Réforme des APL : l’office HLM du Havre au bord du K.-O.
Réforme des APL : l’office HLM du Havre au bord du K.-O.
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Pour Alcéane, premier bailleur de la communauté d’agglomération havraise, la baisse des loyers qui doit permettre de compenser la réduction des aides personnalisées au logement est évaluée à 6 millions d’euros.
Le premier ministre, Edouard Philippe, le 24 octobre 2017 à l’Assemblée nationale. / CHARLES PLATIAU / REUTERS
Edouard Philippe pratique la boxe. Avant sa nomination à Matignon, l’ex-maire du Havre allait trois fois par semaine croiser le gant dans une salle d’entraînement de sa ville. Est-il en train de mettre une belle droite à son organisme HLM ? Alcéane, premier bailleur de la communauté d’agglomération havraise, risque d’être K.-O. dès 2018… Un comble pour cet organisme plus que centenaire et né dans la ville de Jules Siegfried, le père du logement social.
La loi de finances pour 2018 prévoit à son article 52 que les bailleurs sociaux devront baisser leurs loyers à concurrence de 50 à 100 euros par mois, pour compenser la diminution de l’aide personnalisée au logement (APL). Si l’opération est indolore pour les locataires, elle ne l’est pas pour les bailleurs. Ces derniers vont perdre 1,7 milliard d’euros, soit 8 % de leurs loyers. Résultat, cette ponction va mettre à mal nombre d’organismes HLM : 120 offices publics et 80 entreprises sociales de l’habitat des organismes privés seront en déficit dès 2018.
« Uppercut »
C’est le cas d’Alcéane. « Cette annonce a fait l’effet d’un uppercut », explique Jean-Pierre Niot, son directeur, qui a bien sûr « sensibilisé le premier ministre à cette situation », jusque-là sans succès.
Car la situation financière d’Alcéane risque de ne tenir qu’à un fil. L’organisme est à la tête d’un patrimoine de 15 000 logements bâtis entre les années 1950 et 1970. Ils ont bien besoin d’être rénovés. De plus, ils ne sont plus exonérés de taxe foncière, l’avantage s’éteignant après trente ans… Sept pour cent de ces logements sont vides, obligeant le bailleur à passer des annonces sur Leboncoin pour les remplir. Le marché havrais n’est pas tendu. Mais, surtout, ses locataires sont modestes : 58 % touchent une APL, un taux parmi les plus élevés du secteur. C’est là toute l’injustice de la mesure : elle pénalise d’autant plus les organismes les plus sociaux, accueillant une population modeste (sur le plan national, 50 % des locataires sont dits « APLisés »).
Pour Alcéane, la ponction est évaluée à 6 millions d’euros, réduisant son bénéfice à zéro voire à – 500 000 euros. Dans ces conditions, plus question d’investir, de rénover, encore moins de construire. M. Niot réfléchit aux ressources alternatives. Imposer un surloyer à ses locataires ? « Cela représente 0,3 % de nos recettes ! » Vendre plus ? « Pas facile, ce sont des appartements et non des maisons, donc pas évidents à céder. » Ne plus rembourser les emprunts dont les annuités s’élèvent à 22 millions d’euros ? « On n’en est pas là, rassure M. Niot. Je suis certain que le bon sens va l’emporter, cette mesure ne sera pas adoptée telle quelle, c’est une tactique pour secouer la profession qui en a besoin. »
Le K.-O. final n’est pas encore prononcé, mais le compte à rebours est déclenché, le budget logement pour 2018 sera voté en première lecture le 2 novembre à l’Assemblée nationale.