JADE LABRUNYE / LE MONDE

Le tatouage fait de plus en plus d’adeptes. Selon un sondage IFOP réalisé en novembre 2016 pour le Syndicat national des artistes tatoueurs auprès de 1 002 personnes, 14 % des Français ont déjà été tatoués. Chez les 18-24 ans, cette proportion atteint même 26 %.

A l’occasion du Mondial du tatouage, qui se tient du vendredi 9 au dimanche 11 mars à la Grande Halle de la Villette, à Paris, retour sur l’histoire de cet art dont les origines sont multiples.

Cet article a été initialement publié dans l’édition « Discover » du Monde sur l’application Snapchat.

  • Ötzi, plus vieux tatoué connu

Vieux de plus de 5 300 ans (il serait né vers − 3 300 avant JC), l’« Homme des glaces », retrouvé en 1991 momifié à la frontière italo-autrichienne, portait 61 tatouages. Il s’agissait essentiellement de traits parallèles, dont la plus grande partie était sur le bas des jambes.

Ötzi a été retrouvé sur le massif de l’Ötzal, en 1991, à 3 200 mètres d’altitude. / ANDREA SOLERO / AFP

Ces tatouages (probablement faits pour soigner l’arthrose dont souffrait Ötzi) étaient faits par incisions, dans lesquelles on frottait du charbon de bois.

  • Le « tatau » polynésien, l’origine du mot

Le tatouage a été pratiqué dans toutes les régions du monde et à toutes les époques. L’origine du mot vient de Polynésie : le tatau y est une pratique ancestrale très importante qui pourrait remonter à − 1 300 ans avant JC.

Dessin d’un chef maori réalisé en 1784 après le premier voyage de l’explorateur britannique James Cook en Nouvelle-Zélande. / Sydney Parkinson

Un rite durant lequel on coloriait sa peau lors des étapes importantes de la vie en utilisant des dents de requin et des os taillés. Il était aussi un marqueur social, car essentiellement pratiqué par les classes supérieures.

  • Au Japon, de l’outil punitif à l’interdiction

Durant l’époque d’Edo (1600-1868), l’irezumi (tatouage japonais) devient synonyme de punition : les criminels sont tatoués de force sur le bras ou sur le front.

Un Japonais exhibe ses tatouages traditionnels faisant référence à l’univers Yakuza, lors du Sanja matsuri à Tokyo en mai 2017. / Fred Dufour / AFP

Malgré son image négative dans la société, l’irezumi se développe et des Japonais se recouvrent tout le corps de dragons, personnages et autres motifs. En 1872, les tatouages seront finalement interdits par le gouvernement. Ils seront à nouveau autorisés à partir de 1948, lors de l’occupation américaine.

  • En Europe, une pratique réappropriée par les marins

Le tatouage est interdit en Europe, en 787, par l’Eglise, car jugé comme un symbole païen. Dans l’Ancien Testament (Lévitique 19:28), on peut lire :

« Vous ne ferez point d’incision dans votre chair pour un mort, et vous n’imprimerez point de figures sur vous. Je suis l’Eternel. »

Le tatouage réapparaîtra cependant au XVIIIe siècle, après que des marins européens de retour de Polynésie s’approprient la pratique.

  • En Russie, un CV criminel sur la peau

Pendant l’Union soviétique (dès 1922), le tatouage devient central dans les prisons et goulags russes. Par un système très codifié, les prisonniers se gravent leur parcours criminel sur la peau.

JADE LABRUNYE / LE MONDE

Les motifs et le nombre de tatouages donnent des indices sur la raison de leur séjour derrière les barreaux et instaurent une sorte de hiérarchie en prison. Les autorités soviétiques ayant commencé à déchiffrer certains symboles à partir des années 1960, le tatouage peut aussi trahir celui qui a la peau encrée.

  • 1891 : invention de la machine à tatouer électrique

Le tatoueur américain Samuel O’Reilly est le premier inventeur d’une machine à tatouer électrique. Il s’inspire du stylo électrique, créé quelques années plus tôt par Thomas Edison, auquel il ajoute des aiguilles et un tube permettant d’insérer de l’encre dans la peau.

Brevet de la première machine à tatouer électronique déposé par Samuel O’Reilly le 8 décembre 1891.

L’apparition du dermographe révolutionne l’art du tatouage, permettant d’aller beaucoup plus vite et de développer de nouvelles techniques.

  • De l’image du mauvais garçon à la pop culture

Si l’art et la technique évoluent, le tatouage reste jusqu’aux années 1980 une pratique underground. Aux Etats-Unis comme en Europe, il est souvent associé aux « mauvais garçons », aux gangs, mais aussi au rock, au punk puis au rap.

Photos du rappeur Lil Wayne en 2008 à Los Angeles et de la chanteuse Amy Winehouse en 2007 aux MTV Movie Awards en Californie. / Kevin Winter - Vince Bucci / AFP

Mais les stars de la musique vont lui donner une image « cool » qui le fera entrer dans la pop culture.

  • La question inévitable de la douleur

Difficile de séparer tatouage et douleur. Mais selon la partie du corps à tatouer, les aiguilles pénétrant la peau peuvent être plus ou moins désagréables.

Echelle de douleur selon la partie du corps tatouée. / PIERRE LECORNU - JADE LABRUNYE / LE MONDE

Si vous êtes sensible, mieux vaut donc éviter de demander un dragon sur le pied.

  • Regrets et détatouage

On peut se lasser de son tatouage ou le trouver gênant dans le monde du travail… L’augmentation du nombre de tatoués s’accompagne donc d’une hausse des détatouages.

Une femme se fait retirer son tatouage au laser dans une clinique de Beverly Hills, aux Etats-Unis, en mai 2016. / DAVID MCNEW / AFP

Le détatouage au laser, pratiqué par les dermatologues, permet de casser les billes d’encre sous la peau. Cela peut être long, douloureux et pas toujours complètement efficace. Il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale.