Le parti au pouvoir au Zimbabwe, la ZANU-PF, tient son congrès, vendredi 15 décembre, sous la présidence du nouvel homme fort du pays, Emmerson Mnangagwa, qui veut profiter de la réunion pour consolider son autorité, trois semaines après la chute de Robert Mugabe. Ce dernier, qui semblait indéboulonnable après trente-sept années passées à la tête du pays, a démissionné le 21 novembre après un coup de force militaire. Mais son parti détient toujours le pouvoir. En déplacement à Singapour pour un contrôle médical, M. Mugabe ne participera pas à ce congrès.

M. Mnangagwa, qui a remplacé le nonagénaire à la tête de l’Etat, est un pur produit de la ZANU-PF. Ancien ministre et vice-président, il n’était que récemment tombé en disgrâce aux yeux du couple Mugabe. Pour la très ambitieuse première dame, Grace, il était devenu un concurrent pour la succession à son mari. Et c’est précisément pour barrer la route à Grace Mugabe que l’armée est intervenue, mi-novembre, avec le soutien de la population et des caciques de la ZANU-PF.

« Le triomphe des Lacoste sur le G40 »

Le « principal objectif » du congrès à Hararé est « d’approuver » M. Mnangagwa au poste de président du parti et de confirmer son statut de « seul candidat présidentiel » de la ZANU-PF pour les élections générales de 2018, a expliqué à l’AFP son porte-parole, Simon Khaya Moyo. Lors de la crise de novembre, le comité central du parti avait en urgence nommé M. Mnangagwa à sa tête, après avoir précipitamment lâché le « camarade Bob ». L’adoubement, vendredi, par le congrès de M. Mnangagwa, surnommé le « crocodile », devrait être une pure formalité.

Le congrès doit lui permettre d’asseoir son autorité sur l’appareil d’un mouvement qui se déchirait entre deux factions : les partisans de Mme Mugabe, surnommés le G40 pour Génération 40, et ceux de M. Mnangagwa, surnommés les Lacoste. « Le congrès va entériner le triomphe des Lacoste sur le G40 », prédit à l’AFP Takavafira Zhou, professeur de sciences politiques à l’université d’Etat de Masvingo. Il doit aussi permettre de « créer une base pour voler de nouveau les élections », accuse-t-il, alors que les scrutins de l’ère Mugabe ont été largement entachés de fraudes et de violences contre des militants de l’opposition.

Le congrès va également être l’occasion de « réintégrer les anciens combattants dans la structure du parti », selon M. Zhou. La puissante organisation des « anciens » de la guerre d’indépendance a joué un rôle déterminant dans la récente crise en lâchant l’ancien président qu’elle avait jusque-là soutenu. « On va voir, dans les structures de la ZANU-PF, plus de gens avec une expérience militaire et des anciens combattants », assure M. Zhou.

« Un fin vernis sur une junte militaire »

Jeudi, M. Mnangagwa a assuré devant son parti que le gouvernement « ferait tout son possible pour que les élections soient crédibles, justes et libres ». Il a aussi appelé le parti à l’unité. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’être divisés » alors que la priorité est de relancer une économie moribonde depuis plus d’une décennie, a-t-il déclaré. « Nous n’accepterons plus la corruption qu’on a observée ces dernières années dans notre pays », a-t-il enfin promis.

Les nominations dans l’état-major de la ZANU-PF auxquelles doit procéder M. Mnangagwa seront observées à la loupe. Il pourrait notamment s’entourer de militaires, comme il l’a fait au gouvernement, où il a choisi des généraux pour les ministères des affaires étrangères et de l’agriculture. « Beaucoup de gens considèrent ce gouvernement comme un fin vernis sur une junte militaire, la question est de savoir si le vernis va être plus mince ou plus épais », a résumé à l’AFP l’avocat et opposant David Coltart.

L’armée a déjà reçu un cadeau très apprécié à l’approche de Noël. Comme la plupart des fonctionnaires, ses soldats vont être payés d’ici au 21 décembre, une première en trois ans selon le quotidien d’Etat The Herald. Ces derniers mois, l’Etat, faute de liquidités, était régulièrement en retard dans le versement des salaires.