LES CHOIX DE LA MATINALE

Une passionnante histoire du siège de Sarajevo portée au théâtre, de la musique baroque à Versailles et à Dijon, du tulle et des tutus à Bobino, du rock-rap anti-Trump au Zénith : retrouvez nos choix de sorties du week-end.

THÉÂTRE. Une passionnante histoire du siège de Sarajevo, à Ivry-sur-Seine

Ce fut l’un des événements du Festival d’Avignon : la création de Memories of Sarajevo, un spectacle du Birgit Ensemble, une compagnie fondée par Julie Bertin et Jade Herbulot. Ces deux filles formidables, qui appartiennent à la génération née au moment où le mur de Berlin est tombé, sont passionnées par la scène politique et les enjeux économiques. En 2015, elles se sont lancées dans un vaste projet : comprendre pourquoi l’Union européenne en est arrivée à susciter une colère et une déception qu’elles partagent, mais à laquelle elles ne s’arrêtent pas.

Après avoir fait un spectacle sur la partition de Berlin, Berliner Mauer : vestiges (en 2015), et un autre sur le passage à l’an 2000, Pour un prélude, elles se sont plongées, avec leurs camarades du Birgit Ensemble, dans l’histoire de la crise yougoslave, qui a éclaté en 1991. Nourri d’un long travail de recherches, d’archives, de voyages et de rencontres, Memories of Sarajevo n’est pas pour autant du théâtre documentaire, mais du théâtre documenté, qui fait entrer les spectateurs dans le jeu de la représentation.

Les quatorze acteurs du Birgit Ensemble déroulent l’histoire du siège de Sarajevo, en suivant la chronologie, du 6 avril 1992 au 29 février 1996, et en délaissant les faits de guerre, qui sont souvent les premiers mis en avant dans les documentaires. Brigitte Salino

« Memories of Sarajevo », par le Birgit Ensemble. Manufacture des Œillets, 1, place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Tél. : 01-43-90-49-49. Les 11 et 12 novembre à 16 heures. Tarifs : de 7 € à 24 €.

CONTE ET MUSIQUE. Un quintette inédit sur les traces de Shéhérazade, à Chevilly-Larue

« Les 1001 », création artistique originale le temps d’une soirée. / THÉÂTRE DE CHEVILLY-LARUE

Dans le cadre de leur programmation commune « Conte en complicité », la Maison du conte et le Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) proposent une soirée inédite intitulée Les 1001, en référence au célèbre recueil anonyme de contes populaires en arabe, Les Mille et Une Nuits.

Réunis sur scène en une originale ZAP (zone artistique partagée), cinq artistes (trois conteuses, un comédien-chanteur-musicien et un musicien) mêlent paroles et musiques pour raconter des récits salvateurs qui ont permis, un jour, à un homme ou à une femme, de rester en vie, à l’image de la princesse Shéhérazade qui a échappé à la mort promise par le sultan Shahryar en lui narrant chaque nuit une histoire sans fin. Une proposition audacieuse et insolite qui va permettre à ces cinq artistes venus d’horizons variés de mêler, le temps d’une unique représentation, leurs imaginaires et de tisser des liens entre mots et notes, rythmes et sons. Cristina Marino

« Les 1001 », zone artistique partagée avec Abdelwaheb Sefsaf (récit, chant et musique), Florence Desnouveaux, Catherine Gaillard, Praline Gay-Para (récit) et Georges Baux (musique). Théâtre André Malraux, 102, avenue du Général de Gaulle, Chevilly-Larue (Val-de-Marne). Tél. : 01-41-80-69-60. Le 10 novembre à 20 heures. Tarifs : de 6 € à 19 €.

CONCERTS. Musique baroque entre père et fils, à Versailles et à Dijon

Les ténors père et fils, Christoph et Julian Prégardien. / MARCO BORGGREVE

Quarante ans après sa légendaire production d’Orfeo, de Monteverdi, l’ensemble instrumental belge Anima Eterna Brugge et son chef claveciniste, Jos Van Immerseel, proposent un récital consacré au compositeur italien dont on célèbre en 2017 les 450 ans de la naissance à Crémone.

Dans cette musique au fort pouvoir expressif et à la virtuosité légère, la voix de ténor se taille souvent la part du lion. Les liens d’affection qui unissent Christoph Prégardien, interprète « historique » du mouvement baroque, et son fils Julian, l’un des jeunes les plus cotés dans ce répertoire, devraient donner au concert un surcroît d’émotion, que ce soit dans les confrontations entre Orphée et son père Apollon (Orfeo), entre Ulysse et son fils Télémaque (Il Ritorno d’Ulisse in Patria), ou dans de poignants lamentos, sans oublier le fameux Combattimento di Tancredi e Clorinda, auquel la Norvégienne Marianne Beate Kielland accordera également son beau mezzo expressif. Marie-Aude Roux

Château de Versailles, Salon d’Hercule, à Versailles (Yvelines). Tél. : 01-30-83-78-89. Le 10 novembre à 20 h 30. Tarifs : de 45 € à 120 €. Opéra de Dijon, Auditorium, à Dijon (Côte-d’Or). Tél. : 03-80-48-82-82. Le 12 novembre à 15 heures. Tarifs : de 5 € à 44 €.

SPECTACLE. Rock et récit de vie autour du King à La Ferme du Bonheur, à Nanterre

« Elvis Is Not Dad ! », un spectacle d’Anthony Quenet entre récit d’enfance et rock. / LA FERME DU BONHEUR / CETTE CIE-LÀ

Fondée durant l’hiver 1992 par l’artiste Roger des Prés, La Ferme du Bonheur est, un peu à l’image de son créateur touche-à-tout ‒ à la fois comédien, metteur en scène et ancien acteur de la scène dite « rock alternative » des années 1980. Un endroit à part dans le paysage culturel français, une « zone franche » ouverte à tous les publics et à une multitude de disciplines artistiques (théâtre, musique, danse cinéma, arts plastiques) et autres (gastronomie, agriculture expérimentale, recherche scientifique, action sociale, pédagogie et formation).

On y trouve pêle-mêle des installations pour les spectacles, notamment le « favela-théâtre », une structure auto-construite en matériaux de récupération, transparente et ouvrable, et la salle de restaurant, ancien bal forain démontable, modulable pour les bals et les concerts classiques ; des ateliers de construction de costumes et de décors ; des bâtiments agricoles (pigeonnier, bergerie, porcherie, basse-cour, étable, écurie, etc.) ; des plantations avec des jardins ornementaux, un verger, un potager, une serre horticole.

Rien d’étonnant à ce que ce lieu hors du commun accueille des artistes hors norme, sous la houlette de Pierre-Vincent Chapus, auteur et metteur en scène, premier « artiste associé » en 2017. Ainsi Anthony Quenet propose, au terme de dix jours de résidence d’écriture, sept représentations de son spectacle, Elvis Is Not Dad !, qui mêle le récit de son enfance en Bretagne avec un père alcoolique et la figure du père du rock’n’roll, Elvis Presley. C. Mo.

« Elvis Is Not Dad ! », par Cette Cie-Là, avec Pierre-Vincent Chapus, Jean-Paul Mura et Anthony Quenet. La Ferme du Bonheur, 220, avenue de la République, Nanterre (Hauts-de-Seine). Tél. : 01-47-24-51-24. Les 10, 11 et 12 puis les 16, 17, 18 et 19 novembre à 20 h 30. Tarifs : 6 € et 10 €.

COMÉDIE CHORÉGRAPHIQUE. Du tulle et des tutus à Bobino, à Paris

« Tutu », des Chicos Mambo revient à Bobino, jusqu’au 14 janvier 2018. / MICHEL CAVALCA BD

Du tulle et des tutus en veux-tu, en voilà ! Tutu, le bien nommé, est de retour à Bobino pour la fin de l’année ! Avec cette production flamboyante, créée en 2014 pour fêter les vingt ans de sa compagnie, les Chicos Mambo, le chorégraphe Philippe Lafeuille s’est bien amusé. Jamais on n’a vu autant de tutus en tous genres et de toutes les longueurs et couleurs sur un plateau. En chapeau, faux cul ou collants, le tutu s’offre un défilé déluré, formidablement assumé par les six danseurs de la troupe.

Dans cette comédie chorégraphique qui se moque des codes de la danse et du show en les connaissant sur le bout du chausson, du ballet classique à Pina Bausch, l’humour bon enfant l’emporte, ce qui n’est pas si facile surtout en dansant. Sans make up, ni faux cils, la bande d’hommes en tutu abat une vingtaine de tableaux tambour battant et une heure chrono. La devise de Philippe Lafeuille est « moins de bla-bla, plus de tralala ! ». Et beaucoup, beaucoup de couches de tulle. Rosita Boisseau

« Tutu », des Chicos Mambo. Bobino, 20, rue de la Gaîté, Paris 14e. Jusqu’au 14 janvier 2018. Les 10 et 11 novembre à 19 heures. Tarifs : de 22 € à 52 €.

MUSIQUE. Rock et rap anti-Trump avec Prophets of Rage, à Paris

Prophets of Rage - Prophets Of Rage (Official Video)
Durée : 03:30

Formé par des figures mythiques du rap – Chuck D et DJ Lord de Public Enemy, B-Real de Cypress Hill – et du rock contestataires – Tom Morello, Tim Commerford et Brad Wilk des Rage Against the Machine –, le « supergroupe » des Prophets of Rage a été conçu en réaction à la campagne présidentielle aux Etats-Unis.

Une fureur politique et musicale exprimée dans un premier album, Prophets of Rage, et dans une tournée mondiale baptisée « Make America Rage Again », en opposition au slogan de Donald Trump, « Make America Great Again ». Stéphane Davet

Prophets of Rage au Zénith, 211, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Tél. : 01-42-08-60-00. Le 11 novembre à 21 heures. Tarifs : de 56,50 € à 67,50 €.

MIME. Nuit du Geste pour ouvrir la 2e Biennale des arts du mime et du geste, à Bagneux

Pour sa deuxième édition, la Biennale des arts du mime et du geste, qui se tient dans 21 villes en France, du 8 novembre au 17 décembre, s’offre une soirée d’ouverture digne de ce nom, avec une Nuit du Geste, qui mènera les spectateurs « de l’apéro au premier métro ».

Au Théâtre Victor Hugo, à Bagneux, de 20 h 30 à 5 heures du matin, une cinquantaine d’artistes, représentatifs du renouveau du mime et du théâtre gestuel, enchaîneront les numéros à la fois sur scène mais aussi dans le hall, les escaliers, le bar du théâtre, et même à l’extérieur. Le tout sans parole mais en musique avec les clowns DJ T-T. C. Mo.

La Nuit du Geste, au Théâtre Victor Hugo, 14, avenue Victor Hugo, Bagneux (Hauts-de-Seine). Tél. : 01-46-63-96-66. Le 10 novembre de 20 h 30 à l’aube. Tarif unique : 12,60 €.

DANSE. « Roméo et Juliette », revisité par Angelin Preljocaj, à Montigny-le-Bretonneux

« Roméo et Juliette », d’Angelin Preljocaj. / JEAN-CLAUDE CARBONNE

Toujours en tournée et toujours d’attaque, la version puissante de Roméo et Juliette imaginée en 1990 par le chorégraphe Angelin Preljocaj se pose avec solidité sur scène. Sur la musique de Prokofiev, dans les décors et costumes d’Enki Bilal, ce monument prend ici un ton politique plus acéré. Sous influence du roman 1984, de George Orwell, Preljocaj a planté l’action dans un pays totalitaire où deux familles, l’une de nantis et l’autre de homeless, vont s’affronter à cause des deux amoureux.

Cette vision très sombre de Roméo et Juliette, avec haute surveillance et coups de matraque pour réduire à néant les opposants, profite de la gestuelle tranchante et dynamique de Preljocaj qui sait aussi merveilleusement écrire des duos amoureux très sensuels. L’érotisme et l’héroïsme font toujours joliment cause commune chez lui.

Avec vingt-quatre danseurs sur le plateau, cette relecture parfaitement ajustée d’une histoire d’amour qui finit mal plonge dans un bain revigorant le scénario familial pour en aiguiser le propos politique et social tragique. R. Bu

« Roméo et Juliette », d’Angelin Preljocaj. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, place Georges Pompidou, Montigny-le-Bretonneux (Yvelines). Les 10 et 11 novembre à 20 h 30, le 12 novembre à 16 heures. Tarifs : de 14 € à 29 €.