Des pertes abyssales menacent l’existence de Toshiba
Des pertes abyssales menacent l’existence de Toshiba
LE MONDE ECONOMIE
Le géant japonais de l’électronique pourrait afficher une perte nette de 1 010 milliards de yens (8,6 milliards d’euros), du jamais-vu pour une entreprise japonaise.
Satoshi Tsunakawa, le président de Toshiba, lors de l’annonce des résultats de son groupe, le 11 avril, à Tokyo. | Shizuo Kambayashi / AP
La chute de Toshiba se poursuit. Le géant japonais de l’électronique né en 1939 de la fusion de sociétés fondées à la fin du XIXe siècle, en vient même à s’inquiéter pour sa survie, citant des « événements et circonstances qui pourraient remettre en question les conditions d’une continuation de nos activités ». Ce constat apparaît dans le communiqué dévoilé le mardi 11 avril, en marge des très attendus résultats du groupe pour la période d’avril à décembre 2016. Après deux reports, Toshiba a annoncé des ventes de 3 846,9 milliards de yens (33 milliards d’euros), en baisse de 4 % par rapport à la même période de 2015, et une perte nette de 532,5 milliards de yens (4,6 milliards d’euros).
Ces chiffres n’ont pas été certifiés par le cabinet d’audit PricewaterhouseCooper Aarata (PwC Aarata), qui doute des résultats des investigations sur les problèmes de Westinghouse, la filiale nucléaire américaine de Toshiba.
Les deux reports avaient été décidés pour permettre une enquête sur les allégations selon lesquelles Danny Roderick, le PDG de Westinghouse, avait fait pression sur son personnel pour minimiser les pertes de l’entreprise américaine. De même, PwC Aarata s’interroge sur les conditions qui entourent l’acquisition en 2015 par Westinghouse de la société d’ingénierie spécialisée dans le nucléaire Stone & Webster.
Eviter une exclusion des cotations
Toshiba a décidé d’annoncer les résultats avec l’espoir qu’ils seront acceptés par les autorités financières et qu’il pourra ainsi éviter une exclusion des cotations. Le Tokyo Stock Exchange (TSE) peut prendre une telle décision s’il juge insuffisants les efforts de la compagnie pour améliorer ses contrôles internes après le scandale de la manipulation comptable de 2015. « Nous avons confiance dans ces chiffres, a déclaré le président Satoshi Tsunakawa. Un troisième report ne garantissait pas l’obtention d’un accord des auditeurs. »
L’annonce doit également aider M. Tsunakawa à convaincre les partenaires de Toshiba, principalement Mizuho Bank et Sumitomo Mitsui Trust Bank, de continuer à le financer. Les différents établissements ont déjà baissé la note de l’industriel. Une nouvelle dépréciation les obligerait à classer les dettes de Toshiba dans la catégorie des créances douteuses. Les banques régionales pourraient se montrer réticentes à ouvrir de nouvelles lignes de crédit.
Mais ce passage en force ne rassure guère et le titre du groupe était en baisse de plus de 2 % à l’ouverture de la séance du 12 avril, après un repli de 2,6 % la veille. Les désaccords persistant avec PwC Aarata peuvent empêcher Toshiba de dévoiler ses résultats pour l’exercice clos fin mars.
M. Tsunakawa s’est toutefois dit prêt à les annoncer à la mi-mai, même sans validation des auditeurs. Ryoji Sato, le responsable de la commission d’audit de Toshiba, n’a pas exclu de mettre fin à la collaboration avec PwC Aarata.
Pour l’année fiscale 2016, le groupe n’exclut pas une perte nette de 1 010 milliards de yens (8,6 milliards d’euros), du jamais vu pour une entreprise japonaise. Elle serait principalement due à l’engagement de Toshiba sur les passifs éventuels de Westinghouse – 640 milliards de yens (5,5 milliards d’euros) fin février – et sur de potentiels coûts additionnels sur les chantiers des centrales nucléaires américaines de Vogtle (Géorgie) et de Virgil Summer (Caroline du Sud), à l’origine de la débâcle de la filiale américaine, qui a déposé le bilan fin mars.
Une dizaine de candidats pour la reprise de Nand
Pour couvrir ces pertes, le groupe a décidé de vendre son activité mémoires flash Nand, véritable joyau de Toshiba qui fournit notamment Apple et occupe la deuxième place du marché mondial derrière Samsung. Toshiba en a fait, début 2017, une structure indépendante et, après avoir envisagé de n’en céder qu’une partie, a finalement opté pour sa vente totale. Une dizaine de sociétés, dont les américains Broadcom – associé à Apple – et, semble-t-il, Google et Amazon ou encore le sud-coréen SK Hynix, seraient intéressées.
Le géant taïwanais Hon Hai Precision Industry (Foxconn) aurait proposé 25,5 milliards d’euros pour cette activité, un chiffre très supérieur à sa valorisation, évaluée à 17 milliards d’euros. Toshiba va organiser une nouvelle série de discussions en mai et prévoit d’annoncer l’identité du repreneur lors de l’assemblée générale des actionnaires en juin.
L’opération pourrait cependant être compliquée par l’exigence de Toshiba du maintien des 9 000 emplois existant, notamment sur le site de production de Yokkaichi (département de Mie, centre).
Le gouvernement japonais, lui, fait pression pour que l’activité reste dans le giron nippon et ne passe notamment pas dans des mains chinoises. D’après le quotidien économique Nihon Keizai, une proposition pourrait être émise par une alliance réunissant Fujitsu et Fujifilm Holdings. D’autres compagnies sollicitées n’auraient pas donné suite par crainte de l’opposition des actionnaires.