A Andard (Maine-et-Loire), en novembre 2015. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Il faut bien parler d’ascension fulgurante. Remontons trois années en arrière, Christelle Morançais, 42 ans, était considérée par ses pairs comme une novice en politique. Elle-même le reconnaît : encartée à l’UMP en 2002, elle n’a « vraiment commencé à militer qu’en 2011, avant les présidentielles ». La voici propulsée à la tête des Pays de la Loire, succédant au sénateur LR Bruno Retailleau touché par le cumul des mandats. Ce dernier raconte avoir « passé de mauvaises vacances sur l’île d’Yeu [Vendée] cet été », tenaillé par l’obligation de choisir entre son rôle de patron de l’exécutif régional et son siège de sénateur lui offrant une stature nationale. Il a opté pour le Palais du Luxembourg et aussitôt, « la candidature de Christelle s’est naturellement imposée ». Elle, jusqu’alors vice-présidente en charge de l’emploi et de l’apprentissage, a entendu « son nom circuler » à son retour de congés, également sur l’île d’Yeu où elle a un pied à terre : « J’ai été surprise, je n’étais candidate à rien, assure-t-elle. Et je n’avais pas croisé Bruno durant mes congés. »

La Mancelle s’est octroyée un gros week-end de réflexion. Puis elle a mené une campagne-éclair auprès de ses collègues, damant le pion aux prétendants plus expérimentés. « Elle est la seule à avoir appelé tous les élus de la majorité pour les informer qu’elle était prête à y aller », rapporte Franck Louvrier, élu régional LR. L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy applaudit des deux mains : « Elle incarne la jeunesse, le renouvellement, la compétence. Et elle issue de la société civile. »

Diplômée d’une école de commerce, Mme Morançais a travaillé vingt ans dans l’immobilier. Elle a été « négociatrice », « responsable développement », a mis sa carrière entre parenthèses pour « se consacrer à sa famille et à ses deux enfants », avant de fonder avec son mari la société de réseau immobilier MegAgence, qui s’articule autour de 400 mandataires indépendants.

Génération Sarkozy

Son premier coup d’éclat en politique date de 2014. Election municipale du Mans. « A cinq semaines du premier tour, elle s’est retrouvée bombardée tête de liste face à Jean-Claude Boulard [PS}, maire depuis 2001, rappelle Vanessa Charbonneau, élue LR engagée à ses côtés. Elle a fait une campagne incroyable. On a perdu d’un fil, 1500 voix. » Au printemps, il lui a manqué une cinquantaine de suffrages pour être élue députée face à un candidat LREM. « Ce sera une grande présidente, pronostique Antoine Chéreau, maire MPF de Montaigu (Vendée), promu premier vice-président de la région dans le nouvel organigramme. Elle a un caractère bien trempé qui va avec sa simplicité. C’est une bosseuse ayant la culture du résultat. »

Se revendiquant de la génération Sarkozy et de la Droite forte, Mme Morançais, passionnée de cuisine et de bons vins, a milité auprès de La Manif pour tous « jusqu’à l’adoption de la loi ». Ancien membre du Medef, elle vante la valeur travail et a piloté avec succès le plan de relance de l’apprentissage de la région : « Dès la rentrée 2016, on était proche des 28 000 apprentis (+ 4,5 %) alors que leur nombre ne cessait de chuter auparavant. » Elle récuse les accusations de la gauche qui décrit une « région mise à l’arrêt » depuis la conquête de la droite, fin 2015. Indique « assumer entièrement » le bilan de Bruno Retailleau. Promet « la continuité » tout en mettant l’accent sur l’emploi.

« Un choix dans la durée »

Christophe Clergeau, chef de file de la gauche, l’a trouvée « apaisée et rassembleuse » lors de sa prise de fonction : « C’est bien d’avoir une présidente, qui plus est à 100 %. Si elle est là, c’est qu’elle en a les qualités et compétences. » « C’est la première femme présidente du conseil régional des Pays de la Loire, en soi c’est un symbole, se félicite la Sarthoise Sophie Bringuy (EELV). Mais en tant que féministe, je suis pour l’égalité de traitement : il n’y aura donc pas d’état de grâce. »

« Fière » de ses nouvelles responsabilités, Mme Morançais note : « Je ne veux pas être jugée en ma qualité de femme mais sur mon engagement et mes actions. » Elle précise qu’elle ne lorgnera pas sur les européennes en 2019, ni sur la municipalité du Mans en 2020. Elle a démissionné de son « poste de directeur général » de l’entreprise familiale. Si elle élude la question de son avenir, M. Retailleau prend soin d’y répondre à sa place : « C’est un choix qui s’inscrit dans la durée. Dans deux ans, c’est elle qui mènera le combat des régionales. C’est une battante, elle l’a montré sur le terrain, et elle va surprendre. »