TV : « Master of None », cuisine et dépendances amoureuses
TV : « Master of None », cuisine et dépendances amoureuses
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Cette série dessine le portrait, sensible et désopilant, d’un jeune new-yorkais d’origine indienne aux prises avec ses expériences gastromico-sentimentales (sur Netflix, à la demande).
Master of None - Season 2 | Official Trailer [HD] | Netflix
Dev (joué par Aziz Ansari, le cocréateur de Master of None) est un jeune acteur new-yorkais trentenaire d’origine indienne, bobo issu d’un milieu aisé (son père est chirurgien, quoique cantonné à des opérations mineures et « particulières »), enfantin, désopilant et charmant. Entre deux tournages de publicités pour la télévision (la spécialité forcée de celui qu’on tente de cantonner à des rôles stéréotypés et à accent), Dev passe son temps à dénicher le meilleur foodtruck de tacoset la meilleure trattoria de pâtes au ragoût de queue de bœuf.
Sinon ce « foodie » frénétique vit plus ou moins seul et se console de rencontres féminines parfois improbables en retrouvant son indécrottable bande de potes : Arnold (Eric Wareheim), un géant au grand cœur, Brad (Kelvin Yu), beau gosse d’origine chinoise, et Denise (Lena Waithe), l’amie d’enfance de Dev, lesbienne afro-américaine à casquette et dreadlocks un rien « butch ».
A la fin de la première saison, Dev, déprimé après la rupture avec celle qui partageait sa vie depuis un an, achetait un billet d’avion pour Modène, en Italie, afin d’y apprendre à faire la pasta. Au début de la deuxième saison (bien plus aboutie et fine que la précédente), on l’y retrouve alors qu’il a passé là-bas quelques semaines – rejoint pour quelques jours par Arnold.
Camaraderie de façade
De retour à New York, Dev anime désormais une émission de télé-réalité culinaire, passablement idiote, consacrée aux cupcakes. Il se remet à la recherche de l’âme sœur quand la belle Francesca (Alessandra Mastronardi) – qu’il avait connue dans la manufacture de pâtes à Modène – lui rend visite avec son fiancé, et ravive chez Dev un sentiment amoureux enfoui derrière une camaraderie de façade.
Avec cette trame, Aziz Ansari, qui a créé Master of None en 2015 avec son ami Alan Yang, a imaginé l’une des séries les plus attachantes du moment. A la fois drôle et touchante, elle est d’un esprit typiquement new-yorkais : les amateurs de Louie, de Louis C. K., de Girls, de Lena Dunham, et des films de Woody Allen seront en terrain familier.
Master of None est new-yorkais aussi et surtout par le fait que le milieu que fréquente Dev est beaucoup plus divers que celui de Girls, par exemple (à qui l’on a beaucoup reproché sa distribution « caucasienne »). Avec beaucoup de tendresse amusée, la caméra se balade dans les milieux familiaux de Dev et de ses amis et campe des saynètes irrésistibles.
Aziz Ansari | Netflix
A l’heure où Netflix défraie la chronique par sa remise en question du cinéma sur grand écran, cette série montre ce que peut apporter la diffusion hors cadre télévisuel (sans césures pour coupures de publicité, sans formatage temporel strict et, il va de soi, sans censure du propos). Ainsi, on notera les étirements et suspensions du temps et du récit, avec des épisodes plus longs, comme le magnifique neuvième de cette saison 2 – une sorte de parenthèse enchantée –, qui dure pas loin d’une heure.
Enfin, Master of None se prête au jeu de la parodie en se payant effrontément la tête de la série documentaire « Chef’s Table », de Netflix, et d’émissions (en particulier « Cupcake Wars ») de Food Network, la chaîne culinaire nord-américaine. Tout cela est décidément jouissif, subtilement inventif et le plus souvent à mourir de rire.
Master of None, saison 2, série créée par Aziz Ansari et Alan Yang. Avec Aziz Ansari, Alessandra Mastronardi, Eric Wareheim, Lena Waithe, Kelvin Yu (EU, 2017, 10 × 28 - 54 min).