Elections américaines : le Michigan et la possibilité d’un recomptage
Elections américaines : le Michigan et la possibilité d’un recomptage
Par Yves Eudes
Si par extraordinaire Trump n’était pas déclaré vainqueur dans le Michigan, il conserverait ses 290 voix, suffisamment pour être élu le 19 décembre, car la majorité est de 270.
Manifestation contr l’élection de Donald Trump à Hamtramck, dans le Michigan, le 14 novembre 2016. | BRITTANY GREESON / REUTERS
Les machines à voter du Michigan ont-elles été piratées, et par qui ? À ce stade, personne ne possède d’indice à ce sujet. Pourtant, il y a quelques jours, l’ex-candidate des Verts Jill Stein a exigé le recomptage des votes dans trois États remportés de justesse par Donald Trump, la Pennsylvanie, le Wisconsin et le Michigan. Comme il s’agit d’une opération coûteuse, elle a lancé sur Internet une souscription nationale.
Vendredi 25 novembre, la commission électorale du Wisconsin, dans le nord des Etats-Unis, a confirmé se « préparer à recompter les votes » conformément à la requête de l’ancienne candidate du Green Party.
Jill Stein se base notamment sur des articles de presse et des rapports d’experts suggérant que les résultats auraient pu être truqués par un piratage des machines à voter électroniques ou des centres serveurs des commissions électorales.
Ces études affirment que dans les circonscriptions du Wisconsin utilisant des machines à voter, l’écart entre les prévisions et les résultats est plus important que dans celles utilisant des bulletins papier.
Piratage est hautement improbable
En outre, les « circonscriptions électroniques » ont enregistré 7 % de moins de voix en faveur de Hillary Clinton que les autres. Certains responsables politiques ressuscitent alors une thèse largement diffusée par les Démocrates pendant la compagne, selon laquelle une puissance étrangère, la Russie, aurait mené diverses cyberattaques pour aider Donald Trump et nuire à Hillary Clinton.
Aussitôt, d’autres experts indépendants réfutent ces calculs, expliquant que lorsqu’on tient compte des spécificités raciales et économiques de chaque circonscription du Wisconsin, toutes ces anomalies supposées disparaissent. Pour sa part, Jill Stein, qui a remporté moins de 1 % des voix au niveau national, a répété que son objectif n’était pas d’aider Hillary Clinton, mais plus généralement, de mettre en lumière les failles et les imperfections du système électoral américain.
L’un des experts cités par les études soutenant la théorie du hacking, J. Alex Halderman, professeur d’informatique à l’université du Michigan à Ann Arbor, reconnaît avoir été en contact avec des responsables de la campagne de Hillary Clinton, mais en fait, il estime avoir été mal compris, car selon lui, un piratage est hautement improbable.
Dans un texte publié sur Internet, il affirme : « les déviations par rapport aux sondages d’opinion préélectoraux sont-elles le résultat d’une cyberattaque ? Probablement pas. Je crois que l’explication la plus plausible est que les sondages étaient systématiquement mal faits… » Par ailleurs, il rappelle que la seule garantie contre les erreurs informatiques consiste à conserver une trace papier de chaque vote, quel que soit le système utilisé. En d’autres termes, dans les circonscriptions où aucune trace papier n’existe, la vérification d’un vote informatique par un autre système informatique ne sera jamais probante.
Pas de résultats officiels
Le cas du Michigan est particulier, car il est l’un des derniers États, avec la Californie, à ne pas avoir encore proclamé ses résultats officiels. Au dernier décompte, Donald Trump l’a emporté avec 47,6 % des voix, contre 47,3 % pour Hillary Clinton, soit seulement 10 700 voix d’écart pour un total de près de 4,8 millions de votants. Les résultats définitifs doivent être validés au plus tard le 28 novembre. À noter que le nombre actuel de grands électeurs attribués à Donald Trump, 290, ne comprend pas les 16 grands électeurs du Michigan.
Si par extraordinaire Trump n’était pas déclaré vainqueur dans le Michigan, il conserverait ses 290 voix, suffisamment pour être élu le 19 décembre, car la majorité est de 270. S’il remporte officiellement le Michigan, il en aura 306. Il faudrait donc que la victoire de Trump soit remise en cause à la fois la Pennsylvanie et au Wisconsin pour qu’il perde sa majorité de grands électeurs. Pour les partisans du recomptage, le Michigan s’avère moins stratégique.
Cela dit, la campagne de dons lancée par Jill Stein a récolté en quelques jours plus de 4 millions de dollars, preuve que son initiative est soutenue par de nombreux Américains. Dans le Michigan, la date limite de dépôt d’une éventuelle demande de recomptage est le mercredi 30 novembre, et le coût de l’opération avoisinerait sans doute les 2 millions de dollars.
Système de vote différent pour chaque ville
Dans le Michigan, chaque ville choisit son système de vote : bulletins papiers dépouillés à la main à l’ancienne, bulletins scannés électroniquement, ou ordinateur à écran tactile sans papier.
La secrétaire d’État du Michigan Ruth Johnson (un poste non partisan), chargée de superviser les élections, a rappelé aux responsables politiques locaux qu’un recomptage minutieux a déjà été effectué pour tous les comtés la semaine dernière, ce qui explique le retard dans la publication des résultats officiels. Pour elle, l’affaire est donc close.
Par ailleurs, le consultant politique David Forsmark, qui gère des campagnes électorales pour les candidats locaux des deux partis (dont un ancien maire démocrate de la ville de Flint), suggère qu’un recomptage supplémentaire pourrait faire perdre des voix à Hillary, car selon lui, historiquement, les « erreurs » de dépouillement ont été plus fréquentes dans les quartiers déshérités des centres-villes, tenus par les démocrates.