Classement mondial des universités THE 2018 : la France continue de « sous-performer »
Classement mondial des universités THE 2018 : la France continue de « sous-performer »
Par Claire Ané
Le nombre d’établissements français augmente un peu mais les mieux classés perdent encore du terrain : Paris sciences et lettres, le champion hexagonal, ne pointe qu’au 72e rang.
Vue du Collège de France, à Paris, l’une des composantes de Paris sciences et lettres, qui termine 72e du palmarès mondial des universités THE 2018. / LOIC VENANCE / AFP
Comment va l’enseignement supérieur français, à l’aune du classement mondial des universités 2018 du Times higher education ? Selon ce palmarès britannique, publié mardi 5 septembre, qui fait partie des six classements les plus scrutés à l’international, la France perd quelques rangs mais de façon moins marquée que ces dernières années, tandis qu’elle obtient de nouveaux classés. Ce palmarès, comme d’autres avant lui, confirme que les champions hexagonaux ne font plus partie de l’élite mondiale. « Ils sous-performent », estime le rédacteur en chef du Times higher education, Phil Baty, tandis que l’Asie poursuit sa montée en puissance.
Pour la première fois, le numéro un français, Paris sciences et lettres (PSL), est un regroupement d’établissements, dont l’Ecole normale supérieure (ENS), jusqu’ici la mieux classée de l’Hexagone. Mais le nouvel ensemble termine 72e, tandis que l’ENS, seule, avait obtenu la 66e place dans le classement 2017. Ce résultat, « un peu décevant », concède Phil Baty, s’explique notamment par le fait que « notre classement ne se base par sur le volume mais sur la qualité ». Le directeur de l’ENS et président par intérim de PSL, Marc Mézard, fait valoir que ce « rang est en ligne avec les résultats de l’ENS ces dernières années ». Il ne regrette pas la décision de figurer en tant que PSL plutôt qu’en tant qu’ENS : « C’est un corollaire de notre décision de devenir une seule institution. Apparaître dans les classements contribuera à accroître sa visibilité à l’international. »
Progression spectaculaire de Paris-Sorbonne
Derrière PSL, l’ordre d’arrivée est inchangé : Polytechnique (115e) et les universités Pierre et Marie Curie (123e) et Paris-Sud (181e) perdent une ou deux places chacune, après avoir subi des baisses bien plus marquées l’an dernier. Suivent deux établissements qui font eux leur entrée dans le top 200 : l’Ecole normale supérieure de Lyon, qui quitte la fourchette 201e-250e pour la 182e place, et l’Université Paris-Sorbonne (Paris-IV), qui enregistre une progression spectaculaire, depuis la fourchette 351-400e jusqu’au 196e rang mondial.
Autre point positif de l’édition 2018 du classement THE, qui compte 1 000 établissements : à la différence de l’an dernier, le solde des entrées et des sorties est largement positif. Une seule université disparaît (Rennes-I), tandis que sept y font leur entrée : les universités Côte d’Azur, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (dans la tranche 351-400e), Sciences Po (401-500e), puis, dans les tranches suivantes, les universités Blaise Pascal, de Lorraine, de technologie de Compiègne (UTC) et de Paris Ouest-Nanterre La Défense.
Il n’empêche, la baisse même limitée des universités françaises les mieux classées, et la progression ou entrée dans le palmarès de quelques autres, ne sauraient faire oublier que la France n’a placé aucun établissement dans le top 50 mondial depuis la 44e place obtenue par l’ENS en 2011. A titre de comparaison, la Chine a hissé, ces deux dernières années, ses universités de Pékin et de Tsinghua parmi les 30 premières mondiales.
Domination écrasante des Etats-Unis
Si l’on se concentre sur le top 100, de nombreux pays font mieux que la France, qui n’y compte qu’un seul représentant : les Etats-Unis dominent, avec 41 universités (dont CalTech, Stanford et le MIT dans le top 5), suivis du Royaume-Uni, avec 12 établissements, et un remarquable doublé d’Oxford et Cambridge en tête du palmarès. Mais bien qu’en perte de vitesse, l’Allemagne reste bien représentée (10 universités, dont LMU Munich, 34e, en baisse de 4 rangs), suivie des Pays-bas (7 universités, dont celle d’Amsterdam, 59e, en hausse de 4 rangs), l’Australie (6 établissements dans le top 100), le Canada (4), la Suisse, la Suède, Hongkong (3 chacune, parmi lesquels l’ETH Zurich au 10e rang mondial), et enfin plusieurs pays d’Asie, tels que la Chine, le Japon, la Corée du Sud, Singapour (2 chacun, dont le champion asiatique, l’université de Singapour, 22e, qui gagne deux places).
Dans la compétition internationale que se livrent les établissements, « l’Asie représente un danger pour l’Europe, et ses résultats en hausse montrent que les réformes et les investissements d’envergure sont payants », analyse Phil Baty, qui cite plusieurs champions européens dépassés par les établissements asiatiques. Tout en saluant le doublé d’Oxford et Cambridge en tête du classement – une première depuis la création du classement THE il y a treize ans –, il rappelle « l’énorme pression du Brexit, alors que les performances du Royaume-Uni sont très dépendantes de la recherche et des étudiants européens ».
Dans ce paysage changeant, « la France a des atouts, et tout particulièrement sa grande tradition universitaire et sa recherche », estime le rédacteur en chef du classement britannique. Mais les faiblesses sont, selon lui, nombreuses, principalement en matière de réputation et de financements. Tandis que Marc Mézard, à PSL, insiste sur le fait que « la France risque de décrocher du peloton de tête en termes d’investissements dans la recherche et l’enseignement supérieur », Phil Baty cite « des publications qui ne sont pas toutes en anglais », « le manque d’autonomie et de moyens pour attirer des enseignants étrangers avec des salaires élevés », et « la complexité du système d’enseignement supérieur, ne serait-ce que dans la dénomination des universités parisiennes, frein à la venue d’étudiants étrangers ». Quant aux regroupements d’universités, « il est trop tôt pour juger de leurs effets ». Mais force est de constater, à la lueur du classement THE et à la suite d’un rapport remis mi-août au gouvernement, qu’ils ont « des effets contrastés sur la place des établissements dans les classements ».