L’avenir de l’Airbus A380 suspendu à une commande d’Emirates
L’avenir de l’Airbus A380 suspendu à une commande d’Emirates
LE MONDE ECONOMIE
Faute de nouveaux clients, l’avionneur européen envisage d’arrêter la production de son très gros porteur long-courrier.
L’A380 est le (gros) caillou dans la chaussure d’Airbus. En 2017, l’avionneur européen n’a enregistré aucune nouvelle commande de son très gros porteur long-courrier. Faute de client, il s’est désormais fait à l’idée d’abandonner la production de son super-jumbo. Il espère toujours une commande de la dernière chance. Elle pourrait venir d’Emirates.
La compagnie de Dubaï est le plus important client du gros-porteur d’Airbus, avec 144 exemplaires commandés et déjà 103 livrés. « Très honnêtement, si nous n’arrivons pas à un accord avec Emirates […], il n’y aura pas d’autre choix que d’arrêter le programme », a affirmé John Leahy, le directeur commercial d’Airbus, lundi 15 janvier. Des propos jugés « un peu crus », mais confirmés par Fabrice Brégier, le numéro deux du groupe.
Emirates est encore en discussion avec Airbus pour une commande éventuelle « d’une trentaine d’A380 », fait-on savoir du côté du constructeur. Une décision devrait être prise dans les prochaines semaines.
« Garanties » exigées
La compagnie de Dubaï ne souhaite pas s’engager à la légère. Un A380 est commercialisé 440 millions de dollars (près de 360 millions d’euros). In fine, Emirates pourrait donc avoir à débourser 13,2 milliards de dollars. Avant de conclure un accord, elle réclame des « garanties », notamment sur le maintien du programme dans la durée. Il n’empêche, même si cette commande de la dernière chance se concrétisait, l’avenir du super-jumbo resterait fragile. Son destin se trouverait encore un peu plus entre les seules mains d’Emirates.
Depuis ses débuts commerciaux, en 2000, l’A380 n’a jamais répondu aux espoirs placés en lui. Comme s’il avait été construit trop tôt. A l’origine, Airbus misait dans ses prévisions sur un marché de 1 400 très gros-porteurs entre 2000 et 2020, avec pour seul concurrent la version longue du 747 de Boeing. Las ! L’avionneur n’a vendu jusqu’à présent que trois cent dix-sept A380, son rival américain n’ayant écoulé qu’une cinquantaine d’exemplaires de son très gros-porteur.
Dès sa conception, Airbus destinait son super-jumbo « aux marchés à forte croissance ». Capable d’emporter jusqu’à 800 passagers, l’A380 devait s’imposer comme la solution idéale pour soulager « des hubs parvenus à saturation ».
Une erreur d’analyse. Aux très gros-porteurs capables d’alimenter le trafic des passagers en correspondance des grands aéroports, les compagnies aériennes ont préféré, pour l’instant, des avions long-courriers de moindre capacité, mais moins onéreux. La crise économique survenue en 2008, au moment où démarrait véritablement la commercialisation de l’A380, a surtout permis le développement des compagnies à bas coûts.
Un avion à risque
En pratique, l’appareil est considéré comme un avion à risque. Avant de l’acquérir, les compagnies doivent s’assurer de pouvoir le remplir toute l’année. De plus, tous les aéroports ne possèdent pas les infrastructures pour l’accueillir. Certaines des premières compagnies clientes de l’A380, telles Singapore Airlines ou l’australienne Qantas, ont déjà annoncé qu’elles ne commanderaient pas de nouveaux exemplaires.
Toutefois, l’horizon de l’A380 n’est pas totalement bouché. L’appareil a pour principal atout d’être l’avion préféré des passagers. Il contribue au prestige des grandes compagnies, qui se doivent d’en posséder quelques exemplaires pour satisfaire leurs clients. Enfin, Airbus nourrit encore le fol espoir que la Chine se décide enfin à en commander, notamment pour capter la croissance du trafic à l’international, qui échappe encore à ses compagnies nationales.
Lors de la visite à Pékin du président Macron, les discussions portaient sur un contrat incluant aussi des commandes d’A380. Pour sauver son navire amiral, Airbus, qui a déjà investi près de 15 milliards d’euros, devra peut-être en passer par la mise au point d’une version Neo. Un surcoût d’environ deux milliards d’euros, que l’avionneur est prêt à assumer si les commandes sont à la hauteur.