Au FacLab de Gennevilliers : « Ce que l’on fabrique le mieux, c’est du lien »
Au FacLab de Gennevilliers : « Ce que l’on fabrique le mieux, c’est du lien »
Par Adrien de Tricornot
A l’occasion d’O21 Paris, les 4 et 5 mars à la Cité des sciences et de l’industrie, zoom sur ce « laboratoire de fabrication » ouvert à tous et pionnier en Ile-de-France.
Le concept de « FabLab » est né au Massachusetts Institute of Technologies (MIT), situé à Cambridge, à la fin des années 1990. | jeanbaptisteparis @Flickr
Soirée festive ce mercredi 22 février au « FacLab » de l’université de Cergy-Pontoise, situé à Genevilliers (Hauts-de-Seine) : la nocturne, cinq ans après l’ouverture de ce lieu ouvert au public, attire quelques dizaines d’habitués ainsi que des curieux. Un couple et ses deux enfants s’arrêtent devant une imprimante 3D « Delta » en action. Des jeunes disposent l’apéro dînatoire tandis que l’une des « managers », Cécile Combaz, prépare sa présentation du nouvel aménagement des lieux, qui fera l’objet du débat avec les utilisateurs de cette « communauté collaborative » : un lieu gratuit et ouvert à tous, fondé sur la réciprocité des échanges et des apprentissages.
Premier « FabLab » [atelier de fabrication] ouvert en Ile-de-France, il est un des rares au sein des universités à répondre aux normes édictées par le giron mondial des FabLab, le Massachusetts Institute of Technologies (MIT), notamment car il est ouvert au public, gratuit et qu’il offre sur 300 mètres carrés une grande variété d’équipements : découpeuses et graveuses laser, fraiseuses numériques, imprimantes 3D, presse à t-shirts, atelier textile et maroquinerie, machines de sérigraphie…
La petite équipe qui l’anime (quatre salariés à temps partiel, une quinzaine d’intervenants extérieurs rémunérés) fait preuve de beaucoup de débrouille et de motivation pour trouver des machines pas chères, les monter, se faire donner des chutes de matériaux par les entreprises – des plaques de plexiglas aux panneaux de bois, etc.
Esprit « collaboratif »
Le tout dans un esprit de « communauté » et « collaboratif » : « Le FabLab est gratuit mais il faut rendre au FabLab, soit en apportant des compétences – animer des ateliers, former les autres –, soit en documentant son projet pour que quelqu’un d’autre puisse le reproduire », explique Karen Rognin, titulaire d’un master de littérature et qui suit au FacLab le cursus « métier facilitateur », un diplôme universitaire (DU) qui prépare au métier d’encadrant dans ce type de structure ouverte.
Le terme de « facilitateur » est préféré à celui de « FabLab Manager », jugé trop restrictif « car il existe une forte demande pour ces compétences dans toutes sortes d’espaces de travail : tiers lieux, co-working, i-Labs, Maker-Space, Hacker-Space, médiathèques, etc. », égrène Antonin Fournier, arrivé au FabLab pour en faire un sujet de recherche de son master de sociologie des organisations culturelles à l’Institut d’études politiques de Toulouse, et qui y est resté comme encadrant.
En suivant ce DU, Karen Rognin, qui a commencé comme bibliothécaire, se prépare au grand saut : elle co-animera le second FabLab que l’université ouvrira, le 27 avril, sur son site de Cergy Préfecture. Ce dernier, réplique du premier en plus grand (400 mètres carrés), a en effet reçu l’appui de la Comue Paris Seine, ainsi que des collectivités locales et de financements européens. Il sera également ouvert au grand public.
Un service de l’université au territoire
A Gennevilliers, on vient « de 15 à 80 ans, même si on croit qu’on ne sait rien faire de ses mains, car ce n’est pas important, nous ne sommes pas un club d’ingénieurs, de geeks ou de designers ! », explique Jean-Baptiste Soubias, l’un des « facilitateurs ». Et pour échanger ses compétences : « On peut aussi faire un atelier cuisine, anglais, couture, pitch ou joute verbale ! », explique le jeune homme à trois novices à l’heure du buffet. « Nous sommes un service de l’université de Cergy Pontoise au territoire », explique Cécile Combaz, ancienne ingénieure en informatique, artiste peintre, graveuse, enseignante et également co-responsable du lieu.
« Les étudiants viennent dans le cadre de démarches individuelles. Mais beaucoup n’ont pas le temps, ils viennent en cours et ils repartent. Nous avons aussi des jeunes bidouilleurs, des ados, à qui l’expérience a donné l’envie de faire des études supérieures d’ingénieur en informatique. Cela fait plaisir. Il y a aussi des familles qui viennent faire quelque chose ensemble, des enseignants qui viennent fabriquer du matériel pédagogique, des artisans ou des artistes qui viennent réaliser des petites séries… », poursuit-elle. Le FacLab participe aussi aux événements de la ville, au Mois de l’économie sociale et solidaire, à la Semaine de l’industrie, au Mois du développement durable…
Les grands et les petits projets ont été nombreux à voir le jour à Gennevilliers, permettant de travailler de nombreuses matières : trench-coat de cycliste connecté, intégrant des Led qui s’allument lorsque le vélo ralentit ou pour signaler un virage ; projet d’unité de dessalement d’eau de mer à faible consommation d’énergie ; procédé d’arrosage régulé selon l’humidité pour potager économe en eau, etc. « Ce qu’il faut pour venir ici, c’est avoir un projet. Ou alors il faut avoir de l’imagination pour en trouver un », explique Loïc Eonnet, référent de l’autre DU dispensé sur le site, « initiation à la fabrication numérique », qui comprend des ateliers de découpe laser ou de programmation de cartes électroniques.
Education populaire 2.0
Fondateur de la « FinTech » (start-up de services financiers) TagPay – spécialisée sur la banque sur téléphone mobile en Afrique –, Loïc Eonnet veut expliquer à ses étudiants « l’utilité de la chaîne numérique » en 90 heures de cours sur trois semaines. Un sprint qui comprend la réalisation d’un projet en équipe : « En général, ils le commencent et ils reviennent après pour le continuer », explique-t-il. Ce n’est pas le cas de Sabrina Mansour et Michelle Faider, ses deux étudiantes très motivées qui sont encore ce soir à pied d’œuvre – comme elles l’étaient pendant le week-end – pour réaliser leur projet de théâtre de marionnettes animées : découpe laser des personnages et de la scène, conception des mécanismes d’animation des figurines, conception des décors qui défileront automatiquement…
Sans même prendre le temps de grignoter au buffet de la nocturne, elles ne boudent pas leur plaisir et partent dans de grands éclats de rire. « Ce que l’on fabrique le mieux ici, c’est du lien », a d’ailleurs coutume de répéter Cécile Combaz. Si les nouvelles technologies (programmation, numérique, laser…) donnent à ce lieu un parfum de « 2.0 », la philosophie et la pédagogie qui l’imprègnent sont davantage ceux de l’éducation populaire ou du mouvement coopératif.
Au programme d’« O21/s’orienter au XXIe siècle », les 4 et 5 mars à la Cité des sciences et de l’industrie, huit conférences interactives pour aider les lycéens et les étudiants à se poser les bonnes questions.
Entrée libre sur inscription / cliquez ici pour téléchargez votre invitation
O21 en 45 secondes
Durée : 00:47