Les chefs-d’œuvre de la littérature en bande dessinée
Les chefs-d’œuvre de la littérature en bande dessinée
Par Cathia Engelbach
« Le Monde » et les éditions Glénat publient une collection des « Grands Classiques de la littérature en bande dessinée ». Premier volume à paraître : « Le Tour du monde en quatre-vingts jours », d’après Jules Verne, par le dessinateur Chrys Millien.
Jules Verne, Victor Hugo, Robert Louis Stevenson, Homère... une trentaine de grands classiques de la littérature française et étrangère à découvrir sous le prisme de l’image. | Glénat/Le Monde
« L’on peut écrire des histoires avec des chapitres, des lignes, des mots : c’est de la littérature proprement dite. L’on peut écrire des histoires avec des successions de scènes représentées graphiquement : c’est de la littérature en estampes. » Ainsi Rodolphe Töpffer, considéré comme l’inventeur de la bande dessinée européenne, ouvrait son Essai de physiognomonie (1845). Il avait avant cela pris soin d’esquisser les contours de sa théorie à travers ses « histoires en estampes », et ne s’attendait sans doute pas à ce qu’elles suscitent l’enthousiasme d’un certain Goethe pour lequel tout y « pétill[ait] de talent et d’esprit ». Cette rencontre est très belle qui montre comment l’un des plus grands écrivains du Vieux Continent a contribué à la reconnaissance du futur neuvième art, et qui dit que, finalement, tout est histoire de langage et de « littérature »…
Les liens entre le texte et l’image sont en réalité ancestraux, remontant probablement de la Grèce romaine jusqu’au XIXe siècle qui a vu s’épanouir le « livre illustré » et nombre d’illustrateurs donner de l’éclat aux mots par leur talent graphique. L’adaptation d’œuvres littéraires en bande dessinée ne devait pour sa part naître que bien plus tard, et c’est au milieu du XXe siècle qu’elle s’empara de quelques-unes des plus inestimables bouteilles que le patrimoine littéraire avait jetées à la mer. Elle atteignit aussi, encore plus tard et après maints remous, les bancs de l’école.
Tout d’abord fidèles, puis se permettant çà et là des libertés, les adaptations de romans posent de multiples questions quant au respect de la trame originelle, les auteurs sélectionnant les séquences à ôter ou à conserver, veillant aux échos à la lettre ou non, travaillant le découpage et construisant les planches selon le récit à transposer. Il s’agit de ne pas trahir, de faire alliance afin de mieux transmettre, selon les particularités propres à chaque art et les codes narratifs qu’ils ont en commun.
Mémoire essentielle
Telle est également l’intention du Monde à travers la collection des « Grands Classiques de la littérature en bande dessinée » conçue en collaboration avec les éditions Glénat et en partenariat avec les cours Legendre et la Fédération internationale des professeurs de français. Ainsi chaque album est complété par un dossier pédagogique, fournissant des repères historiques, artistiques et sociaux liés à l’auteur et à son œuvre. Le chemin emprunté est celui d’une mémoire essentielle permettant d’accéder à l’« équivalent de l’univers », selon la formule de l’écrivain italien Italo Calvino pour qualifier les classiques.
Redécouvrir ou découvrir une trentaine de monuments de la littérature ancienne, fantastique, romantique ou encore naturaliste sous le prisme de l’image, donner forme à la Shéhérazade des Mille et Une Nuits, suivre Ulysse dans son Odyssée, se représenter Esmeralda et Quasimodo dans l’asile de Notre-Dame, Robinson Crusoé sur son île, Don Quichotte bravant ses moulins à vent et Phileas Fogg dans sa course contre la montre… C’est une invitation au voyage. Une invitation, aussi, à suivre la ligne.