Sitôt revenu d’une nouvelle tournée africaine, le roi du Maroc, Mohammed VI, a annoncé, mercredi 15 mars, qu’il démettait le premier ministre Abdelilah Benkirane de ses fonctions. Le chef du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), arrivé en tête des élections législatives d’octobre 2016, paie son incapacité à former un gouvernement après cinq mois de négociations.

Rendu public tard dans la soirée, le communiqué royal explique que Mohammed VI, « en sa qualité de garant de la Constitution et de la bonne marche des institutions (…) et partant du souci de Sa Majesté de dépasser la situation d’immobilisme actuelle, (…) a décidé de désigner une autre personnalité politique du PJD en tant que nouveau chef du gouvernement ». Le texte ajoute que cette option a été préférée à d’autres par « souci permanent de consolider le choix démocratique et de préserver les acquis réalisés par notre pays dans ce domaine ».

Depuis octobre 2016, Abdelilah Benkirane tentait de constituer une majorité. Vainqueur des législatives, son parti n’avait pas assez de sièges pour gouverner seul : 125 sur 395 sièges. Mais les obstacles se sont multipliés. Le Rassemblement national des indépendants (RNI), mené par un riche homme d’affaires proche du Palais royal, Aziz Akhannouch, est parvenu à réunir autour de lui plusieurs partis, et ainsi à peser suffisamment pour bloquer M. Benkirane.

Demi-surprise

Un tel scénario est inédit dans le royaume chérifien. En 2011, dans le sillage des soulèvements arabes, le roi avait accepté une réforme constitutionnelle et l’organisation d’élections anticipées, remportées par les islamistes du PJD. A la tête du gouvernement, M. Benkirane a dirigé le gouvernement pendant cinq ans dans une sorte de cohabitation avec le palais royal, véritable détenteur du pouvoir sur les dossiers clés, en prenant bien garde à ne jamais affronter la monarchie. Politique adroit et orateur proche du peuple, M. Benkirane a acquis une popularité réelle dans l’électorat, au point d’être reconduit en octobre 2016, mais aussi de déplaire dans l’entourage royal.

Le communiqué de mercredi est une demi-surprise. Le blocage constaté depuis plus de cinq mois pouvait difficilement se prolonger. En l’annonçant moins de quarante-huit heures après son retour au Maroc – Mohammed VI a effectué un long séjour en Afrique subsaharienne dans la foulée de la réadhésion de son pays à l’Union africaine en janvier –, le roi réaffirme ainsi sa position d’arbitre au-dessus des partis. On ne pourra pas non plus reprocher au palais royal de ne pas avoir laissé suffisamment de temps à M. Benkirane et aux différents partis pour s’entendre. Enfin, en annonçant qu’il nommera prochainement un autre membre du PJD au poste de premier ministre, le monarque montre qu’il respecte la Constitution de 2011 – selon laquelle le chef de gouvernement est nommé par le roi parmi les membres du parti arrivé en tête des élections – ainsi que le choix des électeurs qui ont voté pour le PJD.

Jeudi matin, aucune réaction officielle n’avait été émise dans les rangs du PJD. Ces derniers mois, le parti était resté soudé face aux appels à trouver un remplaçant à M. Benkirane. Sur son site Internet, le PJD a appelé mercredi soir les militants de sa formation à ne pas commenter la décision royale. Parmi les personnalités du parti qui pourraient être nommées, plusieurs noms circulaient jeudi dans les médias, dont celui du ministre de la justice sortant Mustapha Ramid, ou celui de l’équipement Aziz Rabah. Le secrétariat général du PJD devait se réunir jeudi matin pour arrêter une position commune.