Le défenseur des Herbiers Adrien Pagerie, face à Laval, le 4 mai, au stade Massabielle, où une réplique de la tour Eiffel a été érigée. / DAMIEN MEYER / AFP

Avec son taux de chômage inférieur à 5 %, son dynamisme économique sur fond de christianisme social et d’indépendance revendiquée par rapport à l’Etat centralisateur, Les Herbiers incarnent cette Vendée prospère qui ignore la crise. Voilà pour la carte postale. Ce mardi 8 mai, Les Herbiers et toute la Vendée montent à Saint-Denis, non pas pour visiter les sépultures royales de la basilique dionysienne, mais pour défier le Paris-Saint-Germain en finale de la Coupe de France, sur la pelouse du Stade de France (21 h 05). Soit une première pour une équipe du département en 101 éditions.

Et si les 11 000 places allouées dans un premier temps au club de National (3e division) sont parties en moins d’une heure, c’est que l’engouement dépasse la commune du bocage vendéen et ses 16 500 habitants. Le département vibre en rouge et noir, les couleurs du VHF (Vendée Les Herbiers Football) comme dans ce clip où le chanteur Philippe Katerine, tout en cape et chapeau noir, appelle à l’union derrière les joueurs de Stéphane Masala : « Les Vendéens sont pas si fous, partiront pas sans croire en vous. » Le message est reçu. « On a rangé les querelles locales au vestiaire, tout le monde soutient le VHF, assure Jean-Jacques Gazeau, président du district de Vendée. Quoi qu’il arrive, les joueurs ont déjà marqué l’histoire du football vendéen. »

Katerine - 85 Rouge et Noir (feat. MC Circulaire)
Durée : 03:40

Une histoire qui tient sur une page blanche malgré ses 31 300 licenciés, ses 190 clubs et quelques vieilles gloires (Maxime Bossis, Ulrich Ramé, Jean-Marc Guillou) ; du moins si on se cantonne à l’élite du football français. En effet, jamais un club vendéen n’a évolué en division 1 ou Ligue 1. Les plus connaisseurs et nostalgiques se souviennent au mieux de la Roche-sur-Yon à l’époque d’une D2 encore divisée en deux groupes au début des années 1990. Mais depuis la descente des Yonnais en 1993, la Vendée a disparu de la carte du football professionnel dans l’Hexagone. Le Poiré-sur-Vie et Luçon ont bien flirté avec la Ligue 2 ces dernières années, mais le premier évolue aujourd’hui en National 2 (4e division) et le second a déposé le bilan en 2016.

Le rêve de Philippe de Villiers

Stéphane Masala était à l’époque l’adjoint de Frédéric Reculeau sur le banc de touche avant de rebondir aux Herbiers. Entraîneur principal du VHF depuis janvier (et le licenciement de Reculeau), cet « Italo-Vendéen » met en avant « les guéguerres et l’esprit de clocher » pour expliquer cette absence dans l’élite. « Ici, vous avez des bons clubs tous les 10 kilomètres mais il n’y a jamais eu la culture du foot de haut niveau. Chacun reste attaché à sa petite histoire, poursuit le technicien de 41 ans. Par exemple, si vous avez un match entre deux équipes vendéennes pour une accession en division supérieure, celle qui n’a rien à jouer va tout faire pour empêcher l’autre de monter. Et ça, vous ne le voyez pas dans d’autres départements. »

Jean-Jacques Gazeau avance, lui, une raison plus géographique. « Cette absence d’un grand club est liée aussi à notre paysage, estime le dirigeant. Il n’existe pas de grande métropole dans notre département. La Roche-sur-Yon fait 53 000 habitants et l’attractivité économique est plutôt au nord dans la zone des Herbiers et Challans. » Pourtant, de par son statut de chef-lieu et son passé en D2, « La Roche » devrait « être le pôle attractif du football vendéen ». Or, son club végète aujourd’hui en National 3.

En mai 2016, la fusion avec Luçon a capoté au dernier moment, alors qu’un protocole avait été signé cinq mois plus tôt. « L’attelage que nous aurions formé avec les Luçonnais n’aurait pas été fiable », lâchait alors Christophe Chabot, l’ambitieux président de La Roche VF et patron d’Akena Vérandas. « Les gens s’identifient à un territoire, à une ville et ce n’était pas forcément un mariage d’amour entre deux clubs distants de 30 km, remarque Gazeau. Tout le monde veut bien de ce club professionnel, mais chacun va dire : “Ce club, il serait mieux chez moi.” Il faut une volonté commune et elle n’existe pas pour l’instant. »

Un ancien défenseur central de l’Etoile de Boulogne, du nom de Philippe de Villiers, a bien poussé pour la création d’un grand club sur le territoire. En vain. « Quand je suis devenu président du conseil général [en 1988], j’avais trois rêves, expliquait-il dans un entretien à 20 minutes le 17 avril. Le premier : faire flotter l’emblème de la Vendée sur toutes les mers du monde, c’est le Vendée Globe. Le deuxième, recevoir le départ du Tour de France, ce qu’on a fait trois fois et ce qu’on va faire une quatrième fois cette année. Et le troisième : avoir une grande équipe de foot. Ce qu’on n’arrive pas à faire par le championnat, je rêve qu’on le fasse par la Coupe. Cela peut être l’étincelle pour le foot vendéen. »

Entre un jeune entraîneur prometteur, le dynamisme de son économie, Les Herbiers pourraient s’imposer comme l’équipe référente de toute la Vendée. Sauf que le VHF vit une drôle de saison avec d’un côté son épopée en Coupe de France et de l’autre la galère en championnat avec une menace de relégation en National 2. « Vous pouvez avoir une belle équipe sur une ou deux saisons, mais cela ne suffit pas pour inscrire un club dans la durée », avance Philippe Violeau, champion de France avec Auxerre et Lyon mais vendéen de naissance et de cœur. 

L’ancien milieu de terrain est pourtant persuadé « qu’il existe ici un énorme potentiel », mais encore faut-il que les bonnes volontés arrivent à s’entendre. « Pour construire un club, ça ne se fera pas chacun dans son coin, il faut pouvoir cohabiter et mettre ses ambitions de côté. On parle de Guy Roux à Auxerre ou de Noël Le Graët à Guingamp comme des hommes providentiels, mais à côté d’eux, il y avait une dizaine de personnes autour de la table pour structurer le projet. »

Nantes, le club de la Vendée

Et si le grand club vendéen n’existait pas déjà avec huit titres de champions de France à son palmarès et sa réputation – un rien jaunie – de beau jeu ? Comme Philippe de Villiers lui-même, les Vendéens ont toujours eu un faible affirmé pour le FC Nantes. « A mon avis, 35 % à 40 % des supporteurs de Nantes viennent de Vendée, estime, à la louche, Stéphane Masala. Il suffit de voir les plaques des voitures les soirs de match à la Beaujoire. Pour un jeune Vendéen, le rêve a toujours été d’intégrer la Jonelière [le centre de formation nantais], pas de jouer aux Herbiers, Luçon ou La Roche. » « Nantes a toujours été le club de la Vendée, confirme Philippe Violeau. Avec mon équipe de Froidfond ou mon père, j’allais voir tous les matchs à Marcel-Saupin puis à la Beaujoire. »

Mais avec le parcours des Herbiers en Coupe, les Vendéens ont prouvé qu’ils pouvaient aussi remplir la Beaujoire (face à Lens et Chambly lors des tours précédents) pour soutenir un des leurs. « On n’est plus Les Herbiers, on est la Vendée », assurait déjà Stéphane Masala avant la demi-finale contre Chambly. Installé désormais près de La Rochelle, Philippe Violeau ressent « un engouement exceptionnel autour de cette finale ». Le vainqueur de la Coupe de France 1996 avec Auxerre n’ose pas trop imaginer une victoire face à un PSG triple tenant du titre et même avec Neymar, enfin de retour du Brésil, en simple spectateur. « On dit qu’en football, tout est toujours possible, mais face à ce PSG, cela paraît impossible. Après, il y a un match à jouer… » Et toute la Vendée est déjà prête pour ça.