TV – Les vérités de Winnie Mandela
TV – Les vérités de Winnie Mandela
Par Joan Tilouine
A voir aussi ce soir. L’égérie controversée de la lutte anti-apartheid revisite son histoire dans un film qui l’érige en mythe (sur Arte à 23 h 40).
Le 11 février 1990, devant les caméras du monde entier, Nelson Mandela fait ses premiers pas d’homme libre après vingt-sept ans, six mois et six jours de prison. A son côté, Winnie, son épouse, qu’il connaît à peine. Durant tout le temps passé en détention, cette figure des townships, indomptable, a dénoncé le régime blanc et raciste, l’a combattu par la parole, les manifestations et les actes de sabotage. Puis par les armes qu’elle faisait entrer clandestinement en Afrique du Sud pour le compte de la branche militaire du Congrès national africain (ANC). Ce 11 février, Nelson et Winnie Mandela, fiers et patriciens, avancent d’un pas lent. Le couple le plus charismatique d’Afrique du Sud ne tiendra pourtant pas. Madiba divorcera six ans plus tard et Winnie sera retirée du testament de « Madiba ».
Dans ce documentaire, sorti en 2016, et couronné en 2017 du Prix de la meilleure réalisation – catégorie documentaire étranger – au Festival du film de Sundance, Winnie Mandela, 81 ans, revient sur une vie de combat.
Winnie Mandela lors de son procès pour le meurtre de l’adolescent militant Stompie Seipei en 1991 à Johannesburg. Elle n'a pas été reconnue coupable. / ARTE
Elle revisite cette histoire qu’elle a contribué à écrire, illustrée par des images d’archives ponctuées d’entretiens. Elle, l’égérie controversée de la lutte anti-apartheid qui a fini écartée de l’entourage de Nelson Mandela et discréditée par des caciques de l’ANC, règle aussi des comptes. La Commission vérité et réconciliation (CVR) établie en 1995, elle la considère comme un tribunal partisan et humiliant. La « pasionaria », qui a subi la prison, la brutalité et la torture, le harcèlement, l’espionnage et les complots au sein même de l’ANC, est devenue une paria. Elle se retrouve sur la sellette, accusée d’avoir poignardé ou d’avoir ordonné à ses gardes du corps de tuer, en 1989, un adolescent de 14 ans, Stompie Sepei, soupçonné d’être un informateur de la police. Elle n’a pas pardonné à l’archevêque anglican et Prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, de l’avoir suppliée de s’excuser lors d’une audience de la CVR qu’il présidait.
Ce documentaire est le sien. Ses nombreux détracteurs n’y ont pas la parole. Elle s’explique sans être contredite. Sa fille, son avocat, et d’autres proches viennent consolider sa parole, appuyer sa version et façonner son propre mythe, celui d’une icône tombée en disgrâce et sacrifiée par la politique.
Winnie, de Pascale Lamche (France, Pays-Bas, Afrique du Sud, 2016, 98 min).