Le siège du PS à vendre sur LeBonCoin, juste une blague ?
Le siège du PS à vendre sur LeBonCoin, juste une blague ?
M le magazine du Monde
Après la débâcle des législatives, l’heure est au bilan pour le Parti socialiste. Et côté budget, des décisions s’imposent. Quitter la rue de Solférino du chic 7e arrondissement pourrait être une des solutions.
Il y a quelques jours, un plaisantin a passé une petite annonce originale en ligne : il a mis le siège du Parti socialiste en vente sur le site Le Bon Coin. Aujourd’hui, l’annonceur a supprimé son annonce, il aurait trouvé preneur… Lors d’une visite de ce bien immobilier atypique, l’acheteur putatif pourra constater que l’hôtel particulier, sis au 10, rue de Solférino dans le très rupin 7e arrondissement parisien, offre une situation géographique privilégiée – à quelques pas des quais de Seine et du Musée d’Orsay – et 3 000 mètres carrés habitables. Le tout pour 50 millions d’euros. Un prix à débattre : quelques travaux sont à prévoir.
L’annonce de la mise en vente du siège du PS n’est plus visible sur Le Bon Coin. | Capture d'écran
Car si le jardin intérieur ainsi que la salle de bal – la salle Marie-Thérèse Eyquem, qui abrite chaque semaine le bureau national du PS, quelque peu déserté ces derniers temps – et les deux premiers étages sont nobles, avec moulures au plafond et bureau du premier secrétaire quasiment « présidentiel », les derniers étages, réservés aux gens de maison, ne sont guère fonctionnels. S’y entassent des bureaux exigus dotés d’une climatisation et d’un chauffage hors d’âge. Glacial l’hiver, étouffant les étés de canicule.
A la fin du mandat de premier secrétaire de François Hollande (1997-2008), même les WC subissaient quelques dysfonctionnements. Ce qui avait poussé sa successeur, Martine Aubry (2008-2012), à oser cette blague, passée inaperçue si on n’était pas habitué aux soucis de tuyauteries socialistes : « Au PS, plus rien ne fonctionne. » Bref, si « Solfé » est un pied-à-terre idéal pour émir de passage, il n’est pas exactement adapté au quotidien trépidant d’un parti politique de premier plan. Ou même de second. Las, en ces temps mauvais, la question n’est même plus à l’ergonomie domotique.
15 millions d’euros de manque à gagner
Sur la petite annonce et sur le reste – qui est beaucoup moins drôle : le PS va-t-il vraiment être contraint de vendre son siège pour survivre ? –, le trésorier du parti, Jean-François Debat, préfère surseoir plutôt que de répondre et renvoie à une conférence de presse ultérieure. Il raccroche avant de préciser que le parti présente zéro euro de dettes tout en concédant une baisse importante des recettes à venir.
Une réalité aussi sombre que mathématique : beaucoup moins de députés – 29 sièges contre 295 en 2012 – signifie beaucoup moins de sous qui rentrent dans les caisses du parti – au moins 15 millions d’euros de manque à gagner sous forme d’aides publiques. Alors, pour un PS aux abois politiquement et financièrement, son siège est à la fois un boulet de 3 000 mètres carrés peuplés de 130 permanents salariés à entretenir et un parachute doré de 50 millions d’euros.
Le Parti socialiste occupe le 10, rue de Solférino depuis 1980. La vente de l’hôtel particulier est l’une des solutions envisagées pour amortir le choc des législatives. | Lionel Bonaventure/AFP
Sa vente ou la mise en place d’une hypothèque pourrait ainsi permettre d’amortir le choc de la déroute des législatives. L’hypothèque, c’était la solution choisie in extremis en 1995, deux ans après la deuxième plus grosse débâcle de son histoire (plus que 57 députés dans l’hémicycle). « On avait sauvé le parti, se souvient le trésorier de l’époque, Alain Claeys, ancien député de la Vienne. On avait obtenu un prêt de refinancement grâce à l’hypothèque et aussi grâce à une politique rigoureuse qui nous avait permis de tenir et de reconstituer nos réserves. On vivait sur un trop grand pied. » A l’époque, la traversée du désert avait été rapide. Le PS renaissait de ses cendres dès 1997, l’année de la victoire aux législatives et de Lionel Jospin premier ministre. « Donc, l’idée de vendre avait été assez vite abandonnée, poursuit Claeys. Dans mon souvenir, il n’y avait même pas eu de prospection. »
Un lieu symbolique des valeurs de la gauche
Depuis, au PS, même quand le parti n’avait aucun souci à se faire pour boucler ses fins de législature, l’idée de déménager revenait régulièrement à la table des débats internes. Mais pour d’autres raisons. Beaucoup plus symboliques, celles-ci. Quitter le très bourgeois 7e arrondissement pour une adresse et un siège moins tapageurs, proches des « valeurs de gauche ». « En 2008, Ségolène Royal, candidate au poste de premier secrétaire, avait proposé de déménager, raconte Alain Bergounioux, membre du bureau national et historien du PS. Mais il n’y avait pas d’urgence et l’hypothèse n’avait pas rencontré un écho important. »
Jean-Christophe Cambadélis, au siège du parti, le soir du premier tour des législatives. Battu dans sa circonscription parisienne, il a annoncé qu’il quittait la direction du PS. | Geoffroy Van Der Hasselt/AFP
Christian Paul, ex-député frondeur, a remis récemment la question sur le tapis de « Solfé » – « Il faut des lieux davantage en contact avec la société » –, ainsi que le premier secrétaire lui-même, Jean-Christophe Cambadélis, en mai, histoire de « marquer une nouvelle époque ». « Déménager pour signifier l’avènement d’une nouvelle période, pourquoi pas…, concède Bergounioux. Mais quant au symbole, je ne suis pas tout à fait d’accord. C’est certes un hôtel particulier, mais il fut la propriété d’un syndicat [de 1944 à 1978, il fut le siège de la fédération des fonctionnaires de la CGT] et il est aussi le témoin des luttes menées par le parti. Si François Mitterrand avait décidé de s’installer rue de Solférino, en 1980, c’était surtout par commodité, puisqu’il est situé à proximité de l’Assemblée. On peut aller dans un autre quartier, plus populaire, mais ça ne résoudra pas les problèmes de fond et de stratégie. »
Alors, si Alain Claeys ne veut « absolument pas donner de leçon », il conseille tout de même de « se poser et de réfléchir. Cet éventuel déménagement, il faut l’inscrire dans une vraie perspective politique, pas au fil de l’eau, pas juste pour avoir de l’argent frais. Il faut savoir ce qu’on veut faire du parti ». Et, déjà, trouver un nouveau premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis ayant annoncé qu’il rendait ses galons. Aucun agent immobilier n’est disponible pour ce type de recherche.