Conflit d’intérêts : un membre de l’équipe de campagne de Macron démissionne
Conflit d’intérêts : un membre de l’équipe de campagne de Macron démissionne
Par François Béguin
Conseiller de l’équipe santé du candidat d’En marche !, le cardiologue Jean-Jacques Mourad a réalisé plus de soixante interventions rémunérées par le laboratoire Servier.
La décision rapide de se séparer d’un conseiller devenu bien encombrant suffira-t-elle à éteindre la polémique et à dissiper tout soupçon ? Le cardiologue Jean-Jacques Mourad, l’un des membres de l’équipe santé d’Emmanuel Macron a annoncé, mardi 7 mars, en fin de matinée dans un communiqué qu’il mettait « un terme » à son engagement auprès d’Emmanuel Macron et ses équipes après la mise à jour de ses importants liens d’intérêts avec le laboratoire Servier.
« Qui parle ? Le porte-parole de Macron ou le speaker de Servier ? » avait demandé, dimanche, sur Twitter le Formindep, l’association pour une information médicale indépendante, après la participation du praticien hospitalier aux Rencontres de l’officine, le 4 mars, à Paris, où il représentait le candidat. Le Formindep renvoie alors vers les liens déclarés sur la base gouvernementale Transparence Santé.
Entre le 1er janvier 2013 et fin juin 2016, on recense sur cette base plus de 66 interventions de M. Mourad payées par le groupe pharmaceutique, soit une à deux par mois et plus de 80 000 euros de frais de restaurant et de transport. « Je reconnais ne pas avoir fait état de mes liens avec le laboratoire Servier, ni au moment d’intégrer ce groupe ni au cours de nos travaux », écrit dans un communiqué Jean-Jacques Mourad, par ailleurs frère de Bernard Mourad, l’un des plus proches conseillers du candidat d’En marche !.
L’équipe de Macron minimise le rôle de M. Mourad
La fréquence des conventions et les montants déclarés sont jugés « hors norme » par Irène Frachon, la pneumologue qui a mis au jour le scandale du Mediator. « C’est du jamais vu ! Je suis sidérée par le niveau d’avantages, de cadeaux et de conventions menées quasi exclusivement avec Servier, dit-elle. Ce serait bien que les candidats à la présidentielle sachent que la transparence est en marche », prévient-elle.
Du côté de l’équipe de campagne du candidat, on minimise le rôle de M. Mourad : « C’est une vraie ruche, on est quarante à cinquante à collaborer rien que pour la partie santé », assure Olivier Véran, porte-parole officiel du candidat sur ce thème, assurant que M. Mourad « n’a pas une influence particulière » dans la structure santé.
Interrogé sur le fait qu’Emmanuel Macron ait proposé, lors de son discours de Nevers, le 6 janvier, de mieux rembourser les médicaments contre l’hypertension artérielle sévère, spécialité de M. Mourad et marché important pour Servier, M. Véran assure qu’une telle mesure est une « mesure de bon sens pour les malades » après leur déremboursement par M. Fillon, en 2012. « Cette mesure va être revue à la lumière des nouveaux éléments », assure Sylvain Fort, directeur de la communication d’En marche !
« Allez imaginer qu’il y ait une collusion entre mes liens et cette mesure très précise, c’est vraiment méconnaître l’histoire du médicament et de son remboursement », assure Jean-Jacques Mourad au Monde, rappelant d’une part qu’aujourd’hui 80 % des médicaments du secteur sont génériques et que d’autre part un taux de remboursement par l’Assurance-maladie ne change rien pour le chiffre d’affaires des laboratoires. « J’ai été un des premiers à comprendre l’intérêt du non mélange des genres », assure-t-il, considérant n’avoir « aucune influence sur quoi que ce soit dans la vie des médicaments de Servier ».