« Il faut faire tomber les barrières entre les formations paramédicales et universitaires »
« Il faut faire tomber les barrières entre les formations paramédicales et universitaires »
Propos recueillis par Séverin Graveleau
Anthony Mascle, de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), explique en quoi consistera l’« universitarisation des formations de santé », que le gouvernement compte amplifier.
Photo d’illustration - CHU d’Angers - 2013 / JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Les ministres de la santé, Agnès Buzin, et de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ont installé, mercredi 14 mars, le « comité de suivi du processus d’universitarisation des formations de santé ». L’objectif est d’intégrer les formations paramédicales — les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), qui forment les infirmiers, et écoles de kinésithérapie, ergothérapie, etc. — et maïeutique (écoles de sages-femmes) au sein des universités : carte étudiante pour tous, simplification des procédures d’admission et intégration sur la plate-forme d’admission post-bac Parcoursup, promotion de la recherche universitaire dans ces spécialités, etc. Des initiatives bienvenues pour Anthony Mascle, vice-président chargé des affaires académiques de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).
La FAGE parle d’une « ségrégation sociale inacceptable » envers les étudiants des formations paramédicales et maïeutique. Qu’est-ce à dire ?
Anthony Mascle : Selon les universités et les zones géographiques, l’intégration de ces quelque 130 000 étudiants au sein de l’université est aujourd’hui très différenciée. La première et la plus symbolique de ces inégalités de traitement concerne la carte étudiante, à laquelle, selon les écoles ou instituts, les élèves ont accès ou non. Or celle-ci est un prérequis pour profiter de certains services de l’université.
Plus largement, il s’agit à terme de faciliter l’accès à l’ensemble des services que sont les bibliothèques ou les restaurants universitaires, les services de médecine préventive, les logements universitaires, les espaces numériques de travail, les aides des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), etc. La « carte étudiante pour tous » fait partie des annonces du ministère que le nouveau comité de suivi et ses groupes de travail vont devoir mettre en application. C’est une évolution que nous défendions depuis une dizaine d’années.
Au-delà de la situation des étudiants de ces formations, quels sont les enjeux de ce processus d’intégration universitaire ?
Les groupes de travail vont réfléchir à la manière de faciliter les poursuites d’études à l’université après l’obtention d’un diplôme dans un de ces instituts ou écoles paramédicales. Mais aussi, dans le même mouvement, sur la façon dont on peut permettre à des étudiants de se lancer dans la recherche universitaire sur les soins infirmiers, la maïeutique, etc., qui sont beaucoup plus développés à l’étranger.
Mais au-delà de ces éléments, il y a un véritable enjeu de santé à faire tomber les barrières qui existent entre les formations universitaires et paramédicales. L’une des clés pour lutter contre les déserts médicaux est la montée en charge des pôles de santé mélangeant dans un même espace, ou mettant en réseau, les professions ou spécialités médicales et paramédicales, au service de la prise en charge du patient. Mais pour cela il faut apprendre à travailler ensemble, à se connaître mutuellement. Or, il n’y a aujourd’hui que trop peu de connexions, pendant leur formation, entre un médecin formé dans un centre hospitalier universitaire (CHU) d’une grande ville et un psychomotricien formé dans un institut éloigné et indépendant de l’université. Travailler en interprofessionnalité, cela s’apprend. L’université peut servir de clé de voûte entre ces formations.
Jusqu’où doit aller ce rapprochement entre des formations aux cultures professionnelles parfois éloignées ? Des mêmes locaux, des cours en commun, un même concours d’accès ?
Cette intégration universitaire ne veut bien sûr pas dire qu’il faut détruire tous les instituts ou les écoles pour les intégrer physiquement dans les locaux universitaires, même si cela peut s’envisager à la marge. Cette fusion n’aurait d’ailleurs aucun sens dans certains cas : la répartition des instituts de formation en soins infirmiers constitue par exemple un maillage territorial fort qu’il ne faut pas abîmer. Il pourrait par ailleurs être dangereux de concentrer l’ensemble des formations de santé dans les CHU.
Il ne s’agit pas non plus de gommer les spécificités ou la culture de chacune mais de travailler ensemble et d’ouvrir ces formations les unes aux autres. Cela peut, par exemple, passer par des cours en commun autour de ce qu’elles partagent, des unités d’enseignement sur la relation au patient, etc.