François Hollande et le gouvernement de Bernard Cazeneuve peuvent pousser un « ouf » de soulagement. Le prélèvement à la source, qui constitue l’une des réformes les plus importantes du quinquennat, n’a pas été censuré par le Conseil constitutionnel. Appelée à se prononcer sur le budget 2017 – qui instaure cette nouvelle méthode de calcul et de collecte de l’impôt sur le revenu –, la haute juridiction a écarté les griefs formulés par des parlementaires de l’opposition contre le dispositif. Pour autant, sa décision, rendue jeudi 29 décembre, ne signifie pas que ce « big bang » fiscal est validé dans son intégralité puisque le Conseil ne s’est penché que sur les quelques alinéas contestés par des élus de droite. Les autres dispositions, « épargnées » par leurs recours, pourront très bien être attaquées plus tard – par exemple par le biais de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

S’agissant de la retenue à la source, qui doit entrer en vigueur début 2018, plusieurs critiques avaient été exprimées par les députés et sénateurs de l’opposition. Ils jugeaient la mesure inintelligible, compte tenu de la complexité des différents taux de prélèvement. Argument balayé par le Conseil : il y a « un taux de droit commun », correspondant à la ponction sur l’ensemble des revenus du ménage, et « un taux par défaut », applicable, à la demande du contribuable, uniquement sur son revenu. Ainsi, un salarié qui souhaite que son taux d’imposition ne soit pas connu de son employeur peut « opter pour [le] taux par défaut », plaide le Conseil.

2017, année de transition

Autre reproche des élus de droite : la violation de la vie privée, liée au fait que l’administration communique aux entreprises un taux de prélèvement. Ce principe est effectivement égratigné, admet le Conseil, mais une telle « atteinte est justifiée par l’intérêt général » : en l’espèce, il s’agit d’éviter aux contribuables de subir « un décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt », comme c’est le cas à l’heure actuelle. De plus, ajoute la haute juridiction, un particulier peut choisir « le taux par défaut, lequel ne révèle pas le taux d’imposition de son foyer ».

Le Conseil rejette également l’idée, soutenue par des parlementaires de l’opposition, selon laquelle le dispositif violerait le principe d’égalité. Le point incriminé concerne 2017 : pour cette « année de transition », le contribuable paiera un impôt sur ses revenus de 2016 tandis qu’en 2018, la ponction s’effectuera sur ses ressources de 2018. Dès lors a émergé la crainte que certains contribuables, des dirigeants de sociétés notamment, tirent partie de la réforme pour majorer en 2017 leurs rentrées d’argent, ce qui soustrairait celles-ci à l’impôt. Pas du tout, objecte le Conseil : la loi de finances contient des clauses anti-abus qui « tendent à éviter » que certains contribuables puissent « arbitrer en faveur d’une rémunération plus élevée au titre de l’année 2017 ».

En dehors de la retenue à la source, les élus Les Républicains ont interpellé le Conseil sur les tromperies que recèlerait, à leurs yeux, le budget 2017 : hypothèses de croissance surestimées, dépenses reportées, encaissement anticipé de recettes… Autant de subterfuges qui amélioreraient artificiellement les comptes. Le Conseil ne souscrit pas à une telle analyse mais, fait plutôt inhabituel, il exprime des réserves appuyées, qui abondent dans le sens des observations de la Cour des comptes. Ainsi considère-t-il, avec un joli sens de la litote, que « les hypothèses retenues pour 2016 et 2017 peuvent être regardées comme optimistes, particulièrement en ce qui concerne le déficit pour 2017 ». Il relève aussi que la loi de finances avance effectivement « d’une année certaines rentrées fiscales » et que les risques d’un dérapage des « dépenses publiques sont plus importants en 2017 que pour les années précédentes ». De plus, il y a des charges qui « ne produiront leurs effets sur le solde budgétaire qu’à partir de 2018 », c’est-à-dire après le départ de M. Hollande de l’Elysée… Pour autant, contrebalance-t-il, on ne peut pas accuser le gouvernement d’avoir eu « l’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre de la loi ». De même, ajoute-t-il, « il ne ressort pas des éléments [mis à sa disposition] que les ressources et les charges de l’Etat pour 2017 seraient présentées de façon insincère ».

« Réforme historique »

Le gouvernement s’en tire donc plutôt bien. Ce que n’ont pas manqué de souligner, jeudi soir, le ministre des finances, Michel Sapin, et le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert. Avec une petite pointe d’autosatisfaction, ils se félicitent, dans un communiqué, que le budget 2017 et « la réforme historique du prélèvement à la source » soient validés.

Mais il y a un bémol à apporter puisque plusieurs articles de la loi ont été invalidés par le Conseil constitutionnel. Notamment celui qui instaurait la « taxe Google ». La mesure en question portait ce nom car elle cherchait à combattre les pratiques d’optimisation fiscale employées par la firme américaine et par d’autres géants du secteur des nouvelles technologies (Apple, Amazon…), qui visent à exfiltrer les profits, réalisés dans un pays, vers un autre où les prélèvements obligatoires sont faibles. MM. Eckert et Sapin, dans un premier temps, n’étaient pas favorables à cette disposition, défendue, en particulier, par le député Yann Galut (PS, Cher). Mais un accord avait finalement été trouvé entre l’exécutif et sa majorité.

Le Conseil a censuré la « taxe Google » car elle donnait à l’administration fiscale « le pouvoir de choisir les contribuables qui doivent ou non entrer dans le champ d’application de l’impôt sur les sociétés ». « C’est une décision incompréhensible, a déclaré M. Galut à Libération.fr. Une fois de plus, le Conseil constitutionnel choisit de censurer un texte contre l’évasion fiscale. »