Faire un MBA en Afrique, c’est possible
Faire un MBA en Afrique, c’est possible
Par Myriam Dubertrand (contributrice Le Monde Afrique)
Pourquoi se former en management quand on travaille déjà ? Où le faire ? Combien ça coûte ? Petit guide de ce diplôme de haut niveau très prisé des recruteurs.
Le Master in Business Administration (MBA) offre une formation généraliste de très haut niveau en management. Comme partout dans le monde, c’est un sésame très apprécié en Afrique. Ses spécificités ? Un enseignement moins académique que les troisièmes cycles traditionnels. Ici, les études de cas et le travail de groupe sont privilégiés par rapport à la grand-messe en amphi. Autre atout : la forte ouverture internationale. L’enseignement est généralement dispensé en anglais, et professeurs comme étudiants sont, en grande partie, étrangers.
L’Executive MBA de l’Essec, à Paris, compte une quarantaine d’étudiants par promotion issus d’une vingtaine de nationalités, et plus de la moitié du corps professoral est étranger. Celui de l’ISM Dakar – 25 étudiants par promotion en moyenne – regroupe dix nationalités, majoritairement de l’Afrique de l’Ouest et centrale, et reçoit des professeurs français, américains et asiatiques. L’International MBA d’ESCA Ecole de management au Maroc limite ses promotions à 20 participants. Quatre ou cinq nationalités sont représentées, notamment d’Afrique subsaharienne, et 30 % du programme est assuré par des enseignants internationaux, essentiellement européens.
Enfin, la plupart des MBA incluent des voyages d’études à l’étranger. Les participants de l’Executive MBA de l’Essec se rendent une semaine aux Etats-Unis et une semaine à Singapour. L’International MBA d’ESCA Ecole de management propose un séminaire international d’une semaine. La promotion en cours se rendra au Cap, en Afrique du Sud, en novembre. Les précédentes se sont rendues à Shanghaï, New Delhi, Buenos Aires, Bombay, Istanbul, Montréal, Madrid… « Des voyages d’études sont prévus pour la rentrée 2017-2018, annonce Drissa Ouedraogo, directeur de l’Executive MBA de l’ISM à Dakar. Nous sommes en train de réfléchir au choix des pays. »
Pourquoi faire un MBA ?
« Le fait que je sois en train de préparer un MBA m’a indiscutablement aidé à décrocher mon nouveau poste », se réjouit Valéry Droh. A 39 ans, il est, depuis février, directeur financier du groupe sénégalais Wari, spécialisé dans les transferts d’argent. Car le diplôme est un vrai plus sur le CV. Il joue le rôle d’accélérateur de carrière et parfois, mais pas systématiquement, de salaire.
« C’est un très bon moyen d’évoluer dans l’entreprise, notamment dans des structures internationales implantées en Afrique, et d’accéder aux plus hautes fonctions de l’organigramme », explique Alban Mariau, manager du cabinet de recrutement Fed Africa. « Ce diplôme d’excellence est le gage d’être reconnu dans le sérail international comme un pair en acquérant un langage commun dans tous les métiers de l’entreprise : finances, ressources humaines, marketing, stratégie », poursuit Guillaume Imbert, du cabinet de chasseurs de têtes Adexen. Autre atout souligné par Valéry Droh : un carnet d’adresses international.
A quel moment le faire ?
En début de carrière, après quelques années d’expérience. « Pour être véritablement judicieuse, la décision de faire un MBA doit s’effectuer au bon moment dans une carrière, avertit Alban Mariau. En effet, la formation est particulièrement pertinente pour des cadres en poste occupant, par exemple, une fonction dans la chaîne de logistique, le marketing ou le commercial, et qui souhaitent acquérir des connaissances transversales. » L’ESCA Ecole de management, à Casablanca, par exemple, n’intègre dans son International MBA que des participants ayant au bas mot cinq ans d’expérience dans un poste de management d’équipe. Pour intégrer l’Executive MBA de l’ISM Dakar, huit années sont requises.
On assiste pourtant à la création de plus en plus de MBA en formation initiale. L’ISM à Dakar en propose une quinzaine. « Dans ce cas, il s’agit en général de MBA de spécialisation, en ressources humaines ou en marketing par exemple, et cela peut séduire les entreprises, mais le mieux reste d’avoir une première expérience », insiste Alban Mariau.
Les formations peuvent être proposées sur un an à temps plein ou, pour les Executive MBA destinés aux cadres en poste, à temps partiel sur maximum deux ans. L’International MBA de ESCA Ecole de management se déroule sur quinze mois, celui de l’ISM sur dix-huit mois. Sans oublier la possibilité de plus en plus répandue de suivre des cours à distance. Plus la peine de mettre vie professionnelle et personnelle entre parenthèses le temps de la préparation du précieux parchemin.
A l’étranger ou en Afrique ?
Qui dit MBA dit Harvard, Wharton, London Business School, Insead, Essec… mais, de plus en plus de MBA peuvent être suivis sur le continent.
Parmi les neuf formations africaines ayant décroché l’accréditation de l’Association des MBA (AMBA), on retrouve celles dispensées en Afrique du Sud, qui se taille la part du lion avec six cursus, en Egypte, à l’université américaine du Caire, au Maroc et en Tunisie. Si les MBA internationaux et accrédités restent les plus cotés, certains MBA moins prestigieux n’en sont pas moins reconnus pour leur qualité : celui de la Lagos Business School au Nigeria ; de la Strathmore Business School au Kenya ; de l’ESCA Ecole de management, de l’ISCAE ou de la HEM Business School au Maroc ; et celui de l’ISM, au Sénégal. Drissa Ouedraogo, son directeur, annonce d’ailleurs son souhait de faire accréditer sa formation de Dakar par l’AMBA à l’horizon 2020.
Pour Alban Mariau, si l’on vise des postes de direction générale, aucun doute, il vaut mieux faire un MBA américain ou européen. Du moins actuellement, car d’ici quelques années, la tendance évoluera dans un sens positif pour l’Afrique. Les écoles du continent n’en doutent pas. Thami Ghorfi, doyen d’ESCA Ecole de management à Casablanca, souligne les atouts des MBA « made in Africa ». Outre le coût beaucoup plus bas, qui est un élément à ne pas négliger, « notre connaissance très fine des réalités du terrain et des spécificités locales alliée à une qualité académique internationale nous donnent un avantage concurrentiel indéniable, explique-t-il. Nous menons, notamment, des recherches en géopolitique sur les opportunités de business sur les marchés africains et dans le monde arabe. »
Drissa Ouedraogo poursuit : « Notre MBA est ancré dans des problématiques africaines avec une ouverture sur le monde. Nos études de cas portent sur des exemples tant internationaux qu’africains. Ce que ne proposent pas les MBA américains ou européens. »
L’enseignement supérieur en Afrique : les chiffres
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Comment financer sa formation ?
Les frais de scolarité peuvent aller jusqu’à plus de 70 000 euros pour le haut du classement mondial. Valéry Droh a fait ses comptes : en ajoutant aux frais de scolarité les dépenses de transport et d’hébergement, son Executive MBA à l’Essec, à Paris, d’une durée de dix-huit mois, va lui coûter 100 000 euros. Sur ses propres deniers. « J’avais le projet en tête depuis 2009, aussi ai-je épargné dans cette perspective. J’ai également fait un emprunt bancaire de 40 000 euros », détaille-t-il.
Seule consolation : son entreprise lui maintient son salaire durant ses périodes de formation. « C’est très cher, mais je n’ai aucun regret, explique-t-il. Je suis sûr que c’est un investissement rentable. » Parfois les entreprises financent des MBA. « Elles sont alors dans une logique d’attractivité et de fidélisation », explique Guillaume Imbert. Et elles n’hésitent pas à mettre la main à la poche pour chouchouter leurs « hauts potentiels ». En général, la prise en charge par l’entreprise varie de 50 % à 80 %. Dans ce cas, une clause lie le salarié à l’entreprise pour deux ou trois ans, sous peine d’avoir à rembourser le coût de la formation.
A l’ESCA Ecole de management, dont les frais pour suivre l’International MBA s’élèvent à 130 000 dirhams (12 000 euros), 70 % des participants sont financés en totalité par leur entreprise ; 10 % à 15 % autofinancent leur formation pour créer une entreprise ou opérer une réorientation professionnelle.
Pour ceux qui n’auraient pas été repérés comme « hauts potentiels » par leur entreprise, Alban Mariau n’a qu’un conseil : faire connaître son projet à sa direction des ressources humaines. « Ça marche ! », conclut le chasseur de têtes.
Le Monde Afrique organise les 27 et 28 octobre, à Dakar, la troisième édition de ses Débats avec pour thème, cette année, les défis de l’éducation supérieure en Afrique. Il y sera question des universités, de l’adéquation des filières actuelles avec les besoins des entreprises, de l’innovation technologique au service de l’éducation et de la formation des leaders africains. L’entrée est libre, sur inscription. Cliquez ici pour consulter le programme et vous inscrire.