Italie : une nouvelle crise au sud de l’Europe
Italie : une nouvelle crise au sud de l’Europe
Editorial. Entre un gouvernement dont la composition paraît problématique et un programme s’affranchissant des règles de la zone euro, le paysage au lendemain de la nomination du président du conseil italien est des plus inquiétant.
Le nouveau président du conseil italien, Giuseppe Conte, avant sa rencontre avec le président de la République, Sergio Mattarella, à Rome le 23 mai. / REMO CASILLI / REUTERS
Editorial du « Monde ». Un premier ministre inconnu et novice au CV fourni mais aussitôt mis en doute, sur le nom duquel le président de la République, Sergio Mattarella, réfléchit pendant deux jours et qu’il finit par accepter « avec réserve » ; une coalition gouvernementale improbable et tout aussi novice, reposant essentiellement sur l’alchimie fragile entre les chefs des deux partis « antisystème » qui la composent et sur leur rejet commun de Bruxelles ; un contrat de gouvernement en totale rupture avec l’histoire de la démocratie italienne ; un gouvernement dont la composition paraît très problématique ; enfin, des partenaires européens plongés dans une profonde incertitude, en particulier ceux de la zone euro : le paysage romain au lendemain de la nomination de Giuseppe Conte comme président du conseil italien, mercredi 23 mai, est, il faut le reconnaître, des plus inquiétants.
Contrairement à ce que clame Luigi Di Maio, le dirigeant du Mouvement 5 étoiles (M5S), vainqueur des élections du 4 mars et principal partenaire de la coalition avec la Ligue de Matteo Salvini, le « contrat pour un gouvernement de changement », dont Le Monde publie des extraits, n’a rien de la précision ni de la cohérence du contrat de coalition âprement négocié par la CDU-CSU d’Angela Merkel et ses partenaires sociaux-démocrates. Les électeurs italiens qui attendaient un projet cohérent et articulé seront déçus : ils ont droit, avec ce document, à une compilation des mesures mises en avant par chacun des deux partis et que chacun revendique comme les siennes.
Inquiétude sur la dette publique
Il ne s’agit, au bout du compte, que d’objectifs, à peine chiffrés, longuement développés sur certains points comme la sécurité ou le tourisme, mais cruellement succincts sur certains sujets cruciaux, en particulier dans le domaine fiscal et économique. L’un des rares points clairs qui en émanent est celui de l’immigration et du durcissement à attendre sur le sort du demi-million de demandeurs d’asile qu’abrite actuellement l’Italie.
Le renoncement, la semaine dernière, par les deux partis à leur engagement à sortir de l’euro et à demander un effacement de la dette publique italienne à hauteur de 250 milliards d’euros, n’a pas réussi à rassurer les partenaires de l’Italie au sein de l’Union européenne, dont elle est l’un des six membres fondateurs. Le coût des promesses électorales du M5S et de la Ligue, qui font miroiter aux Italiens un revenu universel de 780 euros par bénéficiaire et une importante baisse des impôts sur le revenu, a été évalué par l’Observatoire italien des comptes publics à entre 109 milliards et 126 milliards d’euros.
On voit mal comment l’Italie, troisième économie de la zone euro, pourrait appliquer un tel programme sans violer le pacte de stabilité et de croissance européen. L’inquiétude porte surtout sur l’énorme dette publique italienne, la plus élevée de l’UE après celle de la Grèce.
A la Commission européenne, la prudence est de mise – pour l’instant. Tout en renouvelant ses mises en garde sur la question de la dette et du déficit, elle essaie de ne pas jeter de l’huile sur le feu, tant l’horizon est sombre. Ainsi, le commissaire européen à l’économie et aux finances, Pierre Moscovici, a eu raison de rappeler la nécessité de respecter « la légitimité démocratique et les rythmes démocratiques ». Une nouvelle crise est ouverte dans le sud de l’Union, potentiellement bien plus grave que celle de la Grèce.
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