Comment la Suède a durci sa politique d’asile
Comment la Suède a durci sa politique d’asile
Par Audrey Delaporte
La crise migratoire de 2015 et la pression de l’extrême droite ont poussé le pays, un temps l’un des plus accueillants de l’UE, à s’en tenir au strict minimum réglementaire.
Des demandeurs d’asile venus d’Erythrée, à Tallmogarden, en Suède, en août 2015. / Loulou d’Aki
A quelques mois des élections législatives suédoises du 9 septembre, la question migratoire et sécuritaire est au cœur de la campagne : en témoigne le nouveau durcissement des règles d’asile, annoncé le 4 mai par le gouvernement du social-démocrate Stefan Löfven. Le parti d’extrême droite, les Démocrates de Suède, n’y est pas pour rien : sa progression a fortement influencé les choix de la coalition au pouvoir en termes de migrations.
Après 2015, une rupture de la politique d’asile suédoise
Au pic de la crise des migrants, la Suède est le deuxième pays d’accueil en Europe derrière la Hongrie, rapporté à sa population.
2015 est une année décisive pour le pays qui enregistre un nombre de demandeurs d’asile record de plus de 160 000 personnes, dont la majorité durant l’automne.
Face à cet afflux massif de migrants, et devant le dépassement des institutions compétentes qui ne parviennent plus à loger les nouveaux arrivants, le gouvernement décrète dans un premier temps l’instauration de contrôles aux frontières le 12 novembre 2015. Ces contrôles vont mettre un frein significatif aux demandes, la majorité des prétendants arrivant par les côtes sud de la Suède et plus particulièrement depuis le Danemark, via le pont de l’Oresund qui est la seule frontière matérialisée entre les deux pays.
Pour compléter ce dispositif, le gouvernement adopte les premières mesures de durcissement de la politique d’asile en juin 2016. Elles sont dans un premier temps présentées comme temporaires, dans l’attente d’un dispositif commun de répartition des demandeurs d’asile au niveau de l’Union Européenne. Toutefois, faute d’accord, la Suède pérennise ces dispositifs en mai 2018. D’une politique d’asile réputée généreuse, la Suède passe au « strict minimum européen ».
Le spectre de l’extrême droite
Ces restrictions imposées par la coalition gouvernementale font polémique. Les sociaux-démocrates, au pouvoir avec les Verts, sont accusés de chercher à attirer les votes des Démocrates de Suède et des conservateurs, et d’entacher la réputation d’une nation accueillante.
Et pour cause : les Démocrates de Suède ont pris une place importante dans le paysage politique suédois. Troisième parti au Parlement avec 13 % des sièges, leur popularité s’est envolée avec la crise des migrants, dès 2014. Le parti dispose d’un fort ancrage dans le sud du pays, en Scanie, la principale région d’entrée des migrants, où il enregistre ses meilleurs scores électoraux.
Plus globalement, la Suède connaît une montée de l’extrême droite avec une visibilité accrue de groupuscules néonazis, à l’image du Mouvement de Résistance nordique. Fer de lance de la xénophobie, ces mouvements s’opposent à la tradition multiculturelle du pays, et plus particulièrement à la pérennisation de l’installation des migrants en Suède.
Si les dispositifs d’urgence mis en place par la Suède depuis trois ans lui ont permis de surmonter la crise institutionnelle, la mise en place de dispositifs de prise en charge et d’intégration des migrants en Suède est désormais la priorité du gouvernement de Stefan Löfven. Reste à voir si les élections de septembre sanctionneront la gestion de cette crise.