Maintenant qu’il tourne rond, le football malgache rêve de Coupe d’Afrique des nations
Maintenant qu’il tourne rond, le football malgache rêve de Coupe d’Afrique des nations
Par Alexis Billebault (contributeur Le Monde Afrique)
Avec un nouveau sélectionneur, des joueurs binationaux motivés et une fédération mieux organisée, les « Barea » visent une qualification à la CAN 2019.
Dans un an, l’équipe mauricienne de football ne sera peut-être plus la seule sélection de l’océan Indien à avoir participé à une phase finale de Coupe d’Afrique des nations (CAN), en 1974 en Egypte. L’île voisine de Madagascar, stimulée par sa victoire (3-1) contre le Soudan en juin 2017 lors de son premier match de qualification pour la CAN 2019 au Cameroun, veut croit son heure venue.
Le passage de 16 à 24 participants, décidé en juillet 2017 par le président de la Confédération africaine de football (CAF), le Malgache Ahmad Ahmad, permettra aux deux premiers de chaque poule d’être présents au Cameroun à l’été 2019. Dans celle de Madagascar figure, outre le Soudan, la Guinée équatoriale et le Sénégal, son prochain adversaire lors du deuxième match de qualification pour la CAN 2019, en septembre à Antananarivo.
Il y a quelques années encore, évoquer une participation de Madagascar, actuellement 109e au classement FIFA, à une compétition aussi prestigieuse que la CAN paraissait incongru. Les « Barea », certes capables de réaliser quelques coups, comme leurs deux victoires face à l’Egypte (1-0 en 1985 et en 2002) ou des matchs nuls contre la Côte d’Ivoire (0-0 en 2008) et le Sénégal (2-2 en 2015), faisaient rarement parler d’eux. La donne a changé. Peuvent-ils, par exemple, inquiéter le Togo, qu’ils affrontent mercredi 21 mars à Franconville, en France, en match amical ?
« La fédération ne bougeait pas beaucoup »
« Quand j’ai été nommé sélectionneur en 2010, j’ai compris que le manque de moyens et de volonté constituerait un frein à la progression de l’équipe, souligne le Français Jean-Paul Rabier, dont la mission s’est arrêtée fin 2011. Organiser des stages et des matchs amicaux était compliqué. La fédération, alors présidée par M. Ahmad, ne bougeait pas beaucoup. »
Entre le départ de Jean-Paul Rabier et l’arrivée de son compatriote Nicolas Dupuis au printemps 2016, plusieurs sélectionneurs locaux (Maurice Mosa, Auguste Raux et Franck Rajaonarisamba) se sont succédé. « J’ai fait un premier constat et j’en ai fait part à M. Ahmad, qui était toujours président de la fédération : sans matchs amicaux réguliers, sans stages, on ne peut pas avancer, précise Nicolas Dupuis. Il a compris qu’il fallait mettre des moyens pour que les dates FIFA soient utilisées. » Le message a semble-t-il été entendu puisque, après le Togo, la sélection malgache se mesurera au Kosovo le 24 mars.
International depuis 2015, le milieu de terrain Zotsara Randriambololona, né en France et qui évolue en Ligue 2 belge, a vu le fonctionnement de la sélection évoluer : « C’est devenu plus professionnel depuis que Nicolas Dupuis est là. Tout s’améliore : les transports, l’hébergement, les équipements, les stages, les matchs amicaux. L’année dernière, on a affronté l’Ouganda en octobre et les Comores en novembre. Cette addition de détails permet de mieux travailler, de progresser et donc d’avoir des ambitions, à commencer par la qualification à la CAN 2019. »
Madagascar voue au football une passion que les rares matchs disputés à Antananarivo viennent confirmer. « Le stade de Mahamasina est quasiment toujours plein quand la sélection joue, reprend Nicolas Dupuis. Les gens sentent qu’il se passe quelque chose. L’équipe des locaux a manqué d’un rien de se qualifier pour la phase finale du Championnat d’Afrique des nations [auquel seuls les joueurs évoluant dans un club de leur pays peuvent participer], au Maroc en début d’année. La sélection A est invaincue depuis juin 2016. On va engager une équipe pour les qualifications aux Jeux olympiques de 2020, le foot féminin se développe… »
Des binationaux ont rejoint l’équipe
La fédération, où Ahmad Ahmad reste très influent, est plus active. Et l’arrivée de quelques sponsors privés améliore l’ordinaire. « Les choses bougent. Je suis international depuis 2004, je peux en témoigner. Les galères lors des voyages, avec des escales interminables, les problèmes avec des équipements pas adaptés, j’en ai connu, soupire le capitaine, Faneva Andriatsima, qui évolue au Havre, en Ligue 2 française. C’est d’ailleurs pour ça que j’avais pris du recul avec la sélection entre 2011 et 2013. »
Aidé par quelques « anciens » (Paulin Voavy, Carolus Andriamatsinoro), Faneva Andriastima s’est personnellement impliqué dans le projet mené par Nicolas Dupuis en prêchant la bonne parole auprès des binationaux nés en France : « Entre joueurs, on se parle. En tant que capitaine, je peux rassurer ceux qui hésitent en leur disant que s’ils acceptent de jouer pour leur pays d’origine, ils bénéficieront de bonnes conditions de travail. Et pour eux, c’est aussi l’occasion de venir à Madagascar, pour la première fois, à l’occasion d’un match »
Ces derniers mois, plusieurs d’entre eux, qui jouent dans les championnats français ou belge, ont rejoint les Barea, tels Thomas Fontaine (Clermont Foot), Jérôme Mombris (GFC Ajaccio), Melvin Adrien (Amiens), Fabien Boyer (Créteil), Dimitry Caloin (Cholet) et Marco Ilaimaharitra (Charleroi). Un effectif que Nicolas Dupuis complète par quelques joueurs évoluant encore sur la Grande Île, notamment au Cnaps Sport (l’actuel meilleur club du pays, à Miarinarivo) ou à Fosa Juniors.
« Le championnat malgache n’est pas totalement professionnel, même si dans certaines équipes les joueurs ne font que du foot et peuvent gagner jusqu’à 500 euros par mois, reprend Nicolas Dupuis. La sélection peut leur permettre de se faire remarquer pour aller en Europe. Ils progresseront et cela bénéficiera à l’équipe. »