Toys’R’Us liquide tous ses magasins américains, un séisme pour l’industrie du jouet
Toys’R’Us liquide tous ses magasins américains, un séisme pour l’industrie du jouet
Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
Etouffée par une dette de 5 milliards de dollars qu’elle ne parvient pas à rembourser, la célèbre chaîne de distribution de jouets laisse sur le carreau 33 000 salariés.
Le magasin de la chaîne Toys’R’Us sur Times Square à New York, le 9 mars. / EDUARDO MUNOZ / REUTERS
Criblée de dette et incapable de s’adapter au commerce en ligne, Toys’R’Us va disparaître. La célèbre chaîne de distribution de jouets, va fermer ou vendre ses 700 magasins aux Etats-Unis, laissant sur le carreau près de 33 000 salariés américains.
Le PDG David Brandon, qui a mis l’entreprise sous la protection de la loi sur les faillites en septembre 2017, en a informé, mercredi 14 mars, ses salariés au siège de l’entreprise à Wayne, dans le New Jersey. La demande de liquidation doit être déposée au tribunal jeudi.
La disparition de la multinationale du jouet, qui possède quelque 800 magasins hors des Etats-Unis, devrait être globale : liquidation en France, en Espagne, en Pologne et en Autriche, vente en Australie, en Asie et en Europe centrale tandis que l’entreprise tente de trouver un acheteur pour sauver les 82 magasins du Canada. Il s’agit d’une des plus grandes liquidations dans le commerce de détail américain, depuis celle de The Sports Authority, qui employait 14 500 salariés et a fermé, en 2016, ses 460 magasins de sport.
« [L’entreprise] est là pour rester », avait pourtant assuré, en septembre 2017, M. Brandon, saluant « l’aube d’une ère nouvelle chez Toys’R’Us », censée être soulagée par la restructuration de sa dette. En réalité, la mise en faillite a accéléré l’effondrement de la société lors des ventes de fin d’année. Son résultat avant impôt et frais financiers, qui est habituellement de 600 millions de dollars (485 millions d’euros), a été divisé par deux en 2017. « Les six derniers mois ont été un enfer », a déclaré David Brandon, selon le Wall Street Journal. En janvier, le dirigeant avait d’abord proposé à ses créanciers de fermer 20 % de ses magasins, puis la moitié avant de se résoudre à une fermeture complète.
Concurrence du commerce en ligne
L’entreprise est étouffée par une dette de 5 milliards de dollars qu’elle ne parvient pas à rembourser depuis qu’elle a fait l’objet d’un rachat par endettement avec effet de levier (leveraged buy-out, LBO) en 2005. Elle avait alors été rachetée par Vornado Reality Trust, Bain Capital et KKR, dans un système qui obligeait à prélever le cash-flow dégagé par la société pour rembourser sa dette d’acquisition : 400 millions de dollars à l’époque, juste avant la grande récession !
Cette contrainte a bridé ses capacités financières et l’a empêché de mettre en place une plate-forme d’achat en ligne performante alors qu’elle prend de plein fouet la concurrence du commerce en ligne et notamment d’Amazon : de nombreux parents préfèrent désormais acheter sur Internet et le secteur a donné lieu à une guerre des prix, entre Amazon et Wal-Mart notamment, les jouets vendus à prix coûtant voire à perte servant de produits d’appel pour les clients.
Toys’R’Us n’a pas non plus pu ou su transformer ses magasins, pour mieux exposer ou vendre ses nouveaux produits comme les drones. Et elle se fait supplanter par l’attrait des enfants pour les jeux numériques et autres consoles vidéos.
Créée en 1948 à Washington par un ancien combattant, Charles Lazarus, l’entreprise avait commencé par vendre des berceaux, des poussettes et des équipements pour bébé. A partir de 1957, le dirigeant commença à ouvrir des supermarchés de jouets, en faisant de la publicité à la télévision, alors en plein essor.
Son groupe devint un géant du jouet fort de 2 000 magasins dans le monde. Selon une enquête d’Ibisworld, Toys’R’Us contrôlait, en 2016, 13,6 % du marché du jouet américain, contre 29,4 % pour Wal-Mart et 16,3 % pour Amazon. Sa disparition est un séisme pour l’industrie du jouet. La chaîne avait une gamme extrêmement large et permettait à de nombreuses PME du secteur de vendre leur production.