Quelle sera l’efficacité du Grand Paris Express ?
Quelle sera l’efficacité du Grand Paris Express ?
Par Jean-Pierre Gonguet
Les mystères du Grand Paris 1/10. Le réseau Grand Paris Express doit décongestionner les transports, mieux faire correspondre offre et demande d’emploi... et convaincre les Franciliens de son efficience.
Les premiers tunneliers du Grand Paris Express seront mis en service début 2018. / HERRENKNECHT AG
Entre Roissy et Paris, l’autoroute A1 est impraticable à huit heures du matin. Plus on se rapproche du goulot d’étranglement de la porte de la Chapelle, moins on avance. Mais comme on roule quand même, il ne s’agit, selon le diagnostic de la Direction de l’Equipement d’Ile-de-France, que d’une « congestion aiguë en heure de pointe du matin ». En revanche, en 2030, si rien n’est fait, la même Direction est intensément pessimiste. Toutes ses modélisations montrent « une saturation généralisée du réseau routier magistral », soit les autoroutes et les nationales de l’Ile-de-France. L’embolie est programmée.
Le nord-est de Paris n’est certainement pas le seul territoire guetté par la congestion. Mais l’A1 et le RER B sont les deux voies d’accès majeures à Paris, tandis que les aéroports de Roissy et du Bourget tissent les liens économiques et touristiques de la région capitale avec la planète. Plusieurs projets visent à décongestionner cet axe vital pour l’économie francilienne : la future ligne 17 du Grand Paris Express entre Roissy et Saint-Denis Pleyel ; le prochain train express entre l’aéroport Charles de Gaulle et la gare de l’Est ; la rénovation du RER B. Mais seront-ils suffisants ?
Fluidifier le marché du travail
L’objectif majeur du Grand Paris Express est de fluidifier le marché du travail en Ile-de-France, en rapprochant offre et demande d’emploi. Chaque jour, selon Ile-de-France Mobilités, 8,1 millions de voyages sont effectués dans les transports en commun, et près de 20 millions en voiture. Si le Grand Paris Express n’est pas terminé d’ici 2030, la Société du Grand Paris (SGP), qui gère le Grand Paris Express, estime qu’il y aura 8,7 millions de voyages par jour en transports en commun et 20,8 millions en voiture. Paris sera engorgé.
Mais revenons un peu en arrière. En 2014, la Société du Grand Paris calculait qu’avec la réalisation de l’ensemble du métro automatique en 2030, les transports en commun seraient plus attractifs, avec une prévision de 9,3 millions de voyages par jours, mais toujours 20,7 millions de trajets en voitures. Un léger mieux donc, mais pas un bouleversement : dans cette prévision, seuls 300 000 automobilistes se détourneraient vers les transports en commun.
Depuis, le vent a légèrement tourné. Les enquêtes transport d’Ile-de-France Mobilités laissent apparaître un changement de paradigme : avec la baisse des titulaires du permis B, la montée en puissance du covoiturage et du vélo ainsi que le désintérêt de plus en plus marqué des Parisiens pour la voiture, l’utilisation de la voiture individuelle commence à baisser en Ile-de-France. A Paris d’abord : depuis 1990, la mobilité individuelle en voiture des Parisiens a chuté de 45 %. Entre 2001 et 2010, la chute a même été spectaculaire, avec une baisse 36 % en neuf ans. En petite couronne, la progression constante de l’utilisation de la voiture s’est arrêtée.
Des prévisions de trajets en hausse
En 2017, la SGP a donc révisé à la hausse ses prévisions, et caresse désormais la perspective des 11 millions de voyages par jour en 2030. Hypothèse jugée « crédible » par le Conseil régional d’Ile-de-France, peut-être même un peu « sous-estimée ». Avec un bémol de taille car, même dans ce cas, l’usage de la voiture ne semble pas diminuer significativement.
Le défi principal n’est donc pas de savoir s’il faut construire ou non le Grand Paris Express en entier. Il est de convaincre les Franciliens que dans de nombreux cas, le mode de déplacement le plus efficient n’est pas la voiture, mais le réseau ferré. La Région a déjà tranché sur cette question, en adoptant en 2013 un schéma directeur de l’Ile-de-France qui limite tous les nouveaux projets de routes.
Si le Grand Paris Express vise en priorité à décongestionner les transports, il a une autre ambition : mieux faire correspondre offre et demande d’emploi. Le préfet Paul Delouvrier avait déjà conçu dans les années 60 le RER et les villes nouvelles en cherchant cet appariement.
Gagnantes : les communes les plus peuplées et les plus pauvres
L’efficacité sociale du Grand Paris Express et ses 200 kilomètres de lignes automatisées est donc au cœur du débat. Pierre Kopp, enseignant-chercheur en économie à Paris-I, a voulu connaître les gains de temps dans toutes les communes franciliennes avec le Grand Paris Express. Conclusion : pour les habitants de 333 communes, le Grand Paris Express n’aura pas d’impact sur leur temps d’accès à la capitale. En revanche, dans 390 autres communes, le temps de transport diminuera. Or les communes gagnantes étant de loin les plus peuplées (8,1 millions de personnes contre 3,3 pour les autres), l’avantage est d’autant plus fort.
Surtout, en travaillant sur les catégories sociales concernées, l’économiste montre qu’avec ces nouvelles lignes, les gains de temps seront plus importants dans les communes les plus pauvres. Si on considère, par exemple, les 35 communes où les gains de temps sont le plus importants, on s’aperçoit 42,7 % d’entre elles sont des communes « pauvres ». « L’infrastructure du Grand Paris Express est socialement progressive, car elle a un impact réel sur les transports en commun du plus grand nombre. Les communes pauvres sont celles qui y gagneront le plus, et elles sont mieux servies que les plus riches. » Reste à en convaincre les automobilistes.
Cet article fait partie d’une série de dix chroniques sur le Grand Paris Express, qui seront publiées sur la chaîne Smart Cities du Monde.