L’usine GM & S à La Souterraine est-elle sauvée ?
L’usine GM & S à La Souterraine est-elle sauvée ?
Par Charlotte Chabas
Une audience est prévue mardi au tribunal de commerce de Poitiers, qui doit se prononcer sur la liquidation judiciaire de l’équipementier automobile.
Des salariés de GM & S , le 18 mai à Guéret (Creuse). | PASCAL LACHENAUD / AFP
Cinq cars ont été affrétés. Prévus pour partir de La Souterraine, dans la Creuse, à 13 h 30, ils devraient arriver en fin d’après-midi à Poitiers. C’est là, devant le tribunal de commerce du chef-lieu de la Vienne, que les deux cent soixante-dix-neuf salariés de GM & S Industry devraient être fixés sur leur sort, mardi 23 mai.
Si le tribunal considère qu’il n’y a pas, en l’état, d’offre sérieuse de reprise de l’équipementier automobile, spécialisé dans l’emboutissage et l’assemblage de pièces, sa liquidation pourrait être prononcée dès mardi après-midi. Mais l’effort consenti par les constructeurs automobiles PSA et Renault dans les vingt-quatre dernières heures pourrait bien changer la donne. Les salariés espèrent obtenir du tribunal un prolongement de la période d’observation.
Récapitulatif d’un dossier social explosif pour l’Elysée, alors que les salariés désespérés ont menacé de « tout faire péter » dans leur usine en y disposant des bouteilles de gaz.
Dans quelle situation se trouve GM & S Industry ?
L’entreprise, deuxième employeur privé du département de la Creuse, accuse depuis plusieurs années un important déficit de commandes, qui l’a conduit à l’asphyxie économique. Le sous-traitant, dont 67 % de l’activité est liée aux deux principaux constructeurs automobiles français, PSA et Renault, a été placé en redressement judiciaire en décembre 2016.
Investissement minimal, manque de diversification, échecs commerciaux de certains modèles, comme la Cactus de Citroën… La charge de travail a décliné au fil des années dans l’usine de La Souterraine. Une situation aggravée par une succession de patrons voyous ou chasseurs de prime, qui ont fait baisser le chiffre d’affaires de 40 millions à 26 millions d’euros entre 2009 et 2015, et ont conduit l’entreprise à vivre plusieurs plans sociaux depuis les années 2000.
Les syndicats accusent PSA et Renault d’avoir laissé pourrir la situation dans l’usine et de s’être progressivement désengagés de leur partenariat en délocalisant une partie de leur production, notamment au Brésil.
A quels efforts ont consenti les constructeurs ?
Depuis le placement en redressement judiciaire, le sous-traitant demande à PSA et à Renault de s’engager sur un volume de commandes accru, au-delà des 16 millions à 17 millions d’euros déjà promis. Un montant qui, selon les syndicats, ne permettait de garder qu’une centaine d’emplois dans l’usine.
Après des semaines de blocage, le PDG du groupe Renault, Carlos Ghosn, s’est finalement engagé dimanche 21 mai à doubler ses commandes en les portant de 5 millions à 10 millions d’euros. Le président du directoire de PSA, Carlos Tavares, a annoncé porter celles de son groupe de 10 millions à 12 millions d’euros. Soit, au total, avec le reste des commandes, un montant assuré de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires.
L’usine est-elle sauvée ?
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a salué lundi ces nouveaux engagements des constructeurs, qui « rendent possibles la continuité de l’exploitation et la poursuite des discussions sur la reprise de l’entreprise ». Mais le sort de l’usine est loin d’être fixé pour l’instant. En l’état, on ignore si un repreneur suffisamment sérieux pourra convaincre le tribunal de commerce de Poitiers. Le groupe français GMD, qui s’était déjà manifesté, en vain, en 2014, a fait part de son intérêt cet hiver. Le groupe italien Magnetto avait également émis une lettre d’intention. Selon nos informations, un troisième repreneur potentiel s’est manifesté vendredi 19 mai auprès de Bercy.
Mais même si un délai est accordé mardi, la bataille de chiffres risque toutefois de se poursuivre. Selon les syndicats à GM & S Industry, il faudrait entre 35 millions et 40 millions d’euros de chiffre d’affaires pour conserver tous les emplois à La Souterraine.
« Les menaces sur l’avenir de l’entreprise ne sont pas levées », a ainsi réagi le délégué CGT de l’usine creusoise, Vincent Labrousse. Une prudence partagée par le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, au micro d’Europe 1 : « Il reste encore de la marge pour sauver le maximum d’emplois. »
Se pose, en outre, la question de la pérennité de ces nouvelles commandes des deux constructeurs. « Est-ce que c’est une augmentation du prix des pièces qui étaient chez nous ou est-ce que c’est une augmentation du volume des pièces ? Si vous achetez un vélo à 200 euros et qu’il passe à 300 euros, vous gagnez un peu d’argent et ça maintient un nombre de salariés, mais ça ne maintient pas l’activité, car quand le vélo est construit c’est terminé », a ainsi prévenu Yann Augras, responsable cégétiste à GM & S, pour qui « l’usine est loin d’être sauvée ».
Quel rôle peut jouer l’Etat ?
Depuis la mise en redressement judiciaire, la Nouvelle-Aquitaine a joué un rôle clé pour soutenir l’entreprise. Grâce à une aide de 1,16 million d’euros depuis mars, la région, présidée par Alain Rousset, a permis aux salariés de GM & S de continuer à percevoir leur salaire. Sans cette aide, « l’entreprise était en dépôt de bilan, ce qu’il fallait empêcher puisque, à partir de là, il nous aurait été impossible d’intervenir », dit Alain Rousset.
Mais l’élu a demandé au gouvernement de reprendre en main le dossier. Comme Vivarte, Whirlpool et Tati, le cas de GM & S est crucial pour l’exécutif, qui est très attendu s’agissant de sa gestion de dossiers épineux. L’Etat français est en outre actionnaire à 14 % du groupe PSA et détient 19,74 % du capital de Renault.
Si Bruno Le Maire a montré, dès ses premiers jours de travail, qu’il s’était pleinement saisi du dossier, le ministre pourrait de nouveau être sollicité pour convaincre un repreneur de s’engager davantage.