Au Brésil, la figure maternelle explose le box-office
Au Brésil, la figure maternelle explose le box-office
M le magazine du Monde
Le film « Ma mère est un cas 2 » est l’un des plus lucratifs de l’histoire du cinéma brésilien. Ode cruelle et aimante à la « mamãe », ce divertissement boudé par la critique tire son succès de sa légèreté.
Le comédien de théâtre Paulo Gustavo incarne Dona Hermínia, un personnage de mère brésilienne qu’il a lui-même créé pour la scène en 2006. | Capture écran Web
En décembre 2016 est sorti dans les cinémas brésiliens Minha mãe é uma peça 2 (« Ma mère est un cas 2 »), une comédie de César Rodrigues. La critique a méprisé le long-métrage qui a pourtant obtenu sa revanche : le succès auprès du grand public. En février, il avait franchi la barre des 9 millions de spectateurs, et engrangé 118 millions de réis (environ 35 millions d’euros) de recettes, soit l’un des films les plus lucratifs de l’histoire du cinéma brésilien. Un record au pays des telenovelas.
Le seul film à tutoyer ces chiffres est l’autre box-office du moment, Os dez mandamentos (« Les dix commandements »), sorti lui début 2016, une épopée cinématographico-biblique soutenue par l’Église évangélique, et issue d’une série télévisée à succès. Les deux réussites révèlent deux facettes différentes de la société brésilienne : l’attirance pour le fait religieux d’une part, entretenu par la puissance grandissante des mouvements néopentecôtistes, et l’irrésistible appétence pour l’insouciante légèreté d’autre part.
« Au Brésil, les spectateurs ne vont pas au cinéma pour réfléchir, pour voir du Godard, mais pour se divertir et sortir d’une vie souvent violente et compliquée. La comédie est une tradition brésilienne depuis les “chanchadas”, films burlesques des années 1950 », décrit Susana Schild, critique de cinéma et ancienne directrice de la cinémathèque du Musée d’art moderne de Rio de Janeiro. Après la vague intellectuelle du Cinema Novo dans les années 1960 ou les drames sociaux du début des années 2000 telle La Cité de Dieu ou Troupes d’élite, la comédie est redevenue une valeur sûre pour le public. La critique, elle, reste éloignée du genre.
La mère-totem
Le premier comme le deuxième opus de Minha mãe é uma peça n’a pas échappé à un « étrillage » en règle de la part des experts qui ont jugé l’histoire trop simple et les gags faciles. Le scénario, de fait, se fonde sur les péripéties d’une mère colérique et touchante, Dona Hermínia, jouée par un homme, l’acteur de théâtre Paulo Gustavo. De là surgissent des situations comiques nées autant des performances du « héros », réalisant un véritable one-man-show, que d’un quotidien rocambolesque.
« Le succès de ces comédies peut s’expliquer par l’écho qu’elles font aux préoccupations de la petite bourgeoisie : la famille, l’argent, les relations », expliquait Bruno Wainer, directeur de la société de distribution du film, Downtown Filmes, dans un entretien au quotidien La Folha de São Paulo, le 15 février dernier.
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On note aussi un véritable hommage à la figure maternelle. À cette mère omniprésente et omnisciente, totem de la vie d’un Brésilien ou d’une Brésilienne. Avec sarcasme, Paulo Gustavo, qui a d’abord décliné l’histoire de Dona Hermínia en pièce de théâtre, s’est inspiré de sa propre mère pour créer le personnage. Un portrait à la fois cruel et aimant qui pourrait être celui de toutes ces mamães brésiliennes, agaçantes, envahissantes et adorées. « Ah ! si tous les enfants étaient comme Paulo Gustavo ! Il ne reconnaît pas seulement les valeurs de l’amour maternel, il les exalte sur scène, dans ses livres et au cinéma », commente Susana Schild, rare critique à avoir, pour le quotidien O Globo, émis un commentaire enthousiaste sur ce film phénomène.
La bande-annonce du film, en brésilien
MINHA MAE É UMA PEÇA 2 - TRAILLER OFICIAL
Durée : 03:03