TV : « Berlin 56 », swing, romance et fantômes
TV : « Berlin 56 », swing, romance et fantômes
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Cette série allemande retrace, du point de vue d’une mère et de ses trois filles, la complexité d’une société meurtrie, entre une guerre perdue et un mur à venir (sur Arte à 20 h 55).
Berlin 56 (1/6) - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31
Année 1956 : quelque dix ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre. Mais, en Allemagne, il est des passés qui ne passent pas en dépit de la tentative de beaucoup de mettre de funestes et parfois coupables souvenirs au troisième sous-sol de leur mémoire.
C’est le cas de Caterina Schoellack, directrice d’une école de danse et de bonnes manières, à Berlin-Ouest, qui voit les danses de salon qu’elle enseigne aux jeunes gens ringardisées par le rock’n’roll que la cadette de ses trois filles, Monika, danse en secret avant que la revêche et hautaine matrone ne le découvre avec horreur. Mais c’est avec une horreur encore plus grande que Monika apprend que sa mère a obtenu la gérance du lieu – autrefois propriété d’une famille juive spoliée, déportée et assassinée dans un camp de concentration – grâce à l’intermédiaire d’un responsable nazi dont elle est toujours la maîtresse – à son corps plus ou moins consentant.
Dans le salon de thé de l’école, trois dames bien sous tous rapports sont en fait les veuves de nazis ; un jeune homme – dont s’entiche Monika – a sur l’avant-bras un numéro tatoué ; un autre, issu de la haute bourgeoisie, finit par prendre le large quand il réalise que son père, fabricant d’armes pendant le conflit, ne pense qu’à contribuer au réarmement de son pays humilié et consolider sa fortune. Cette époque est également celle où la frontière entre Berlin-Est et Ouest était encore assez poreuse, cinq ans avant la construction du Mur. Ce qui explique le va-et-vient assez fréquent des personnages de l’ouest à l’est de la ville.
Abus de fumigènes nocturnes
Berlin, qui était, jusqu’à l’arrivée des nazis au pouvoir, un lieu d’effervescence artistique et sexuelle, devient une ville puritaine. On y pourchasse les homosexuels (le personnage d’un homme marié par convenance à l’une des trois filles Schoellack est de ce point de vue bien décrit) et les communistes, et l’on y traite les « hystériques » par électrochocs.
Pour recréer l’ambiance de l’époque, la direction artistique a veillé à donner à ses décors intérieurs et extérieurs une « patine » à l’ancienne grâce à l’emploi d’une lumière sous-saturée. Parfois, ce sont les toiles d’Edward Hopper qu’évoque – avec succès – le cadrage. On regrettera en revanche l’abus de fumigènes nocturnes – pour masquer on ne sait trop quel détail trop moderne – et une intégration pas toujours réussie d’images d’archives en couleurs passées ou colorisées façon « pastel ». Le sujet est évidemment de prime intérêt, même s’il n’est pas inédit sur le grand et le petit écran. Et il est bienvenu et salutaire de le voir réintroduit par le truchement d’une série, au moment où, en Allemagne notamment, une certaine « déculpabilisation » amène certains à raviver de vieux fantômes.
Monika Schöllack (Sonja Gerhardt) et Freddy Donath (Trystan Putter). | STEFAN ERHARD/ZDF
On regrettera cependant qu’en choisissant de le faire par le biais de six épisodes de quarante-cinq minutes, les auteurs n’aient pas profité de ce format long pour creuser davantage les situations et les caractères psychologiques.
Le ton est un rien outré et sentimental, avec des facilités dignes d’un mélodrame à l’eau de rose. De sorte que Berlin 56 – qui a attiré en Allemagne jusqu’à 6,5 millions de téléspectateurs, soit 20 % d’audience – ressemble davantage à un téléfilm rallongé qu’à une série digne de ce qu’Arte propose d’ordinaire en la matière.
Berlin 56, série créée par Annette Hess. Avec Claudia Michelsen, Sonja Gerhardt, Maria Ehrich, Emilia Schüle, Heino Ferch (All., 2016, 6 × 45 mn). Trois épisodes par jeudi et en replay sur Arte +7.