TV : « Intégration : les raisons du succès » montre une immigration bénéfique pour l’Europe
TV : « Intégration : les raisons du succès » montre une immigration bénéfique pour l’Europe
Par Alain Constant
Notre choix du soir. A Istanbul, Londres, Berlin… Doug Saunders enquête sur les conditions de vie des nouveaux immigrants qui peuvent constituer une chance pour les pays d’accueil (sur Arte à 20 h 50).
Arrivée de réfugiés à Passau. | WERNER HEYBOWITZ
Journaliste canadien, Doug Saunders est spécialiste des migrations. Il enquête depuis de longues années sur les conditions d’accueil des nouveaux migrants. Auteur en 2012 d’un livre éclairant (Du village à la ville, comment les migrants changent le monde, éd. du Seuil), Saunders a développé le concept de quartier-tremplin, dont le premier critère est d’offrir aux nouveaux arrivants des loyers abordables.
A l’heure où l’Europe est confrontée à une vague migratoire conséquente, ce documentaire décortique plusieurs cas de figure à Istanbul, Londres, Berlin, Evry et Amsterdam. Au fil de ses rencontres, Saunders défend la thèse qu’il a développée dans son livre : l’immigration peut être bénéfique pour l’Europe comme pour le nouvel arrivant, à condition que ce dernier puisse s’impliquer rapidement dans la vie économique de son pays d’accueil. D’où l’importance de l’accès à la formation, aux droits civiques et la possibilité de trouver un logement décent.
Un réseau de solidarité
Dans les années 1960, Istanbul comptait environ 900 000 habitants. Aujourd’hui, ils sont douze millions à vivre dans la mégapole turque. L’arrivée massive de paysans en provenance d’Anatolie a constitué une immigration intérieure qui ne s’est pas faite sans problème. Mais en recréant un réseau de solidarité villageois au cœur d’un quartier déshérité désormais convoité par les promoteurs, les paysans d’hier sont devenus, en l’espace d’une génération, une petite classe moyenne intégrée à l’économie de la ville.
Maintenant tendance, avec ses bourgeois plus ou moins bohèmes investissant Brick Lane et ses alentours, le quartier de Tower Hamlets, à Londres, a longtemps été un coupe-gorge et le premier point de chute de vagues d’immigration successives. Depuis les années 1960, le quartier a été investi par les Bangladais et les Pakistanais. Leur arrivée a coïncidé avec la disparition des industries. Jusqu’au milieu des années 1990, le quartier était montré du doigt pour son taux de criminalité élevé et sa saleté. Mais au fil du temps, les communautés se sont battues pour avoir accès à des logements corrects. Les pouvoirs publics ont réhabilité des infrastructures. Aujourd’hui, les jeunes de troisième ou quatrième génération se sentent partie intégrante de la société britannique. Ici, le quartier-tremplin a parfaitement joué son rôle. « L’immigration fonctionne quand les immigrés deviennent acteurs de la vie économique et profitent pleinement du système éducatif. Lorsque ces facteurs sont réunis, leur culture n’est plus un problème. Une culture qui était considérée comme menaçante lorsque les gens étaient exclus ou rejetés à la marge devient soudain un élément un peu exotique du tissu social », estime Saunders.
ARTE
Autre quartier-tremplin à avoir joué son rôle intégrateur : Kreuzberg, au cœur de Berlin, où les Turcs sont arrivés massivement dans les années 1970. Mais aujourd’hui, avec la spéculation immobilière, Kreuzberg devient trop cher pour les nouveaux arrivants. Le cas d’Evry (Essonne) et son quartier des Pyramides reste délicat à gérer, car « en France, les gens issus de l’immigration sont souvent exclus du monde du travail ». Alors qu’à Slotervaart, quartier excentré d’Amsterdam et autrefois considéré comme un trou mal famé, la ville a entrepris de modifier ce secteur en profondeur. Les nombreuses personnes originaires du Maroc installées à Slotervaart vivent mieux. Là encore, le quartier-tremplin semble tenir ses promesses.
Intégration : les raisons du succès,de Jörg Daniel Hissen (Allemagne, 2016, 85 min).