Les parents d’Inaya ont été condamnés jeudi 30 mars en appel aux assises de Bobigny à 30 ans de réclusion pour avoir « à égalité » causé la mort de la fillette et noué un « pacte de silence » autour de son décès dissimulé pendant plus d’un an. En première instance en 2015, le père et la mère avaient respectivement été condamnés à 30 et 20 ans de réclusion criminelle.

L’avocat général Bernard Farret avait requis jeudi une peine moindre, de 25 ans, pour Grégoire Compiègne – également poursuivi pour des violences contre ses deux autres enfants –, considérant que sa responsabilité dans la mort d’Inaya n’était pas supérieure à celle de la mère.

Bushra Taher-Saleh, 30 ans, qui a toujours désigné son ex-compagnon, aujourd’hui âgé de 28 ans, comme étant le seul responsable de ces violences, aura, elle, vu sa peine alourdie de dix ans entre le premier et le deuxième procès.

« Je suis forcément déçu car trente ans c’est le maximum alors que ma cliente n’était pas en état de récidive et n’avait pas non plus de casier judiciaire, contrairement à l’autre », a réagi Jean Chevais, son avocat.

Un enfant confiné

Inaya, dont la mort est située fin 2011 à environ 20 mois, « n’est pas décédée d’un coup particulier précis, elle est morte d’une succession de violences physiques et morales causées par ses deux parents », avait estimé l’avocat général.

Au vu des déclarations de Grégoire Compiègne au cours de ce deuxième procès, il avait acquis la certitude que l’enfant s’était trouvée rapidement confinée après son retour dans le foyer familial, un an et demi après avoir été placée tout bébé chez une assistante familiale.

« Principalement enfermée dans la chambre, principalement posée sur le lit », couverte de bleus, le crâne rasé après une sévère brûlure causée par un des parents, la petite ne mange plus, a des côtes cassées, manque de soins.

Quant aux « ultimes violences », fatales, « on peut trancher, c’est bien la mère », avait affirmé Bernard Farret, retenant la thèse selon laquelle elle avait secoué Inaya qui réclamait une nouvelle fois son assistante familiale. « Ça ne met pas du tout hors de cause M. Compiègne, qui a participé à égalité à toute la phase d’avant. »

Un décès caché pendant plus d’un an

Le corps avait été enterré dans la forêt, à 800 mètres du domicile familial d’Avon (Seine-et-Marne). Trompant la vigilance des services sociaux, les parents avaient réussi à cacher le décès pendant plus d’un an, jusqu’en janvier 2013. « Ce pacte de silence constant est une preuve de plus de la coaction, c’est une signature de la coaction » des accusés, avait soutenu l’avocat général.

« Pourquoi voulez-vous qu’elle s’acharne sur Inaya, pourquoi elle l’aurait prise en grippe ? », s’était interrogé Me Chevais. D’après lui, sa cliente n’avait fait qu’obéir à son compagnon « pour éviter les coups », avait peur de le dénoncer. « C’est ça l’emprise », a-t-il soutenu, estimant que l’accusation s’était laissé attendrir par le « cinéma » de Grégoire Compiègne.

Pour l’avocat de l’accusé en revanche, « on a eu une vérité pendant ce procès ». « M. Compiègne, c’était pas un tendre, il était violent avec ses enfants », mais il n’était pas dans la « coaction » au moment du décès d’Inaya, plutôt dans l’« inaction », a estimé Me Fatthi Irguedi. Il a insisté sur le fait que son client, un « sale type », n’était pas « un monstre » à la différence de la mère : « Prendre le cadavre de sa fille, lui mettre une couche, ça c’est monstrueux. »

« J’ai dit ma vérité, je sais au fond de moi ce qui s’est passé », avait déclaré Bushra Taher-Saleh, avant que la cour ne se retire pour délibérer. Grégoire Compiègne, reconnaissant que sa « fille n’a pas eu la chance d’avoir de bons parents », avait lui demandé aux associations de défense de l’enfant – parties civiles – « de faire le maximum pour qu’une chose comme ça ne se reproduise jamais ».