La promotion de l'Institut de l'engagement, à l’automne 2017, à Paris. / Institut de l'engagement

L’idée aurait émergé aux Antilles. Alors haut-commissaire à la jeunesse, Martin Hirsch y rencontre les premiers volontaires du service civique, qu’il vient de créer en 2010. « J’y avais lancé un programme sur les problématiques de la dengue, se remémore l’actuel patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Une jeune fille m’a brillamment expliqué le cycle du moustique. J’ai cru qu’elle avait un master en biologie. Elle avait à peine le bac ! J’ai réalisé à quel point les jeunes se révélaient par cette expérience. » L’Institut de l’engagement naît de ce constat 2 ans plus tard et aide aujourd’hui 700 jeunes par an à reprendre leurs études, trouver un emploi ou créer leur activité après être passés par une mission d’intérêt général, généralement un service civique. Agés de 16 à 30 ans, ils ont suivi un parcours scolaire souvent heurté.

S’il avait inscrit dans sa loi sur le service civique la valorisation de cet engagement dans l’enseignement supérieur, Martin Hirsch savait déjà qu’il faudrait organiser « l’après ». « On ne pouvait pas laisser ces jeunes retomber à la case départ. » D’où le lancement en 2012 d’un Institut du service civique, rebaptisé en 2015 Institut de l’engagement. « On nous confondait trop souvent avec l’Agence du service civique, explique sa directrice générale, la polytechnicienne Claire de Mazancourt, qui a quitté Météo France pour lancer l’aventure. Mais c’est aussi une façon de parler aux jeunes davantage de leur avenir que de leur passé. Et de nous ouvrir à d’autres formes d’engagement : service volontaire européen, volontariat de solidarité internationale, bénévolats costauds… »

Organisme de droit privé à but non lucratif, financé par du mécénat, l’Institut de l’engagement se distingue ainsi mieux de l’Agence du service civique – groupement d’intérêt public sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale. Plutôt unique en son genre, cette initiative sociale n’opère aucun ciblage préalable sur une population a priori défavorisée.

Ouvrir les cadenas

« Dans notre système français cadenassé, si un jeune rate une marche, ou s’il ne suit pas le parcours tel qu’il est balisé, il risque de rencontrer des barrières pour se construire un avenir à la hauteur de son potentiel », constate Martin Hirsch. L’originalité n’étant pas de décrire les cadenas, mais de dénicher les clés pour les ouvrir. L’Institut de l’engagement accompagne tout type de profil dans tout type de projet, « du bac – 5 au bac + 8, à condition que le projet soit d’avenir », précise Claire de Mazancourt.

Pour devenir « lauréat », chaque jeune doit remplir un dossier de candidature approfondi et passer un entretien avec des représentants de trois univers (académique, associatif et entrepreneurial). L’ambition ? Croiser les regards pour croiser les subjectivités, et tenter de décloisonner le tout. A l’arrivée, la procédure d’admission permet de repérer des jeunes sans discrimination géographique, financière ou scolaire ; d’évaluer un potentiel, un engagement, une motivation sur des critères autres que dans les cadres classiques de l’école et de l’emploi. « Rien de révolutionnaire ou de subversif, tempère Martin Hirsch. Notre parti pris de départ était de se brancher sur l’existant et de l’alimenter vers d’autres types de canaux. » Grands groupes, grandes écoles, grandes ONG aiment la sélection ? L’Institut de l’engagement les rassure car il sélectionne aussi, mais selon des modalités différentes.

« Nos dossiers et nos jurys, hyper-exigeants, sont autant d’assurances de qualité qu’un concours »
Martin Hirsch, ancien haut-commissaire à la jeunesse

Cette année, sur 7 000 dossiers retirés et 3 000 complétés, 2 000 jeunes ont présenté l’oral, pour que soient finalement retenus 700 lauréats.« Nos dossiers et nos jurys, hyper-exigeants, sont autant d’assurances de qualité qu’un concours », affirme Martin Hirsch. Résultat, 300 organismes partenaires acceptent de jouer le jeu, dont 150 établissements d’enseignement supérieur – Sciences Po, écoles d’ingénieurs, de commerce, d’art, du travail social, etc.L’admission à l’Institut de l’engagement vaut admissibilité dans tous ces établissements d’enseignement. « On explique aux écoles que leur concours est très formaté et que nos jeunes n’ont pas cette culture-là. Mais que s’ils entrent, ils sortiront avec le diplôme, explique Claire de Mazancourt. Il est néanmoins essentiel que l’admissibilité ne soit pas une admission. Les établissements doivent avoir envie de voir ces jeunes réussir. »

Dans la pratique, au niveau individuel, tous les lauréats bénéficient d’un accompagnement personnalisé pour travailler chaque étape de leur projet. S’ils cherchent plutôt un emploi, ils ont la possibilité d’organiser des « entretiens métiers » avec les entreprises partenaires de l’Institut de l’engagement. S’ils souhaitent plutôt créer leur activité, on les aidera à dépasser la simple étape de l’idée, en les orientant vers les dispositifs adaptés. Et pour tous, des bourses « coup de pouce » peuvent soulager à des moments-clés.

« Engagez-vous ! »

Reprenant les codes des grandes écoles, le collectif compte aussi énormément : plusieurs « universités de l’engagement » réunissent chaque année les promos de lauréats autour de conférences et ateliers. « Les jeunes constituent leur premier réseau. Qu’ils aient l’ambition de devenir berger ou président de la République, tous se retrouvent dans l’envie d’agir », se félicite Claire de Mazancourt, qui enregistre 90 % de taux de succès dans les parcours des lauréats, quel que soit le projet initial.

Ainsi fleurissent les belles histoires, après cinq années d’existence de l’Institut de l’engagement. Pendant les conférences O21, on a ainsi croisé Azad, qui redoublait sa 4lorsque sa mère a fait un AVC : après un BEP vente puis un service civique dans une association en Seine-Saint-Denis, il reprend ses études à 27 ans pour entrer en master finances à Science Po Paris. On a aussi écouté Claire, qui souhaitait devenir médecin, a redoublé sa 1re S, puis sa première année de licence écogestion, pour finalement choisir un service civique à la Fondation Agir contre l’exclusion avant d’être acceptée à Audencia, la grande école de management nantaise. Ou encore Oumou : arrivée en France après avoir grandi dans un village de Guinée, elle a opté pour un service civique à l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) et a fini major de sa promo à l’Ecole de management (EM) de Lyon.

Tous martèlent le même conseil aux jeunes qui peinent à se trouver : « Engagez-vous ! » Confortant l’intuition initiale de Martin Hirsch, qui aime à répéter : « Pendant leur service civique, on leur a dit merci pour la première fois de leur vie. “Merci”, c’est comme une drogue douce. » Inoffensive, mais addictive.

Participez à « O21 / S’orienter au 21e siècle » à Paris

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions lors du choix des études supérieures, Le Monde organise la seconde saison d’« O21 / S’orienter au 21e siècle », avec cinq dates. Après Nancy (1er- 2 décembre), Lille (19 - 20 janvier), Nantes (16-17 février) et Bordeaux (2-3 mars), rendez-vous à Paris (samedi 17 et dimanche 18 mars 2018, à la Cité des sciences et de l’industrie).

Dans chaque ville, les conférences permettent au public de bénéficier des analyses et des conseils, en vidéo, d’acteurs et d’experts, et d’écouter et d’échanger avec des acteurs locaux innovants : responsables d’établissements d’universités et de grandes écoles, chefs d’entreprises et de start-up, jeunes diplômés, etc. Des ateliers pratiques sont aussi organisés.

Il reste des places pour O21 Paris ! Entrée libre sur inscription.

En images : les temps forts d’O21, nos conférences pour s’orienter au 21e siècle, à Nancy

Pour inscrire un groupe de participants, merci d’envoyer un e-mail à education-O21@lemonde.fr. L’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les lycées peuvent organiser la venue de leurs élèves durant le temps scolaire.