Primaire : « Quel que soit le candidat élu, l’autre ne fera pas sa campagne »
Primaire : « Quel que soit le candidat élu, l’autre ne fera pas sa campagne »
Bastien Bonnefous, journaliste au Monde, a répondu à vos questions sur les stratégies des candidats dans l’entre-deux-tours de la primaire à gauche.
Benoît Hamon, lors de son discours prononcé sur la péniche Le Quai, à Paris, dans la soirée du 22 janvier. | Jean-Claude Coutausse / french-politics Pour Le Monde
Bastien Bonnefous, journaliste au Monde chargé du suivi de la gauche, a répondu à vos questions sur les stratégies de Benoît Hamon et Manuel Valls dans l’entre-deux-tours de la primaire à gauche.
Palala : La participation a-t-elle tendance à augmenter ou baisser entre deux tours d’une élection ? Peux-t-on savoir si ces nouveaux électeurs vont favoriser un candidat en particulier ? Merci.
Bastien Bonnefous : Bonjour, la participation avait augmenté entre les deux tours lors de la primaire du PS en 2011 (2,6 millions de votants au premier tour contre 2,8 millions au second tour). Idem lors de la primaire de la droite en novembre dernier : 4,2 millions de votants au premier tour, 4,3 millions au second tour.
On peut donc imaginer que la participation soit plus forte dimanche prochain pour la primaire de la gauche. Même si les cafouillages du premier tour pourraient inciter des électeurs à rester chez eux.
Si la participation est plus forte, à qui profitera-t-elle ? Manuel Valls fait le pari que les nouveaux électeurs pourraient être des électeurs traditionnels du PS qui viendraient voter pour lui, sur une ligne plus légitimiste. Ce sera peut-être le cas, mais rien n’est moins sûr : si nouveaux électeurs il y a, ce pourrait être également des électeurs qui viennent pour faire battre Manuel Valls ou pour conforter l’avance de Benoît Hamon. Difficile d’être catégorique sur cette question.
Félix : Bonjour, Christiane Taubira qui a soutenu les frondeurs à La Rochelle et dit « partager des valeurs communes » avec Benoît Hamon, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg va-t-elle s e prononcer pour Benoît Hamon ? Merci.
Bastien Bonnefous : Selon l’entourage de Benoît Hamon, il s’est entretenu lundi matin par téléphone avec Christiane Taubira. On ne sait pas ce qu’ils se sont dit et pour l’instant, Mme Taubira ne s’est pas exprimée. Le fera-t-elle ? Soutiendra-t-elle Hamon ? On n’en sait rien à ce stade. Simplement, avant le premier tour, elle avait indiqué que si elle devait voter, elle le ferait pour Hamon, Montebourg ou Peillon. Comprendre : pas pour Valls. Est-ce que ce raisonnement d’avant premier tour doit s’appliquer au second ? Seule Mme Taubira peut vous répondre. Si c’est le cas, prévenez-nous, ça nous intéresse…
Nico : Bonjour, François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias se sont-ils exprimés sur leur soutien pour l’un ou l’autre des candidats du second tour depuis dimanche dernier ? Merci.
Bastien Bonnefous : François de Rugy s’est exprimé lundi pour dire qu’il ne voterait pas pour Hamon. Sans dire pour autant qu’il votera pour Valls. Je sais, c’est un peu compliqué… Logiquement, au vu des débats du premier tour et de l’histoire du quinquennat, M. de Rugy devrait voter pour Valls, mais il attend sûrement que Valls fasse des propositions plus précises en matière d’écologie par exemple.
Pour ce qui concerne Jean-Luc Bennahmias, sauf erreur de ma part, je ne crois pas qu’il ait donné sa préférence à ce stade.
Trag : A l’instar de François Fillon accusant Alain Juppé de s’être trompé de campagne lors des primaires de la droite, Benoît Hamon ne fait-il pas d’abord une « campagne de gauche » avant de revoir éventuellement son programme s’il est désigné vainqueur des primaires ?
Bastien Bonnefous : C’est effectivement un risque. Comme Fillon à droite, Hamon a fait une campagne de primaire très chimiquement pure par rapport aux valeurs de la gauche. C’est une stratégie payante puisqu’il sort en tête du premier tour et qu’il a de bonnes chances de l’emporter dimanche.
Mais, comme pour Fillon, si Hamon est le candidat du PS à la présidentielle, il sera confronté à un problème pour élargir son électorat à partir d’un programme très marqué politiquement.
C’est un des effets pervers des primaires : pour l’emporter, les candidats sont incités à coller au plus près de leur électorat partisan, au risque de ne pas réussir à parler ensuite à un électorat plus élargi et plus divers à la présidentielle.
Marie : Bonjour, merci pour ce live. Quelles sont les positions de Hamon et Valls sur l’état d’urgence et sa prolongation ?
Bastien Bonnefous : L’un et l’autre ont des positions opposées sur ce sujet. Valls considère que l’état d’urgence devra être prolongé aussi longtemps que nécessaire, tant que la menace terroriste sera forte. Hamon, en revanche, estime que l’état d’urgence ne peut pas être permanent, sinon il ne s’agit plus d’un régime exceptionnel. Sans être précis sur le calendrier comme sur les modalités, Hamon considère que l’état d’urgence devra finir par être levé.
OLQ : En l’absence de signe clair de ralliement à Hamon en cas de défaite, existe-t-il une chance que Valls rejoigne finalement Macron, plus proche de ses idées, s’il n’est pas le candidat désigné par le PS dimanche ?
Bastien Bonnefous : Cela me paraît une hypothèse très peu probable.
Jo : Bonjour, au vu de la stratégie « musclée » de Valls, celui-ci n’anticipe-t-il pas déjà une victoire de Hamon à la primaire, suivie d’une défaite à l’élection présidentielle, pour enfin refonder un parti de « centre gauche » sur les ruines du PS, et être positionné pour 2022 ?
Bastien Bonnefous : Si Valls fait une campagne d’entre deux tours « musclée » comme vous dites, c’est parce qu’il sait qu’il a un sérieux retard à rattraper s’il veut l’emporter dimanche. Donc il retient peu ses coups, c’est vrai.
En revanche, l’idée pour Valls ; en cas de défaite ; de quitter le PS pour créer un autre parti après la présidentielle, me paraît une hypothèse très hasardeuse. Pour au moins une raison : pour mener une telle entreprise, il faut être sûr d’amener avec soi des troupes d’élus, de cadres, de militants importantes. Sinon, le nouveau parti risque fort de devenir vite une coquille vide. Valls a-t-il ces troupes imposantes ? Pas sûr, sinon il serait arrivé largement en tête au premier tour.
Manfred2b : Bonjour Bastien, au vu de la teneur des échanges à distance entre les deux finalistes depuis dimanche soir, n’y a-t-il pas à court terme le risque d’un débat télévisé très tendu, et d’assister par la suite à un soutien du bout des lèvres du vaincu au vainqueur, voire à l’implosion du PS ?
Bastien Bonnefous : Le débat peut être en effet tendu. Valls et Hamon représentent deux gauches socialistes qui ont beaucoup de divergences de fond, donc leurs échanges peuvent être tranchants. Ceci étant, il n’est jamais bon dans un débat d’apparaître comme trop agressif, donc chaque candidat devrait quand même faire attention au ton qu’il emploie.
Sur l’après, ne nous racontons pas d’histoire : quel que soit le candidat élu, l’autre ne fera pas sa campagne. Martine Aubry n’avait guère fait la campagne de François Hollande en 2012… Cela ne veut pas dire pour autant que le perdant va pourrir la campagne du gagnant, le plus probable est qu’il reste silencieux dans son coin et prenne de la distance, sur le mode « je l’avais bien dit… ». Ni que le PS va exploser immédiatement. Tout dépendra de la campagne pour la présidentielle, et du résultat à la présidentielle et aux législatives.
Palala : Comment analyser le flou qu’entretient Manuel Valls sur son soutien à Hamon en cas de défaite et les attaques de plus en plus violentes des proches de Valls (« Hamon est en résonance avec une frange islamo-gauchiste » selon Malek Boutih) ? J’ai du mal à comprendre cette stratégie politique.
Bastien Bonnefous : Si Valls disait dès maintenant qu’il soutiendra Hamon en cas de défaite, ses paroles seraient immédiatement interprétées comme celles d’un candidat peu sûr de ses chances de l’emporter. Des paroles de perdant programmé en quelque sorte. Ce n’est jamais une bonne idée avant une élection.
Sur les attaques des proches de Valls, il s’agit d’une campagne politique, qui plus est à l’intérieur d’un même camp, qui sont toujours les plus violentes. Avant le premier tour, le camp Valls a surtout attaqué Hamon sur la crédibilité et le coût de son revenu universel. Cela n’a pas vraiment marché, vu les résultats du premier tour. Dans l’entre-deux-tours, le camp Valls essaie donc un autre angle d’attaque : celui de son rapport à la laïcité, à l’islam politique, etc. En plus, comme Hamon a eu une réponse étrange sur l’affaire du café de Sevran, le comparant aux cafés ouvriers du début du XXe siècle où on trouvait en effet peu de femmes (comme si on devait trouver cela normal), Valls et ses proches en profitent pour essayer de le déstabiliser. Cela s’appelle faire de la politique.
ST75018 : Si la participation reste faible dimanche, que le vainqueur ne progresse pas dans les sondages dans les semaines qui suivent, François Hollande ne tentera-t-il pas un retour dans le jeu ?
Bastien Bonnefous : Je sais que le quinquennat a été riche en rebondissements politiques qu’un scénariste de série télévisée aurait eu du mal à imaginer lui-même, mais je pense que l’hypothèse que vous décrivez n’arrivera pas.
Madeleine D : Bonjour, quels sont les meetings et rendez-vous prévus cette semaine pour les deux candidats ? Observe-t-on une stratégie particulière sur les territoires « gagnés » par Montebourg par exemple ?
Bastien Bonnefous : Sauf erreur de ma part, Valls doit faire un meeting jeudi soir en région parisienne, et Hamon à Montreuil. Vendredi, Hamon tient un meeting à Lille, pas de meeting de Valls.