Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, lors d’un meeting de campagne à Tourcoing (Nord), dimanche 8 janvier. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Ce n’est pas le duel qu’il avait envisagé mais il n’est pas sûr que Jean-Luc Mélenchon se félicite pour autant du résultat du premier tour de la primaire organisée par le Parti socialiste. Dimanche 22 janvier, dans une interview au Journal du dimanche, le candidat à la présidentielle avait pronostiqué un second tour Benoît Hamon-Arnaud Montebourg. C’était enterrer un peu vite Manuel Valls, qui s’est placé derrière le député des Yvelines.

Dans l’entourage du chef de fil de La France insoumise, on feint de penser qu’une victoire du premier, le 29 janvier, ne changerait pas la donne pour leur champion. Si M. Hamon l’emportait, ce pilier de l’aile gauche du PS pourrait pourtant faire du tort au député européen qui se présentait jusqu’à présent comme la seule alternative à gauche à la politique du gouvernement.

A l’inverse, si M. Valls gagnait ce second tour, cela ouvrirait à M. Mélenchon un espace supplémentaire pour convaincre les électeurs socialistes déçus de voter pour lui. Jusqu’à présent, dans les sondages, le candidat du PS était systématiquement donné derrière Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Ce qui a permis à ce dernier d’estimer dans Le JDD qu’un désistement du représentant socialiste faisait partie « des probabilités ». « Ils sont en cinquième position derrière nous. Est-ce si malheureux que ça ? A quoi bon un candidat socialiste ? Pour quoi faire ? », a-t-il de nouveau interrogé.

Des chiffres « gonflés à l’hélium solférinien »

A peine les résultats connus, les éléments de langage préparés par l’équipe de M. Mélenchon ont été vite dégainés. Feu sur la participation ! Dimanche soir, la Haute Autorité des primaires citoyennes annonçait que cette dernière serait « proche des 2 millions de votants ». Soit moins que les 2,7 millions de votants du premier tour de la primaire de 2011. Selon des résultats provisoires annoncés lundi matin, ils seraient finalement 1,25 million d’électeurs à s’être déplacés. « Le PS échoue à toutes les élections, même celles qu’il organise », ironise ainsi Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche (PG). « Tout ça sent le bon congrès du PS », renchérit Alexis Corbière, porte-parole de M. Mélenchon, qui a critiqué des chiffres « gonflés à l’hélium solférinien ».

Un angle d’attaque rêvé pour tenter de décrédibiliser celui qui fait désormais figure de favori dans cette primaire : Benoît Hamon. Pour les proches de M. Mélenchon, il était bien le candidat à abattre dimanche soir. Même s’ils ont chacun évolué à la gauche du PS, les deux hommes n’ont jamais été dans le même courant avant le congrès de Reims de 2008 où un accord était intervenu entre les différentes sensibilités de la gauche du parti. Leur échec conduira celui qui était alors sénateur de l’Essonne à quitter la formation à laquelle il appartenait depuis plus de trente ans pour fonder le Parti de gauche.

« Les deux vont se hollandiser »

L’entourage de M. Mélenchon n’a même pas pris la peine d’attaquer l’ex-premier ministre et a concentré ses tirs sur le député des Yvelines. « C’est un vote pour éliminer Valls, avance Mme Simonnet. La préoccupation de Hamon, c’est le poste de premier secrétaire du PS pour la séquence d’après. » M. Corbière, lui, fustige la « langue de bois d’apparatchik » de l’ex-porte-parole du Parti socialiste. Et éreinte sa proposition phare de revenu universel qu’il a imposée dans le débat – « une escroquerie politique et une mesure gadget dangereuse pour notre système d’aides sociales ».

Tous rappellent aussi son rôle au gouvernement, lui qui a été ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire puis ministre de l’éducation avant de claquer la porte en 2014. « Que ce soit Valls ou Hamon, les deux vont se hollandiser, juge Manuel Bompard, directeur de campagne de M. Mélenchon. Ils sont comptables d’un bilan qui a désintéressé les Français. » Reste qu’en cas de victoire, M. Hamon, qui a fortement écologisé son projet, poserait un problème à M. Mélenchon : il serait plus difficile pour ce dernier de faire valoir ses différences, même si elles existent, notamment sur l’Europe. « S’il devait l’emporter, cela validerait des positions que nous défendons depuis des années et pas seulement depuis un mois », répond M. Bompard.

Marie-Noëlle Lienemann, qui a fait ses armes avec M. Mélenchon au sein du PS, met cependant en garde son ex-camarade : « Si on remobilise sur l’idée qu’on peut être fort avec la ligne de Benoît, ça risque de brasser différents électorats de gauche, y compris chez ceux qui votaient pour Jean-Luc, veut croire la sénatrice socialiste de Paris. Et comme Benoît va tenir une ligne très unitaire à gauche, Jean-Luc ne pourra pas dire : “circulez, il n’y a rien à voir”. » C’est pourtant sa ligne depuis près d’un an.