Un nouveau front s’ouvre dans la bataille de la tour Triangle
Un nouveau front s’ouvre dans la bataille de la tour Triangle
Par Stéphane Mandard
Selon les informations du « Monde », trois associations doivent déposer mercredi un recours au tribunal administratif de Paris contre le permis de construire accordé le 28 avril par la mairie.
Image du projet de la tour Triangle. / AP/HERZOG & DE MEURON
La bataille de la tour Triangle n’est pas terminée. Un nouveau front vient de s’ouvrir contre ce gigantesque projet architectural qui suscite la contestation depuis son lancement, en septembre 2008, par l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë. Selon nos informations, un recours devait être déposé, mercredi 4 octobre, devant le tribunal administratif de Paris contre le permis de construire accordé le 28 avril par la Mairie de Paris à la SCI Tour Triangle, qui représente les intérêts du groupe Unibail-Rodamco, leader européen de l’immobilier commercial avec plus de 70 grands centres comme le Carrousel du Louvre, le Forum des Halles ou les Quatre Temps à La Défense. Ce recours émane de trois associations : France Nature Environnement lle-de-France, l’association pour le développement harmonieux de la porte de Versailles et de ses environs et SOS Paris.
« Nous sommes désolés de passer par des contentieux, mais le dialogue est complètement impossible, explique Christine Nedelec, la secrétaire générale de SOS Paris, fondée en 1973 après l’édification de la tour Montparnasse. Quand les Parisiens sont interrogés sur ce projet, ils le désapprouvent et disent leur attachement à une ville à échelle humaine et à une certaine modestie architecturale. Et pourtant, il avance à marche forcée avec les mêmes arguments contestables qui avaient été invoqués pour justifier la construction de la tour Montparnasse. »
« Aucune mesure de publicité et de mise en concurrence »
Jamais construction d’un édifice aussi haut n’avait été envisagée à Paris depuis la tour Montparnasse (210 m), en 1972. Avec ses 43 étages, la tour Triangle doit culminer à 180 mètres. Le bâtiment de forme pyramidale, d’une superficie de plus de 90 000 m2, s’élèvera au sein du Parc des expositions, porte de Versailles, dans le 15e arrondissement. A moins que la procédure en cours n’« enraye la machine », comme l’espère Christine Nedelec, les travaux devraient débuter en 2020, année des prochaines élections municipales.
Critiquée depuis le départ par les écologistes, qui dénoncent un projet « énergivore », retoquée une première fois en conseil municipal en 2014 avant son adoption en 2015, la tour Triangle est défendue par Anne Hidalgo à la fois comme « une œuvre d’art » et « un projet autour duquel se joue une part non négligeable de l’attractivité et du rayonnement de Paris et du Grand Paris ». Elle a été dessinée par l’agence d’architecture suisse Herzog & de Meuron, à qui l’on doit notamment le Nid d’oiseau (le stade olympique) de Pékin ou la Philharmonie de Hambourg, inaugurée en janvier avec sept ans de retard et un budget multiplié par dix pour atteindre 790 millions d’euros.
Le coût du projet parisien, lui, est estimé à 500 millions d’euros par Unibail, qui doit en porter le financement. La Mairie de Paris assure que la tour Triangle est « un projet privé qui n’entre pas dans le champ de la commande publique et de l’opération d’aménagement ». Ce n’est pas l’avis des trois associations qui, après le rejet de leur recours gracieux le 1er août, ont donc décidé de saisir le tribunal de Paris. « La Ville de Paris a attribué à un opérateur, sous prétexte d’un projet privé, la réalisation d’une opération d’aménagement majeure pour la ville, sans mise en concurrence et au prix de la réduction du périmètre de la concession d’exploitation du Parc [des expositions] existant », précise le recours, auquel Le Monde a eu accès.
Pour Me Louis Cofflard, qui défend les associations, il existe « une fraude concernant l’autorisation accordée à la SCI Tour Triangle pour déposer la demande de permis de construire puisqu’elle repose sur une promesse de bail à construction accordée sans aucune mesure de publicité et de mise en concurrence ». Car pour l’avocat, il ne s’agit « pas d’un simple projet privé d’intérêt général, mais bien d’une concession d’aménagement [de l’emprise de la tour sur le Parc des expositions] ».
« Délit de favoritisme »
Me Cofflard estime que « c’est d’abord une opération à son propre compte puisque la mairie deviendra propriétaire dans 80 ans », au terme du bail. Ensuite, il souligne dans sa requête qu’au-delà des bureaux (78 785 m²), de l’hôtel (7 778 m²) et des commerces (3 581 m²), la tour Triangle hébergera aussi des équipements d’intérêts collectifs (2 036 m²) : une crèche, un centre de santé, un espace culturel et de co-working.
Le recours estime par ailleurs que l’étude d’impact environnemental a été insuffisante, se cantonnant à des points de vue « lointains » et tous pris depuis la rive droite de Paris. Contacté par Le Monde, le promoteur Unibail-Rodamco, qui possède déjà la concession du Parc des expositions, n’a pas répondu.
Concomitamment au recours déposé au tribunal administratif, Me Cofflard devait adresser un courrier à Anne Hidalgo pour lui demander « la résiliation de la promesse de bail à construction » attribuée en « violation grave des principes fondamentaux de la commande publique ». En cas de refus, avertit le courrier, les associations saisiront le tribunal administratif d’un deuxième recours « en annulation du contrat » et déposeront une plainte au pénal pour « délit de favoritisme ».