Londres : accord controversé pour l’agrandissement de l’aéroport de Heathrow
Londres : accord controversé pour l’agrandissement de l’aéroport de Heathrow
Par Eric Albert (Londres, correspondance)
La construction d’une troisième piste à l’aéroport londonien a été approuvée par le gouvernement britannique. Elle reste cependant suspendue au vote des députés.
Les riverains de Heathrow sont vent debout contre l’extension de l’aéroport, alors que les avions passent déjà à cadence serrée juste au-dessus de leurs têtes. Son extension provoquerait une pollution sonore et de l’air inacceptable, selon eux. | JUSTIN TALLIS / AFP
La première fois que la construction d’une troisième piste d’atterrissage à Heathrow a été évoquée, c’était dans les années 1970. La proposition formelle de l’extension de l’aéroport londonien remonte à 2003. Et mardi 25 octobre, après de très nombreux rebondissements et autant d’atermoiements, le gouvernement britannique a finalement donné son accord. Il reste cependant aux députés à approuver le projet, et leur vote n’aura pas lieu avant l’automne 2017.
Le premier aéroport d’Europe est plein, fonctionnant aujourd’hui à 99 % de sa capacité. Gatwick, l’autre grand aéroport de la capitale britannique, qui n’a qu’une seule piste, fonctionne également à 85 % de sa capacité, tandis que les trois autres (Stansted, City Airport, Luton) se remplissent progressivement.
Les promesses de Boris Johnson
Anticipant la hausse du trafic aérien, Howard Davies, auteur d’un rapport remis au gouvernement en 2015 sur le sujet, est donc formel : « Londres et le Sud-Est [de l’Angleterre] ont à l’évidence besoin d’une piste supplémentaire d’ici à 2030. » Il en va, selon lui, de la croissance économique du pays.
Mais où faut-il construire cette piste supplémentaire ? Si M. Davies a pris position pour Heathrow, le débat demeure très vif. Heathrow, qui a ouvert en 1946 dans ce qui était alors presque un coin de campagne, a désormais été rattrapé par le développement de Londres. Ses alentours sont très construits et les riverains sont vent debout contre l’extension de l’aéroport, alors que les avions passent déjà à cadence serrée juste au-dessus de leurs têtes. Son extension provoquerait une pollution sonore et de l’air inacceptable, selon eux.
Politiquement, la situation a été compliquée par l’ancien maire de Londres Boris Johnson. Pour remporter le soutien des habitants autour de l’aéroport, celui-ci avait fait de son opposition à la troisième piste à Heathrow une de ses principales promesses. Dans son habituel style fanfaron, il avait même promis de s’allonger devant les bulldozers si nécessaire. Ce mardi matin, le désormais ministre des affaires étrangères était aux abonnés absents.
Le député conservateur Zac Goldsmith, candidat malheureux à la mairie de Londres, a lui aussi fait de son opposition à l’extension de Heathrow une ligne rouge. Ce mardi, il a démissionné de son poste en signe de protestation.
Vote parlementaire repoussé
Face à Heathrow, Gatwick a mené une campagne marketing très active, estimant que la construction d’une deuxième piste dans son aéroport était une solution bien plus intéressante. Le lieu est moins entouré de riverains, et le coût de construction serait bien moindre.
Heathrow, qui reçoit 75 millions de passagers par an – loin devant Charles-de-Gaulle à Paris, avec 65 millions de passagers – réplique qu’il vaut mieux concentrer les avions dans un même « hub ». Cela permettra à l’aéroport d’assurer plus de connexions entre les liaisons aériennes, et d’attirer davantage de clientèle. Sur la base de cet argument, les promoteurs du projet arguent que les retombées économiques pour le Royaume-Uni seront plus importantes que le projet concurrent de Gatwick.
Cet argument l’a finalement emporté. Le gouvernement britannique pense que la construction d’une nouvelle piste à Heathrow sera « un soutien majeur à l’économie britannique ». Jonathan Bartley, le coleader du Green Party (parti écologiste), le regrette : « Cette décision est poussée par les grandes entreprises », dit-il à la BBC.
Mais le débat n’est pas encore clos. Prudente, la première ministre britannique, Theresa May, a repoussé le vote parlementaire sur le sujet. Celui-ci n’aura pas lieu avant un an. Une phase de consultation supplémentaire est ajoutée, pour désamorcer les tensions politiques. Au mieux, la construction de la piste doit débuter en 2020, pour une ouverture en 2025. Un demi-siècle après l’idée initiale.