 18 à 20 ans. L’assaut a duré près de 4 heures.
Qui est à l’origine de cette attaque ?
L’organisation Etat islamique ait revendiqué l’attaque. Mais le général pakistanais Sher Afgan, commandant du Frontier Corps chargé de la contre-offensive, a identifié les assaillants comme des membres du groupe extrémiste sunnite pakistanais Lashkar-e-Jhangvi (LeJ) qui « communiquaient avec des cadres en Afghanistan ».
- Qui sont les extrémistes du groupe LeJ?
Dès sa fondation en 1996, cette formation clandestine a affiché sa volonté de lutter contre l’influence de l’Iran au Pakistan et a mené une vague sans précédent d’attaques contre des chiites, notamment en 2012-2013 lorsque plusieurs centaines d’entre eux furent tués dans des attentats.
Interdit par Islamabad en 2001, le LeJ a également visé le gouvernement pakistanais, des chrétiens, des hindous et des Occidentaux. Le groupe a participé à l’enlèvement et à l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl, en 2002. Ses militants se sont, depuis, réfugiés dans les sanctuaires djihadistes de la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, où ils bénéficient de la protection des talibans pakistanais.
Une offensive militaire baptisée « Zarb-e-Azb » (« attaque de l’épée du Prophète » en ourdou) lancée en juin 2014 contre les deux régions tribales jusque-là épargnées par l’armée, le Nord-Waziristan et Khyber, refuges de prédilection des groupes djihadistes, est loin d’avoir été concluante. Elle a poussé les militants à se réfugier dans la région voisine du Baloutchistan, dont Quetta est la capitale, sans vraiment éliminer les réseaux djihadistes.
Sur les lieux de l’attentat, mardi 25 octobre. | BANARAS KHAN / AFP
- Quel est le contexte dans la province du Baloutchistan ?
Lashkar-e-Jhangvi et les talibans pakistanais ont multiplié les attaques dans cette province instable, l’une des plus pauvres et pourtant la plus riche en ressources naturelles, en proie à des conflits intercommunautaires ainsi qu’à une insurrection séparatiste. Entre fin 2014 et juillet 2016, six attaques attribuées au groupe djihadiste Jamaat-ul-Ahrar, une faction dissidente du mouvement des talibans pakistanais, ont fait environ 160 morts. Le rythme s’est brusquement accéléré en août et septembre, faisant 135 victimes, dont une majorité à Quetta.
Le Baloutchistan est stratégique car y débouchent d’ambitieuses infrastructures routières et énergétiques reliant la Chine à la mer d’Arabie. Le couloir économique sino-pakistanais, d’un coût estimé à 42 milliards d’euros, a été la cible de nombreux attentats. Les chantiers de construction sont désormais protégés par l’armée. L’attaque sanglante du collège de police intervient quelques jours après que le chef de l’armée, Raheel Sharif, a qualifié, dimanche 23 octobre, l’opération « Zarb-e-Azb » de « guerre pour la paix » qui aurait créé un « environnement de paix et de prospérité ».