La gazette de la Croisette #7 : un trio de blondes, une belle brune et un « Ed Wood » afghan
La gazette de la Croisette #7 : un trio de blondes, une belle brune et un « Ed Wood » afghan
Mercredi, pour la première et unique fois cette année en compétition, un réalisateur, Jacques Doillon, se trouve face à une réalisatrice, Sofia Coppola.
- On attend aujourd’hui :
Mercredi 24 mai, au septième jour de la compétition officielle, c’est pour la première fois un duo homme-femme qui entre dans la course pour la Palme d’or.
Vétéran du cinéma français, Jacques Doillon présente son biopic (film biographique) Rodin, avec dans le rôle du sculpteur Vincent Lindon. Le film sort en salles le jour même de sa projection cannoise, et c’est Izïa Higelin qui y incarne Camille Claudel.
La réalisatrice américaine Sofia Coppola présente, quant à elle, The Beguiled (Les Proies), sa propre adaptation du roman de Thomas P. Cullinan, Les Proies (A Painted Devil), après la version de Don Siegel en 1971, avec Clint Eastwood. Elle y réunit un casting de luxe avec Colin Farrell, Kirsten Dunst, Elle Fanning et Nicole Kidman.
L’actrice Izïa Higelin qui incarne Camille Claudel aux côtés de Vincent Lindon dans le film de Jacques Doillon, « Rodin », au 70e Festival de Cannes, le 24 mai 2017. | LOIC VENANCE/AFP
Jacques Doillon a déjà présenté deux films en compétition : La Drôlesse (en 1979, qui lui a valu le Prix du jeune cinéma) et La Pirate (en 1984) ainsi qu’un film à Un certain regard, Carrément à l’ouest. Pour sa part, Sofia Coppola a déjà trois sélections cannoises à son actif : en 1989 hors compétition avec New York Stories, comme scénariste ; en 2006 en compétition avec Marie-Antoinette ; en 2013 à Un certain regard avec The Bling Ring. Elle a par ailleurs été membre du jury des longs-métrages en 2014.
- Du côté des critiques :
Le film japonais de Naomi Kawase, Vers la lumière (Hikari), présenté mardi 23 mai en compétition, n’a pas totalement convaincu Thomas Sotinel : « La cinéaste japonaise se soucie d’abord de rendre acceptable ce qui fait le tragique de la condition humaine, par la beauté un peu convenue de ses images, par la répétition de truismes sur l’impermanence des choses. Cette douceur qui confine à la mièvrerie masque son intelligence, son talent de créatrice d’images. »
Pour Mathieu Macheret, avec Rodin, Jacques Doillon a évité le piège du biopic : « Il fallait sans doute compter sur l’indépendance d’esprit d’un Jacques Doillon pour ne pas couronner le centenaire de la mort d’Auguste Rodin avec un biopic supplémentaire. La rencontre semblait presque aller de soi, entre le glorieux sculpteur et le cinéaste de l’intime, réputé pour modeler à l’écran des états souvent extrêmes du corps (…). Doillon n’a donc aucunement tenté de compiler la destinée de son personnage comme une pièce montée récapitulative ou hagiographique, mais a prélevé une séquence bien particulière de sa vie d’homme et d’artiste ».
Dans la section Un certain regard, Isabelle Regnier a aimé le premier long-métrage d’un cinéaste prometteur, Karim Moussaoui, En attendant les hirondelles, une radiographie subtile et sensible des maux dont souffre l’Algérie. Cette radiographie repose sur « trois histoires rattachées l’une à l’autre par un passage de relais entre personnages », « trois symptômes imbriqués : la corruption généralisée, la toute-puissance du patriarcat et le refoulé de la “sale guerre” qui opposa à partir de 1992 les islamistes au pouvoir militaire, semant la terreur, faisant en dix ans plus de 200 000 morts et 30 000 disparus ».
Enfin, la Quinzaine des réalisateurs livre une nouvelle pépite avec le film du Lituanien Sharunas Bartas, Frost, dans lequel Jacques Mandelbaum voit « une sorte de Voyage en Italie (Rossellini) septentrional et postmoderne, au cours duquel un couple d’amoureux se perd dans les nuits alcoolisées et les steppes enneigées, avant de mesurer, devant le danger réel de la guerre enfin atteinte, enfin étreinte, à quel point l’imminence de la mort rend précieux l’amour et la vie ». A noter la présence d’une « Vanessa Paradis absolument admirable dans le rôle d’une femme qui confie, au creux de la nuit, son désarroi amoureux au jeune Rokas [le héros du film] ».
- Du côté des reporters :
Laurent Carpentier a fait la rencontre sur la Croisette d’un personnage haut en couleur, l’Afghan Salim Shaheen, auteur de 110 films de série Z, auquel la réalisatrice et journaliste Sonia Kronlund consacre un documentaire présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Comme l’explique ce cousin afghan d’Ed Wood (1924-1978), désigné en son temps « plus mauvais réalisateur » d’Hollywood, le film s’appelle Nothingwood, « parce que Kaboul, ce n’est ni Hollywood ni Bollywood, c’est Nothingwood. »
Clarisse Fabre s’interroge sur l’absence de documentaires dans les films en compétition officielle pour la Palme d’or alors même que dix-huit d’entre eux concourent pour l’Œil d’or, une récompense créée en 2015 à l’initiative de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), alors présidée par la réalisatrice Julie Bertuccelli. Cette dernière déclare : « J’espère que d’ici trois ans, l’Œil d’or sera rapatrié par le Festival et le prix décerné lors de la cérémonie de clôture ». Sa successeure à la SCAM, la réalisatrice Anne Georget, tient le même discours.
Thomas Sotinel, quant à lui, a assisté à la cérémonie de gala pour célébrer la 70e édition du Festival de Cannes : « Un cocktail classique de montages d’images d’archives, de discours (on est en France, que diable) prononcés par MM. Frémaux et Lescure, d’essais lus par leurs auteurs, les réalisateurs Paolo Sorrentino et Guillermo del Toro et le comédien Vincent Lindon, et d’intermèdes musicaux qui permirent à Camelia Jordana et Vianney d’arranger quelques thèmes à connotation cinématographique (y compris, pour le second, I Will Always Love You, le titre de Dolly Parton kidnappé par Whitney Houston). Avec, en Monsieur et Madame Loyal, Thierry Frémaux et Isabelle Huppert. »
- Du côté de la photo :
De gauche à droite : le réalisateur Salim Shaheen, les acteurs Qurban Ali et Farid Mohibi à Cannes, le 22 mai 2017. | STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »
- Du côté de la vidéo :
Cannes 2017 : « Une Vie violente » de Thierry de Peretti, les dérives sanglantes du nationalisme corse
Durée : 03:26