Benzema, Riner, XV de France : rengainer n’est pas jouer
Benzema, Riner, XV de France : rengainer n’est pas jouer
Par Erwan Le Duc
Les déclarations entendues samedi et dimanche dans les studios télé ou au bord des terrains de sport ont comme un air de déjà-dit.
Karim Benzema, tout seul. / CANAL+
« Rengaine » : nom féminin désignant un refrain populaire, une chanson à succès qui peut lasser à force d’être ressassée (définition A). Exemple : Teddy Riner est devenu champion du monde de judo, samedi 11 novembre. Pour la dixième fois de suite. Une performance colossale, évidemment, fatalement, et qui procure « beaucoup d’émotions, énormément de joie, beaucoup de fierté » à celui qui se félicite d’avoir rappelé que « le patron, c’est moi ! »
Que celui qui en doutait lève le doigt, même le petit. « Je suis très content de marquer un peu l’histoire de mon sport, même si je l’avais déjà fait avant. Mais la dixième [médaille d’or], c’est quelque chose de symbolique, c’est les dix doigts, les deux mains, c’est rejoindre aussi au panthéon Rafael Nadal ou le Real Madrid, les grands noms du sport », a encore dit le judoka, jamais rassasié, et qui n’a plus perdu un combat depuis le 13 septembre 2010, il y a plus de sept ans.
« Rengaine » : nom, toujours féminin, désignant aussi une formule ou un propos banal, répété à satiété (définition B), et qui n’a plus grand-chose à voir avec un succès qui ennuie à force d’être un succès. Exemple 1 : Karim Benzema trouve que c’est trop injuste. Dans une opération de communication aussi longue que monothématique, avec un passage sur le plateau du « Canal football club » suivi de la diffusion d’un documentaire, soit une présence cathodique en quasi continu de 19 h 40 à 23 heures, « monsieur K » a répété qu’il ne comprenait pas, qu’il ne voyait pas, qu’il n’était pas comme ça, alors que Didier Deschamps…
« Tant que Didier Deschamps sera le sélectionneur, je n’aurai pas la chance de retourner en équipe de France », a donc répété l’attaquant du Real Madrid, non retenu en bleu depuis octobre 2015 et le début de l’affaire du chantage à la « sextape » à l’égard de son coéquipier Mathieu Valbuena, pour laquelle il est mis en examen. Avec le sélectionneur, « il n’y a pas de discussion, c’est au point mort ». « Je l’ai eu au téléphone avant l’Euro et il n’y a pas eu d’explication. Comme il m’a montré du respect et après il m’a tourné le dos, c’est blessant », a aussi répété Karim Benzema, qui n’a pas oublié de répéter qu’il avait toujours « envie de gagner quelque chose avec [s]on pays ».
Petite nouveauté, qu’il avait peut-être répétée en coulisse avec ses conseillers, il est revenu sur l’analyse qu’il fit de sa non-sélection à l’Euro 2016, lorsqu’il avait déclaré dans une interview au quotidien espagnol Marca que Didier Deschamps avait « cédé à une partie raciste de la France ». Selon lui, cette phrase « a été mal comprise, c’était un contexte différent ». « Je suis obligé de dire une telle phrase, quand on entend le président [de la Fédération française de football] Noël Le Graët dire qu’il reçoit des tonnes de lettres à mon égard avec des propos racistes, et après dans une interview, il dit : “Vous voulez que je dise quoi, à mort l’Arabe ?” Je peux me poser des questions, quand même ! Ensuite, tout s’est mélangé, on a oublié le sportif. » Interrogé sur la mauvaise influence qu’il pourrait avoir sur ses jeunes coéquipiers, le jeune homme a bondi : « C’est pas possible, je ne suis pas un perturbateur, ça me rend fou ! »
Une situation kafkaïenne, et donc un peu répétitive, voilà qui doit également parler à Guy Novès. Car, exemple 2 : le XV de France a pris une dérouillée lors d’un match contre une équipe de l’hémisphère Sud, en l’occurrence les All Blacks de Nouvelle-Zélande (18-38, 5-31 à la mi-temps), samedi à Saint-Denis. Un XV de France qui fait le désespoir de ses entraîneurs, dont on pourrait copier-coller les analyses post-défaites.
« On s’était préparé pour livrer un grand match. Ça ne s’est pas passé. » (Guy Novès, sélectionneur national) « Pour moi, les joueurs n’ont pas triché, ont respecté le maillot de l’équipe de France. Mais il y a eu des erreurs individuelles pas acceptables. » (Yannick Bru, entraîneur des avants) « Une rengaine, c’est un air qui commence par vous entrer par une oreille et qui finit par vous sortir par les yeux. » (Raymond Devos, entraînant). « Toutes les idées, toutes les phrases, toutes les discussions, toutes les croyances sont des rengaines. » (Guy de Maupassant, All Black).
Raymond Devos : "Parler pour ne rien dire"
Durée : 02:36