Les antécédents de népotisme chez les présidents américains
Les antécédents de népotisme chez les présidents américains
Par Matthieu Dages
La nomination du gendre de Donald Trump, Jared Kushner, à la Maison Blanche, pourrait contrevenir à la loi contre le népotisme. Mais ce ne serait pas le premier cas dans l’histoire des Etats-Unis.
Jared Kushner quitte la Trump Tower, le 7 décembre 2016 à New York. | Drew Angerer / AFP
La nomination au poste de haut conseiller à la Maison Blanche de Jared Kushner par Donald Trump a suscité de vives réactions de la part de l’opinion publique américaine, ravivant ainsi des accusations anciennes de népotisme chez les présidents depuis la fondation du pays. Un pays qui, de façon paradoxale, a vu accéder au pouvoir les dynasties Roosevelt, Harrison ou Bush parmi tant d’autres tout en prônant la méritocratie totale. C’est surtout chez trois présidents, John Adams (1735-1826), John F. Kennedy (1917-1963) et Bill Clinton, que les soupçons de népotisme ont été les plus forts.
John Adams, une relation ambivalente avec le népotisme
Selon George Washington, John Adams haïssait la société de privilèges. Pourtant, le premier vice-président des Etats-Unis d’Amérique, de 1789 à 1797, puis deuxième président du pays, de 1797 à 1801, a, tout au long de sa vie, usé de ses influences pour pousser ses fils John Quincy et Thomas au sein de l’administration américaine.
Alors qu’il est envoyé en Angleterre comme ambassadeur, John Adams emmène John Quincy comme secrétaire. En 1794, il le propose comme ambassadeur aux Pays-Bas. En 1797, en Prusse ! Déjà, des suspicions émergent au sein de l’opinion publique au sujet de ce favoritisme. John Quincy prend son frère Thomas comme secrétaire. Plus que John Adams, c’est surtout son épouse, Abigail Smith, qui pousse son époux à favoriser les siens.
Adams va plus loin en nommant son gendre William Stephens Smith, homme d’affaires raté aux relations douteuses, comme secrétaire à Londres, puis, sous les pressions de son épouse, l’introduit dans les milieux politiques à Washington. Une série de promotions suspectes plus tard, il est nommé agent des douanes à New York.
Un énième paradoxe pour un président qui a fait de sa vie un combat pour ce qu’on appellera plus tard méritocratie. Son fils John Quincy deviendra en 1825 le sixième président des Etats-Unis.
Les Kennedy, une dynastie gagnante et auto-régénératrice
A peine élu à la Maison Blanche en 1961, John Fitzgerald Kennedy suscite la controverse en nommant son frère Robert, 36 ans, procureur général, et ce malgré son jeune âge et son manque d’expérience juridique, ainsi que malgré son soutien envers la chasse aux sorcières menées dans les heures les plus sombres du maccarthysme.
Remarquablement, JFK n’est pas le premier Kennedy à faire jouer ses réseaux pour favoriser son clan. Son père, Joseph Patrick Kennedy Sr., était déjà sénateur. Descendant d’une famille d’Irlandais snobée par l’aristocratie protestante de Boston, le clan Kennedy fait de l’ascension sociale des siens une raison d’être. Joseph, richissime banquier converti dans la politique dans les années 1930 et élu sénateur, n’hésitera pas à aligner les chèques et à user de ses relations pour faire élire son fils sénateur du Massachusetts en 1952, jouant un rôle de directeur de campagne.
Un népotisme malsain, teinté de relations avec la mafia, que « Joe » convainc de s’impliquer dans la campagne pour faire élire son fils. Pour Joe, c’est une ambition personnelle que de faire accéder ses enfants à la Maison Blanche, quels qu’en soient les moyens et la morale.
C’est d’ailleurs en réaction à cette nomination que la loi antinépotisme de 1967 est rédigée. C’est ce texte, qui interdit aux responsables des agences fédérales d’employer les membres de leur famille, qui est cité avec insistance dans l’opinion publique en réaction à la nomination de Jared Kushner. Mais ses avocats estiment que la loi antinépotisme ne vaut pas dans son cas, car la Maison Blanche n’est pas une agence, selon le New York Times.
Hillary Clinton, une First Lady à l’aile ouest
Malgré la volonté claire de la société américaine et de ses législateurs de combattre le népotisme, cette ambiguïté entre volonté méritocratique affichée et une réalité beaucoup plus contrastée est révélée dès les débuts de l’administration Clinton. En 1993, malgré les efforts des législateurs, Bill Clinton nomme son épouse, Hillary, pour piloter la réforme du système de santé, une des promesses phares de la campagne du démocrate et une des clés de la présidence Clinton. Une First Lady à l’aile ouest de la Maison Blanche, du jamais-vu ! Mais, malgré une opposition forte et des accusations de népotisme (68 % des Américains sont défavorables à sa nomination), « Hillary » tient bon.
Si Hillary Clinton a d’abord sacrifié sa carrière pour faire élire son époux, Bill Clinton a ensuite tenté en vain de remplir sa part du « contrat » : faire accéder son épouse à la Maison Blanche.
Si Jared Kushner est confirmé à son poste, ce ne sera que la dernière d’une longue série de nominations bafouant les idéaux méritocratiques de la société américaine.