Dans l’Aude, des villages solidaires des agriculteurs en colère se mettent aux enchères
Dans l’Aude, des villages solidaires des agriculteurs en colère se mettent aux enchères
Le Monde.fr avec AFP
Entre dérision et défaitisme, les annonceurs constatent les conséquences du déclassement possibles de leurs terres situées en zones défavorisées.
Manifestation d’agriculteurs contre la modification de la carte des zones défavorisées, le 12 février. / GUILLAUME SOUVANT / AFP
A vendre « village pittoresque », « entre mer et montagne », évidemment « fort sympathique ». Par solidarité avec leurs agriculteurs en colère, des communes du secteur de La Piège (Aude) se sont symboliquement mises en vente sur le site Le Bon Coin.
Saint-Julien de Briola, Fanjeaux, Orsans, Saint-Amans, Laurac, Ribouisse, Generville, Villautou Fanjeaux, Lacassaigne... autant de villages audois mis aux enchères pour protester contre l’exclusion possible de leurs éleveurs de la carte des zones défavorisées, dont la réforme est actuellement en discussion.
Cette vente, qui ne donne aucun prix, fait « suite à une série de décisions injustes », « à l’abandon du monde rural par l’État et à la surdité du ministère de l’agriculture », peut-on lire notamment sur les petites annonces. Pour tout renseignement, « l’acheteur » est d’ailleurs invité à s’adresser au ministre de l’agriculture en personne, Stéphane Travert.
Entre dérision et défaitisme, les annonceurs mettent en exergue les qualités de tous les villages, mais constatent surtout les conséquences du déclassement possibles de leurs terres, privant les exploitants de l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels.
Refonte demandée par l’UE
Tous ces villages de l’Aude ne sont pas les seuls à afficher leur mécontentement concernant la modification de la carte des « zones défavorisées ». Cette carte, qui date de 1976, détermine le versement de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) hors montagne, qui permet de compléter les revenus des agriculteurs dont l’exploitation se situe dans une zone où les conditions naturelles sont difficiles.
Sa refonte, appelée à entrer en vigueur en 2019, répond à une demande de l’UE qui a appelé ses Etats membres à revoir les critères de définition des zones soumises à contraintes afin de parvenir à des découpages plus homogènes d’un pays à l’autre. La nouvelle carte, qui devait être présentée initialement cette semaine, ne sera finalement dévoilée par le gouvernement d’Edouard Philippe qu’après validation par la Commission européenne, début mars.
5 000 sortants
Selon le projet de carte proposé le 9 février par le ministère, le nombre de bénéficiaires de l’ICHN passe d’environ 52 500 aujourd’hui à près de 60 000 au 1er janvier 2019, soit une augmentation de 13 %. Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a lui fait état cette semaine d’environ 5 000 sortants pour 10 000 entrants.
Pour les territoires « sortants », Emmanuel Macron a assuré fin janvier lors des ses vœux au monde agricole que des mesures d’accompagnement seraient prises pendant deux ans. Malgré ces assurances, les agriculteurs ne désarment pas et ont poursuivi cette semaine leur action coup-de-poing, notamment avec des barrages filtrants.
Pour calmer leur colère, Emmanuel Macron doit recevoir jeudi un millier de jeunes agriculteurs à l’Elysée, deux jours avant l’ouverture du Salon de l’agriculture. « Il s’agit d’envoyer un signal fort : montrer que l’agriculture fait partie des priorités du président », a fait savoir l’entourage du président.