Prévisions de croissance : le protectionnisme préoccupe Bruxelles
Prévisions de croissance : le protectionnisme préoccupe Bruxelles
Par Marie Charrel, Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
La Commission européenne table toujours sur une croissance de 2 % en zone euro cette année. Mais les risques pesant sur ce scénario ont augmenté.
Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à Bruxelles, le 3 mai. / EMMANUEL DUNAND / AFP
L’optimisme affiché par la Commission européenne en février, lors de la présentation de ses prévisions de croissance intermédiaires, est quelque peu retombé. Jeudi 3 mai, l’institution a publié ses nouvelles prévisions de printemps, et le ton se veut plus prudent, comme le résume le titre du document : « L’expansion devrait se poursuivre malgré l’apparition de nouveaux risques. »
Après la très bonne année 2017, où le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro comme celui de l’Union européenne (UE) ont progressé de 2,4 %, la reprise devrait rester robuste. A condition que la montée du protectionnisme ne dégénère pas en guerre commerciale.
- La croissance devrait ralentir un peu
Passé l’effet rattrapage de 2017, la croissance devrait ralentir un peu cette année puis l’année prochaine. Dans la zone euro, elle devrait s’établir à 2,3 % en 2018, puis à 2 % en 2019, prévoit la Commission, comme elle l’estimait déjà en février. « Des goulots d’étranglement devraient apparaître dans certains pays et secteurs », détaille-t-elle, ajoutant que la croissance du commerce mondial devrait également se modérer.
Si les prévisions sont inchangées pour la France (2 % en 2018 puis 1,8 % en 2019), l’Allemagne (2,3 % puis 2,1 %) et l’Italie (1,5 % puis 1,2 %), la Commission est en revanche un peu plus optimiste pour l’économie espagnole, qui devrait croître de 2,9 % cette année, contre 2,6 % estimé en février, et de 2,4 % l’an prochain (contre 2,1 %). Mais elle est un peu plus pessimiste pour la Grèce : elle table désormais sur une croissance de 1,9 % en 2018, contre 2,5 % estimé en février, et de 2,3 % l’an prochain (2,5 %).
Les prévisions de printemps 2018 de la Commission européenne. / Commission européenne
- La baisse du chômage se poursuit
C’est probablement la meilleure nouvelle : le taux de chômage de l’UE devrait tomber de 7,6 % en 2017 à 7,1 % cette année, puis à 6,7 % en 2019. Dans la zone euro, il devrait passer de 9,1 % en 2017 à 8,4 % en 2018 puis 7,9 % in 2019. « Le chômage en Europe est au plus bas depuis dix ans. Nous nous rapprochons ainsi des niveaux d’avant-crise », souligne Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières.
« Ce bon chiffre recouvre toutefois des disparités importantes entre les Etats membres et des formes d’emplois variées, nuance-t-il. Si la bataille contre le chômage est en passe d’être gagnée, celle pour des emplois de qualité en France et en Europe ne fait que commencer. » En 2018, le taux de chômage restera très élevé en Grèce (20,1 %), en Espagne (15,3 %) et en Italie (10,8 %), loin des niveaux enregistrés en République tchèque (2,4 %), en Allemagne (3,6 %) ou en Irlande (5,4 %).
- Aucun pays n’affichera un déficit public supérieur à 3 % du PIB
Tout un symbole : « Cette année devrait être la première, depuis la création de l’Union économique et monétaire, où aucun gouvernement n’aura à gérer de déficit budgétaire supérieur à 3 % du PIB », souligne la Commission. La reprise et les taux d’intérêt très bas aident les pays membres à assainir leurs finances publiques. Dans la zone euro, le déficit public devrait ainsi tomber à 0,7 % du PIB en 2018, puis à 0,8 % en 2019. La dette publique, elle, devrait s’établir à 86,5 % du PIB en 2018.
En France, le déficit public, à 2,6 % du PIB en 2017, devrait passer à 2,3 % cette année, tandis que sa dette publique devrait un peu baisser, de 97 % du PIB l’an passé à 96,4 % cette année. « Je me réjouis que la France soit désormais en bonne position pour sortir de la procédure pour déficit excessif dans quelques semaines, déclare Pierre Moscovici. C’est l’aboutissement de 10 ans d’efforts de redressement. »
Il se montre tout aussi satisfait à propos de la dette : « La France est désormais sur une trajectoire de désendettement, soutenue par une croissance forte. Alors qu’elle avoisine les 100 points de PIB, faire baisser la dette est un choix politique nécessaire ».
- De nouveaux risques planent sur la reprise
Sans surprise, la Commission se montre, elle, aussi préoccupée par la montée des tensions commerciales. « L’économie est plus exposée à des facteurs de risque externes devenus plus déterminants et défavorables », note-t-elle. La volatilité observée sur les marchés financiers ces derniers mois devrait se poursuivre.
La relance budgétaire aux Etats-Unis soutient l’activité à court terme, mais elle accroît le risque de surchauffe et de remontée plus rapide des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine. Sans oublier le protectionnisme qui, en cas d’escalade, est susceptible de peser sur la croissance mondiale. La zone euro, en raison de son degré d’ouverture, est particulièrement exposée.