TV : « Emma » et les jeux de l’amour
TV : « Emma » et les jeux de l’amour
Par Véronique Cauhapé
A voir aussi ce soir. Diarmuid Lawrence met en scène une jeune fille oisive dans l’Angleterre du XVIIIe siècle (sur Arte à 20 h 50).
Emma (BBC 2009) trailer
Dans ce coin reculé de l’Angleterre, près du bourg de Highbury, à l’aube du XIXe siècle, les femmes de la petite noblesse et de la bourgeoisie n’ont guère d’autre occupation que de se trouver un époux. Sauf Emma Woodhouse (délicieuse Kate Beckinsale) qui, bien décidée à ne pas se marier, se prend à jouer les entremetteuses avec une délectation non feinte. Au risque de se tromper, de briser les cœurs comme avec Harriet Smith (Samantha Morton), dont la faiblesse a été de suivre les conseils de son amie et de se détourner du fermier qu’elle aime pour s’enticher d’un vicaire antipathique et snob.
Une charmante tête à claques
Emma, jeune fille gâtée de 23 ans, sûre d’elle et indépendante, est une charmante tête à claques, avec ce qu’il faut de perfidie pour donner le sel nécessaire à ses manigances et aux intrigues amoureuses qu’elle met en place. Des intrigues qui, dans cette monotonie quotidienne d’une société oisive coupée du monde et de ses soubresauts, ouvrent un espace romanesque sans frontière, aux allures quasi policières. Soumis à l’imaginaire et aux interprétations de l’héroïne – l’histoire est contée à travers ses yeux –, le téléspectateur est mené sur de fausses pistes, obligé de déceler les indices susceptibles de pouvoir l’éclairer et de se faire sa propre opinion.
Adapté du roman de Jane Austen (1775-1817), le téléfilm du réalisateur anglais Diarmuid Lawrence reste fidèle à l’atmosphère si particulière de l’écrivaine, dont le souci s’attache à raconter des histoires obstinément quotidiennes où il ne se passe rien mais où chacun se délecte, pour s’occuper, à d’interminables échanges dans le raffinement d’une langue, celle du XVIIIe siècle et de la littérature.
On retrouve aussi dans cette adaptation – à l’instar des longs-métrages d’Ang Lee (Raison et sentiments, 1995) ou de Joe Wright (Orgueil et préjugés, 2005) – la douce lumière de la campagne anglaise et les clairs-obscurs des intérieurs où les visages, quand ils sont filmés en plans rapprochés, prennent des airs de médaillon. Tout entier tourné sur cette question entêtante du mariera ? mariera pas ?, Emma malmène les sentiments, bouleverse la raison, éprouve l’équilibre social. Et installe des pièges auxquels l’héroïne elle-même ne saura échapper.
Emma, de Diarmuid Lawrence. Avec Kate Beckinsale, Samantha Morton, Mark Strong, Olivia Williams (GB., 1997, 115 min).