La résolution à l’ONU sur les colonies israéliennes : un signal politique fort, mais symbolique
La résolution à l’ONU sur les colonies israéliennes : un signal politique fort, mais symbolique
Par Marc Semo
Le texte voté par le Conseil de sécurité condamnant la colonisation dans les territoires occupés palestiniens ne devrait pas être appliqué, aucune sanction n’étant prévue. Décryptage.
Lors d’une manifestation contre l’expropriation de terres palestiniennes par Israël dans le village de Kfar Qaddum, près de Naplouse, en Cisjordanie, le 9 décembre 2016. | JAAFAR ASHTIYEH / AFP
Pour la première fois depuis trente-six ans, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné la colonisation israélienne dans les territoires occupés et à Jérusalem en demandant à l’Etat hébreu d’arrêter « immédiatement et complètement » de telles implantations. La résolution 2334 a été votée vendredi 23 décembre par quatorze voix et une abstention, celle des Etats-Unis, qui n’ont pas usé comme à l’accoutumée de leur droit de veto sur ce sujet très sensible pour Israël.
L’administration Obama sur le départ voulait ainsi montrer son exaspération face au double discours du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou. « On ne peut en même temps défendre l’expansion des colonies israéliennes et une solution à deux Etats », a rappelé l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power. Il s’agit donc d’un tournant, mais largement symbolique. Dans les deux sens du terme.
La résolution sera-t-elle appliquée ?
Non, même si les responsables palestiniens, à commencer par le président Mahmoud Abbas, ont salué « un coup sévère contre les politiques israéliennes ». D’entrée de jeu, juste après l’annonce du vote, Benjamin Nétanyahou a affirmé qu’Israël « rejet [ait] cette résolution honteuse et ne s’y conformera [it] pas ».
Rien dans le texte du document onusien ne l’y oblige. Aucune sanction n’est prévue dans la résolution 2334 en cas de non-respect du texte. En effet, la résolution n’a pas été adoptée sous le chapitre VII – qui autorise le recours à la force pour assurer la paix et la sécurité. Ce texte, par ailleurs, condamne aussi explicitement « tout acte de violence, y compris les actes terroristes », et dénonce « les appels à la haine » et « la rhétorique inflammatoire », prenant ainsi en compte des griefs israéliens.
Le signal politique n’en est pas moins très fort. Aussi bien la France que la Grande-Bretagne, en votant le texte, que les Etats-Unis, par leur abstention, ont très clairement voulu rappeler leur attachement – comme la grande majorité de la communauté internationale – à la solution à deux Etats, c’est-à-dire un Etat israélien et un Etat palestinien vivant côte à côte.
Le texte de la résolution ne reconnaît aucun des faits accomplis créés par Israël dans les territoires occupés depuis 1967. La poursuite de la colonisation – quelque 590 000 personnes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est annexé par Israël – morcelle toujours plus le territoire palestinien, rendant impossible, à terme, la création d’un Etat viable. Et, sur plan, rien ne va changer.
Pourquoi la réaction israélienne est-elle alors aussi forte ?
« C’est le chant du cygne du vieux monde empreint d’hostilité contre Israël », a lancé Benjamin Nétanyahou, qui dénonce un texte « honteux ». Ce camouflet diplomatique n’en montre pas moins l’isolement croissant de ce gouvernement, qui est le plus à droite de l’histoire d’Israël. Les autorités de l’Etat hébreu dénoncent ouvertement un « oketz » américain, c’est-à-dire « un coup pourri », une vengeance de M. Obama contre un premier ministre israélien avec lequel il a toujours eu des rapports difficiles.
Selon ce dernier, le président américain a rompu un engagement pris en son temps par le président Jimmy Carter, « de ne pas dicter les termes de la paix à Israël au Conseil de sécurité ». Un engagement toujours respecté jusqu’ici… y compris par l’administration Obama, qui, en 2011 encore, bloqua un texte onusien sur la colonisation.
Le président sortant a par ailleurs été tout au long de ses huit ans de mandat au diapason de la relation stratégique entre les deux pays, et il a notamment validé un accord d’aide militaire d’ampleur sur dix ans pour un montant record de 36,3 milliards d’euros.
Donald Trump, selon toute probabilité, renforcera encore ces liens, d’autant que l’ambassadeur qu’il va nommer en Israël, David Friedman, est très proche de la droite israélienne et assure vouloir déménager l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, promesse récurrente de campagne des présidents américains, mais qui pourrait devenir désormais réalité.
Les autorités israéliennes n’en montrent pas moins une certaine inquiétude, car ce texte pourrait avoir des conséquences économiques bien réelles. En s’inspirant d’une recommandation de l’Union européenne, la résolution appelle ainsi à établir une politique de différenciation dans « tous les domaines opportuns » entre le territoire israélien et la Cisjordanie occupée. Et, surtout, elle pourrait enclencher une dynamique diplomatique.
Que peut faire la communauté internationale ?
Elle ne peut pas faire grand-chose sans, ou a fortiori contre, les Etats-Unis une fois que Donald Trump se sera installé à la Maison Blanche. Mais, d’ici là, l’administration Obama, comme, par ailleurs, Paris lanceront plusieurs initiatives. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, devrait rappeler, lors d’un grand discours d’adieu, les paramètres d’une solution négociée avec les Palestiniens.
« Il faut fixer de grands principes par écrit avant d’entrer dans une période d’incertitude totale », explique un diplomate français alors que doit se tenir à Paris, le 15 janvier, la deuxième conférence internationale pour le Proche-Orient, organisée cette année par la France, avec 70 pays. Ils étaient une trentaine en juin. Ce sera une occasion de rappeler haut et fort que le statu quo actuel n’est pas tenable et ce que doit être le cadre d’un règlement global pour « une solution à deux Etats, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ».
Pour arriver à lancer un message commun, les participants de la réunion de Paris en juin avaient évité les questions les plus sensibles – les frontières, le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés, la sécurité, ainsi que le partage de l’eau –, pour mettre en avant les références qui ont été depuis des années au centre des diverses tentatives de paix, et notamment l’initiative arabe de 2002 pour une paix globale.
Cette fois-ci, le ton du communiqué final pourrait être plus ferme. Il s’agira certes, à nouveau, comme au printemps, « d’une conférence de témoignage », en l’absence des deux protagonistes du conflit, mais le premier ministre israélien comme le président palestinien seront invités le soir à l’Elysée pour « une restitution des travaux » et pour qu’on leur en remette symboliquement le message.
Benjamin Nétanyahou a déjà annoncé qu’il ne viendrait pas. Mahmoud Abbas, lui, y sera. Mais cela n’ébranle guère le dirigeant israélien, toujours plus convaincu que la prochaine installation de Donald Trump à la Maison Blanche « inversera le cours des événements concernant Israël ».