49.3, sécurité, déchéance : les affirmations de Manuel Valls décryptées
49.3, sécurité, déchéance : les affirmations de Manuel Valls décryptées
Par Adrien Sénécat
Le candidat à la primaire de la gauche était l’invité de « L’Emission Politique » sur France 2, jeudi. Retour sur certaines de ses déclarations.
L’ancien premier ministre et candidat à la primaire de la gauche Manuel Valls lors de « L’Emission politique » de France 2, le 5 janvier. | PATRICK KOVARIK / AFP
Revirements sur le 49.3 et la politique économique, déchéance de nationalité, sécurité… Manuel Valls était, jeudi 5 janvier, l’invité de « L’Emission politique » de France 2. L’ancien premier ministre, qui a quitté Matignon en décembre pour être candidat à la primaire de la gauche, y a défendu son action au gouvernement depuis 2012 et ses propositions. Au prix, parfois, d’affirmations discutables. Décryptages.
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Une présentation trompeuse de son usage du 49.3
CE QU’IL A DIT
Manuel Valls a affirmé avoir peu eu recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter ses réformes.
POURQUOI C’EST DISCUTABLE
Il y a recours six fois au 49.3 pendant son séjour à Matignon (soit lors des trois lectures des lois Macron et El Khomri à l’Assemblée nationale).
Cela en fait le nombre de recours le plus important au 49.3 depuis Michel Rocard, qui a quitté Matignon en 1991 et l’a utilisé 28 fois. Premier ministre, Manuel Valls a utilisé le 49.3 un peu plus d’une fois tous les six mois, alors que l’article a au total été utilisé 88 fois depuis 1958, soit environ une fois tous les neuf mois.
Si l’on garde son chiffre de deux utilisations (pour deux lois différentes, toutes lectures confondues), il faut en fait faire de même pour ses prédécesseurs. Le chiffre passe alors de 88 à 51 engagements de responsabilités, selon le décompte disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Suivant ce décompte, Manuel Valls a utilisé le 49.3 un peu moins d’une fois par an, légèrement en dessous de son usage moyen par les chefs de gouvernement français depuis 1959. Mais c’est aussi plus que la moyenne des 20 dernières années (sept textes concernés depuis 1997, dont deux depuis 2014, soit un peu moins d’un tous les trois ans).
Des créations de postes dans la sécurité pas encore réalisées
CE QU’IL A DIT
« On a créé 9 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires alors que la majorité précédente en avait supprimé 13 000. »
POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ
Contrairement à ce que Manuel Valls affirme, on ne peut pas affirmer pour l’heure que 9 000 postes ont été créés dans la sécurité par la gauche depuis 2012.
Ces créations de postes n’ont en réalité pas encore été réalisées : il s’agit d’un objectif, que le gouvernement souhaite atteindre à la fin de l’année 2017. Et il existe de réels doutes sur la possibilité d’y parvenir. Si l’on se fie au dernier rapport de la Cour des comptes sur la question, publié en mai 2016, seuls 1 785 postes ont été créés par la majorité socialiste sur la période 2012-2015 dans la police et la gendarmerie, comme l’a relevé Libération.
Pour atteindre l’objectif des 9 000 créations de poste, le retard pris durant les premières années du mandat de François Hollande devra être rattrapé. Et il faudra attendre les rapports budgétaires qui seront publiés ultérieurement pour savoir si cela aura été le cas.
Quant aux suppressions de postes sous Nicolas Sarkozy, Manuel Valls les a exagérées : police et gendarmerie ont perdu non pas 13 000, mais plutôt 9 000 postes entre 2007 et 2012.
Une présentation flatteuse du vote des députés en faveur de la déchéance de nationalité
CE QU’IL A DIT
Le candidat à la primaire de la gauche a assuré que l’élargissement de la déchéance de nationalité à tous les Français binationaux a été votée par une « majorité de parlementaires », dont la majorité des députés socialistes et la majorité des députés Les Républicains (LR).
POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ
Le 9 février 2016, 162 députés ont voté pour l’adoption du projet de loi constitutionnel dans lequel figurait la mesure, selon le décompte des votes du site de l’Assemblée nationale. Cela représentait bien une courte majorité des députés dont le suffrage a été exprimé (148 voix contre, 310 au total), seul chiffre qui compte pour l’adoption d’un texte, auquel il faut ajouter 22 abstentions. C’était néanmoins seulement 28 % de l’ensemble des députés.
Le soutien à la mesure a également été limité au sein du groupe socialiste avec 119 pour, 92 contre et 10 abstentions sur un total de 287 membres. Même remarque pour le groupe LR, avec 32 votes pour, 30 contre et 6 abstentions sur un total de 196 membres.