Fin de vie : « Je veux alléger ce qui va incomber à mes proches »
Fin de vie : « Je veux alléger ce qui va incomber à mes proches »
Par Pascale Santi
La rédaction de directives anticipées permet aux patients de se projeter dans ce qu’ils souhaitent pour leur fin de vie.
« Ça a permis de m’apaiser. » C’est ainsi que Pierre-Yves Savidan parle de la rédaction de ses directives anticipées, une disposition renforcée par la loi dite « Claeys-Leonetti » du 2 février 2016 sur le droit des malades en fin de vie. Cet homme de 48 ans est atteint d’une gliomatose cérébrale depuis avril 2015, une pathologie rare qui touche environ un millier de personnes dans le monde. Père de deux enfants de 8 et 10 ans, Pierre-Yves Savidan se bat depuis contre la maladie, qui a muté en glioblastome multiforme, incurable et inopérable.
« J’avais besoin d’écrire ce que je ne souhaitais pas », explique ce consultant en entreprise. Il a alors été orienté vers le docteur Lévy-Soussan, responsable de l’unité mobile d’accompagnement et de soins palliatifs à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), à Paris. Le fait de laisser sa femme et ses deux enfants sans ressources l’empêchait de dormir. Il a donc souhaité écrire noir sur blanc dans ses directives anticipées être couvert par son employeur, « très à l’écoute », avec un contrat de prévoyance, ce qui l’a rassuré. Deuxièmement, « je ne veux pas que ma femme et mes enfants aient à supporter ma déchéance intellectuelle ou physique », affirme-t-il. Ainsi Pierre-Yves Savidan a indiqué ne pas souhaiter être intubé. Pouvoir mettre ces points noir sur blanc l’a apaisé.
Ne pas être un numéro
C’est aussi un combat que mène Natacha. Cette jeune femme de 28 ans est atteinte depuis trois ans d’un cancer du rein orphelin dit « à TFE-b », une maladie rare incurable. Cette doctorante en astrophysique, diplômée de Supélec, ne baisse pas les bras. « Je veux alléger au maximum ce qui va incomber à mes proches, mes parents et mon conjoint, afin qu’ils ne soient pas dans la culpabilité de telle ou telle décision », explique Natacha.
Pour aborder la question de la fin de vie, elle a d’abord posé des jalons avec le docteur Gabriel Malouf et le docteur Lévy-Soussan, afin « d’être elle jusqu’au bout ». Elle n’a pas rédigé à proprement parler de papier – ce n’est pas nécessaire – mais a énoncé ses souhaits à l’oral, lors de dialogues avec ses deux médecins. « Ce n’est pas facile de parler de ça avec ses proches », concède-t-elle. « Cette loi donne un cadre pour discuter avec le patient, dans une relation de confiance, d’accompagnement, elle permet de revisiter l’expérience déjà acquise, de se projeter dans ce que le patient souhaite, ne souhaite pas », souligne le docteur Lévy-Soussan. Cela peut aussi lui permettre d’exprimer des colères, que sa parole soit écoutée et respectée.
« Je ne veux pas que mes proches soient face à une situation à laquelle je n’aurais pas réfléchi avant », souligne la jeune femme. Dans les faits, ce n’est pas toujours aussi simple. Un jour, alors qu’elle était en hôpital de jour pour sa chimiothérapie, les réanimateurs, voyant son état se dégrader, ont lancé : « Ça ne vaudrait pas le coup de tout tenter pour la réanimer. » Elle n’a pas vraiment compris, a demandé des explications. Elle n’était pas d’accord. Elle ne voulait pas que l’on baisse les bras.
« J’ai peur de devenir faible et dépendante, de ne plus me défendre. Alors j’essaie de baliser le terrain en parlant avec mes médecins et avec mes proches. Je compte sur eux pour faire ce qu’il faut quand je ne pourrai plus », écrit Natacha. Elle veut être entendue, ne pas être un numéro. Elle dit parfois en plaisantant vouloir être unique pour ses médecins.
Dans tous les cas, la rédaction des directives est un autre moment pour écouter le patient. « Les patients ont un savoir, ils sont acteurs, explique le docteur Lévy-Soussan ; ils se retrouvent souvent en position de vulnérabilité, neutralisés par le discours médical. » Ainsi Cécile Hamon, l’épouse de Pierre-Yves Savidan, explique : « On se retrouve comme un enfant, mis à nu au sens propre comme au sens figuré, puis on veut essayer de comprendre, on se saisit de la maladie. » C’est ce qu’a fait ce couple. « Peu d’informations sont données sur la maladie, sur les risques, les effets secondaires », constate Cécile Hamon. Ils ont donc mené des recherches, se sont tournés vers des médecines complémentaires…
Pour Natacha aussi, c’est aussi une nouvelle relation aux soignants. « Ce n’est que plusieurs mois après avoir été diagnostiquée que j’ai compris qu’avant de mourir il allait falloir vivre », écrit Natacha. Elle ne veut plus subir son traitement. C’est elle, avec son oncologue, Gabriel Malouf, qui a demandé à bénéficier d’un nouveau médicament d’un laboratoire américain pas encore commercialisé en France. Elle vient de l’obtenir.