Des plaquettes de pilule. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

A la veille de la journée mondiale de la contraception – elle revient chaque 26 septembre – les données du baromètre santé de Santé publique France donnent les dernières tendances sur le sujet. Le modèle français, longtemps resté figé – le préservatif pour les premiers rapports, la pilule une fois en couple, le stérilet quand les enfants sont nés –, commence à craquer. La pilule, affectée par la crise de 2012, continue de perdre du terrain au profit du stérilet, du préservatif et de l’implant. La stérilisation définitive reste en revanche toujours aussi rare.

Tous les trois à cinq ans, la sexualité des Français et leurs méthodes de contraception sont disséquées dans une vaste enquête menée sur un échantillon représentatif de la population. Les cinquante ans de la loi Neuwirth imposaient que 2017 ait son cru. L’étude a été menée en 2016 auprès de 4 315 femmes âgées de 15 à 49 ans. Les données, recueillies par téléphone, ont été comparées à celles des enquêtes de référence Fecond 2010 et 2013.

  • Le désamour pour la pilule se confirme

La pilule reste le moyen de contraception numéro un en France, mais la désaffection amorcée dans le courant des années 2000, confirmée en 2010, puis en 2013 après la crise des pilules de troisième et quatrième générations – une jeune femme déposait plainte après un AVC massif qu’elle attribue à sa pilule –, se poursuit. Entre 2013 et 2016, le recours à la contraception orale a baissé de 3,1 points. Alors que 40 % des femmes prenaient la pilule en 2010, elles ne sont plus qu’un tiers (33,2 %) en 2016.

Ce désamour n’affecte pas les jeunes filles : les 15-19 ans la plébiscitent encore à 60,4 %. Mais à partir de 25 ans, cette méthode passe sous la barre des 50 % pour ne plus concerner qu’un tiers des femmes (35,4 %) entre 30 et 34 ans. La peur des hormones, le refus des effets secondaires (migraine, nausées, prise de poids), une conscience écologique plus grande expliquent l’émergence de cette génération post-pilule.

  • Le stérilet sort de l’oubli

Le regain de notoriété du stérilet, ou DIU (dispositif intra-utérin) de son petit nom, est une des conséquences du rejet de la pilule. « J’ai une patiente par semaine qui me demande d’en poser un », confirme le docteur Tiphaine Beillat, obstétricienne dans une clinique privée de Rouen. Le stérilet attire même les plus jeunes (4,7 % des 20-24 ans en 2016 contre 1,6 % en 2010) et connaît une hausse spectaculaire chez les 25-29 ans (6,9 % en 2010 ; 19 % en 2016).

La trentaine passée, les femmes l’utilisent dans les mêmes proportions que la pilule. Puis il passe en tête chez les plus de 35 ans (34,6 % pour les 34-39 ans). Les gynécologues sont longtemps restés frileux à l’idée de poser un stérilet à une femme n’ayant pas eu d’enfant. Ils manquaient de formation, trouvaient plus facile de prescrire une plaquette, ou craignaient, en dépit des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), une infection des trompes.

La crise de 2012 a changé la donne. Les jeunes femmes qui ont subitement vu la pilule comme un médicament avec de possibles effets secondaires discutent désormais les ordonnances et n’hésitent pas à changer de médecin si le leur renâcle à poser un DIU. Des sites Internet répertorient même les gynécologues « women friendly » qui respectent le choix des patientes sans remarque désobligeante.

  • Le préservatif et l’implant plus adaptés aux pratiques

Le désamour pour la pilule ne s’accompagne en aucun cas d’une baisse de la contraception. Les femmes veulent toujours maîtriser leur fécondité et avoir des enfants quand elles l’ont choisi. La remise en cause du modèle traditionnel permet en revanche un recours à des méthodes plus variées et donc une meilleure adéquation de celles-ci aux pratiques de chacune.

Le préservatif arrive juste derrière le stérilet comme substitut à la pilule. Il est toujours le moyen le plus utilisé par les plus jeunes (45,6 % chez les 15-19 ans), mais les 25-29 ans lui trouvent aujourd’hui beaucoup plus d’intérêt qu’il y a six ans (16 % en 2016 contre 8 % en 2010). « Pour un couple stable pour lequel l’arrivée d’un enfant n’est pas perçue comme une catastrophe et dont la femme ne veut pas d’hormone, il reste une option », explique Nathalie Lydié, responsable de l’unité santé sexuelle de Santé publique France.

L’implant, lui, fait une percée chez les 20-24 ans (de 4,1 % à 9,6 % entre 2013 et 2016). Les méthodes traditionnelles (la symptothermie, c’est-à-dire la prise en compte des cycles avec prise de température, étude de la glaire cervicale ; le retrait) qui avaient connu un regain de notoriété au début de la décennie et encore très en vue, ne se retrouvent en revanche pas dans les chiffres.

  • La stérilisation définitive, très peu dans un pays nataliste

La stérilisation définitive – la vasectomie chez l’homme et la stérilisation tubaire chez la femme – a toujours aussi peu d’adeptes et lorsqu’elle en trouve, c’est essentiellement chez les plus 40 ans (5,4 % des 30-44 ans). Ce rejet est très français, au vu de ce qui est observé en Grande-Bretagne ou en Suisse.

« Les modèles contraceptifs sont des modèles sociaux, rappelle Nathalie Bajos, spécialiste de la contraception, et co-auteur des études Fecond 2010 et 2013. Or, le contexte nataliste en France – le premier pays au monde à avoir entamé sa transition démographique ; celui où une loi, en 1920, interdit la contraception – explique cette réticence pour la stérilisation. »

Les professionnels ne la proposent quasiment pas. Quand le médecin anglais présente l’éventail des possibilités avant d’engager le dialogue avec sa patiente, en France il est rare que le terme soit même prononcé en consultation.