François Asselineau, une voix dans la campagne
François Asselineau, une voix dans la campagne
M le magazine du Monde
Fin octobre, le candidat de l’UPR organisait une « grande réunion publique » dans la Somme. La chroniqueuse de « M », Guillemette Faure, y était.
A Nouvion, une localité de la Somme, un distributeur automatique de pommes de terre a été installé au bord de la route. Glissez votre carte de crédit et la machine crache des pommes de terre par sacs de 5 kilos. L’autre curiosité du village est la visite, ce soir, de François Asselineau, candidat à la présidentielle. En 2012, il n’avait recueilli que 17 signatures et avait donc échoué à se présenter. On pourrait en conclure que cela prouve qu’il est un parfait inconnu. Il estime au contraire que cela compte pour sa popularité actuelle. « Les gens se disent que quelqu’un qui reconnaît qu’il n’a eu que dix-sept signatures est forcément honnête. »
Cette année, l’homme s’approche pourtant du seuil nécessaire des 500 ; le dernier relevé du Conseil constitutionnel, rendu public mardi 7 mars, lui attribuait 480 signatures d’élus. Pourtant, trois mois auparavant, en ce jour de la fin du mois d’octobre, il ne s’avançait pas. « Si je dis que j’en ai 40, mes bénévoles vont baisser les bras. Si je dis que j’en ai 540, ils vont baisser les bras pour d’autres raisons… » François Asselineau, qui se présente comme un ancien d’HEC et un énarque ayant déjà travaillé « dans les cabinets ministériels », parcourt la France depuis neuf ans, assure-t-il, « sans garde du corps ». L’UPR (Union populaire républicaine), son parti, est classé parmi les « divers » par le ministère de l’intérieur. Difficile de savoir si faire partie d’une catégorie fourre-tout le vexe ou si être rangé parmi les inclassables le flatte.
Ce soir, dans la médiathèque de la mairie, ils sont une bonne vingtaine à avoir fait le déplacement, ce qui, pour un week-end de Toussaint, devrait compter double. « Merci d’éteindre vos téléphones et de ne pas m’interrompre pendant la présentation », demande le candidat. On s’exécute sans savoir qu’elle va durer deux heures et quarante-cinq minutes. La médiathèque a été décorée pour Halloween. « Comment sortir la France du désastre en 2017 » annonce une affiche à côté d’un panneau listant « quelques sorcières célèbres ».
Il n’y a pas de petit candidat, explique-t-il. Selon lui, « l’article 7 de la Constitution indique que si un candidat à la présidence décède, l’élection est repoussée ». Il cite souvent les articles des différentes constitutions, qu’il réinterprète. Grâce à quoi il voit des choses qui nous échappent. L’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « qui interdit d’interdire les délocalisations », l’article 42 du traité sur l’Union européenne, « qui explique pourquoi on va risquer une troisième guerre mondiale en Syrie »… Il l’assure : tout est écrit de cette nouvelle « dictature ».
Evidemment, il n’est pas très distinctif, aujourd’hui pour un candidat, de se dire opposé à l’Europe. Mais, souligne-t-il, avec un montage d’affiches électorales des quarante dernières années, de Simone Veil à Nicolas Dupont-Aignan, ils ont tous promis l’Europe autrement. Lui condamne « le principe même » d’une Europe politique. Toutes ses diapos sont frappées d’un logo « Frexit ». Il estime que les événements lui ont donné raison. « Les Anglais ont pensé qu’il y avait une vie après l’Union européenne comme les Allemands de l’Est après l’Union soviétique. » L’appartenance à l’UE a contribué, selon lui, à faire de la France « le larbin des intérêts américains ».
C’est le cœur de son discours : de la Syrie à la chasse aux Pokémon jusqu’à la réforme territoriale, il voit la main de l’Oncle Sam partout. Il perd un peu son auditoire en tentant de démontrer que la taille des nouvelles régions de France a été calquée sur celle des Etats américains : le Nord-Pas-de-Calais et le Maryland ont la même dimension ; de même pour la Nouvelle-Aquitaine et la Caroline du Sud… Ce ne peut être un hasard. L’écran est désormais coupé en deux. D’un côté, la carte de la Bretagne. De l’autre, celle du Montana. CQFD.
Cette façon de raisonner apparaît un peu complotiste. Mais nous nous garderons d’ajouter de l’eau à son « moulin », car il croit, justement, à un grand complot des grands médias pour le faire passer pour un complotiste. Il a envoyé plusieurs lettres au CSA pour dénoncer sa faible médiatisation. Pourquoi autant de plateaux télé pour Macron et aucun pour lui ? Paradoxalement, son programme présidentiel inclut aussi la suppression du CSA suspecté de manque d’indépendance et la renationalisation de TF1 suspecté d’en avoir trop.
« Nous proposerons également… » Il se reprend : « Nous mettrons en œuvre… » Son programme s’inspire, dit-il, du Conseil national de la Résistance. Il cite Charles de Gaulle très, très souvent : « Comme dirait Charles de Gaulle, on en a vu d’autres… » « J’insiste sur le fait que si je ne suis pas élu président de la République en 2017, on va vers le désastre. » Encore faudrait-il qu’il réunisse ses signatures. Une main se lève dans la salle. « Mon père est maire… (murmures) – Formidable nouvelle… » Récemment, il tentait de convaincre un maire prêt à voter Juppé. « Il est venu vous voir monsieur Juppé ? – Ben, non, il n’a pas le temps… – Et moi, j’ai le temps peut-être ? » Il marque une pause. « A notre époque, Charles de Gaulle n’aurait pas ses parrainages, c’est ça la vérité. »